Voir_Film] Top chronos Streaming Vf Complet En Français By Alyce Cline 03 May, 2020 Post a Comment Film Top chronos Streaming Complet Film En Entier 2002 Vostfr En HD, Regarder Clockstoppers (2002) [VF] Gratuit de qualité HD en ligne . Top chronos (2002) Titre original: Clockstoppers Sortie: 2002-03-17 Durée: 94 minutes Score: 5.1 de 156 utilisateurs

News Bandes-annonces Casting Critiques spectateurs Critiques presse VOD Blu-Ray, DVD Spectateurs 3,3 1790 notes dont 141 critiques noter de voirRĂ©diger ma critique Synopsis Interdit aux moins de 12 ans Isabelle et son frĂšre ThĂ©o, restĂ©s seuls Ă  Paris pendant les vacances de leurs parents, invitent chez eux Matthew, un Ă©tudiant amĂ©ricain. Dans cet appartement oĂč ils sont livrĂ©s Ă  eux-mĂȘmes, ils vont fixer les rĂšgles d'un jeu qui les amĂšnera Ă  explorer leur identitéémotionnelle et sexuelle. Au fil des heures, la partie s'intensifie, les sens et les esprits s' pour toile de fond la France dĂ©chirĂ©e de Mai 68, reflet d'une jeunesse dont la voix rĂ©sonne dans toute l'Europe, The Dreamers est un voyage initiatique celui detrois adolescents testant leurs propres limites pour enfin se trouver. Regarder ce film UniversCinĂ© Location dĂšs 2,99 € Voir toutes les offres VODService proposĂ© par Bande-annonce 143 DerniĂšres news 6 news sur ce film Acteurs et actrices Casting complet et Ă©quipe technique Critiques Presse Aden L'Express L'HumanitĂ© Le Figaro Le Monde LibĂ©ration PremiĂšre Studio Magazine TĂ©lĂ©CinĂ©Obs TĂ©lĂ©rama Cahiers du CinĂ©ma Le Figaroscope Les Inrockuptibles Positif CinĂ© Live Le Point TĂ©lĂ©rama Chaque magazine ou journal ayant son propre systĂšme de notation, toutes les notes attribuĂ©es sont remises au barĂȘme de AlloCinĂ©, de 1 Ă  5 Ă©toiles. Retrouvez plus d'infos sur notre page Revue de presse pour en savoir plus. 19 articles de presse Critiques Spectateurs Je savais dĂ©jĂ  que le cinoche de Berto, c'Ă©tait du bidon, mais avec Innocents» 2003, on passe carrĂ©ment Ă  la poubelle en plastoche recyclĂ©. Pendant 109 minutes, le vieux coco devenu bobo nous impose sa nostalgie des barricades et je vous assure que c'est pĂ©nible. Je ne savais pas trop si je devais rire ou pleurer d'un naturel joyeux, j'ai souvent optĂ© pour la premiĂšre solution. Le propos du film est simple c'est le moins qu'on ... Lire plus Un huit-clos dans un appartements parisien, avec un amĂ©ricain, une française, et un peu de sexe, difficile de ne pas faire le lien avec "dernier tango Ă  Paris" du mĂȘme Bertolucci. En fait "les innocents" est plus un hommage sincĂšre Ă  la nouvelle vague, et au cinĂ©ma en gĂ©nĂ©ral. SincĂšre, mais malheureusement pas Ă  la hauteur de ses ambitions. Le film donne l'impression que Paris a Ă©tĂ© filmĂ© exclusivement pour un public Ă©tranger tant ... Lire plus Encore un film pseudo-intellectuel qui nous fait dĂ©couvrir la sexualitĂ© de trois jeunes durant Mai 68 oĂč se mĂȘlent alcool, inceste, bourgeoisie et j’en passe. Le scĂ©nario est inexistant, les acteurs pourtant pas trop mauvais ne peuvent pas sauver les meubles. A croire que faire des films Ă©rotiques sans queue ni tĂȘte est une preuve de grande culture... Dark Shadows, le dernier navet de Tim Burton n'aura eu finalement qu'une seule consĂ©quence positive, celle de me faire voir ce film. En effet, dur de ne pas ĂȘtre intriguĂ© par la plastique d'Eva Green et Bertolucci Ă©tant rĂ©putĂ© pour faire des films non approuvĂ©s par le saint pĂšre et de vouloir en dĂ©couvrir d'avantage. Je n'avais pas vu de Bertolucci avant celui-ci enfin je triche un peu, j'ai vu son segment du film collectif la ... Lire plus 141 Critiques Spectateurs Photos 10 Photos Secrets de tournage La genĂšse du projet The Dreamers est l'adaptation cinĂ©matographique du roman de Gilbert Adair, The Holy innocents. Bernardo Bertolucci dĂ©couvrit cet ouvrage alors qu'il s'interrogeait sĂ©rieusement sur son prochain film. Il songeait alors Ă  donner une sorte de suite Ă  1900, son chef-d'oeuvre Ă©pique tournĂ© en 1976 et dont l'action se terminait en 1945. Mais ce rĂ©cit intimiste d'un mĂ©nage Ă  trois, situĂ© pendant les Ă©meutes de Mai 68 Ă  Paris, rĂ©veilla en lui de merveill Lire plus L'enthousiasme de Gilbert Adair Avant d'ĂȘtre contactĂ© par le producteur Jeremy Thomas, Gilbert Adair, peu satisfait de son livre, avait dĂ©jĂ  refusĂ© d'intĂ©ressantes propositions d'adaptation, interdisant mĂȘme Ă  son agent de lui en communiquer de nouvelles. L'auteur se souvient "Lorsque mon agent m'a prĂ©cisĂ© que lĂ , il s'agissait de Jeremy Thomas et de Bernardo Bertolucci, j'avoue n'avoir pu rĂ©sister Ă  pareille tentation. Mon roman parle de politique et de septiĂšme art, d' Lire plus Le choix de Michael Pitt Pour le rĂŽle de Matthew, Bernardo Bertolucci et Jeremy Thomas ont dĂ» auditionner plus de 200 acteurs entre Los Angeles et New York. Le casting amĂ©ricain s'effectua discrĂštement pour prĂ©server un certain mystĂšre. "Bernardo dĂ©sirait ne rien dĂ©voiler de son scĂ©nario", se rappelle Michael Pitt. "Il fallait le lire sur place, devant lui. Impossible de l'emporter chez soi. C'est ce que j'ai fait, et j'ai trouvĂ© le texte d'une beautĂ© rare Lire plus 7 Secrets de tournage Infos techniques NationalitĂ©s France, Grande-Bretagne, Italie Distributeur TFM Distribution AnnĂ©e de production 2003 Date de sortie DVD - Date de sortie Blu-ray - Date de sortie VOD - Type de film Long-mĂ©trage Secrets de tournage 7 anecdotes Budget - Langues Français, Anglais Format production - Couleur Couleur Format audio - Format de projection - N° de Visa - Si vous aimez ce film, vous pourriez aimer ... Commentaires

FilmDrame réalisé en 2013 par Sherry Hormann, avec Antonia Campbell-Hughes (Natascha Kampusch), Thure Lindhardt (Wolfgang Priklopil) et Trine Dyrholm (Brigitta Sirny). Toutes les informations sur le film 3096 Tage. Non OK, j'ai compris Accueil Séries Toutes les séries Calendrier des sorties Recommandation. Films Tous les films Sorties cinéma.
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FilmComplet A Perfect Day (2005) Streaming Vf Complet Gratuit. Malek est un jeune libanais qui vit Ă  Beyrouth avec sa mĂšre Claudia. Il est victime d'apnĂ©e du sommeil et de somnolence. Dans la mĂȘme journĂ©e, il va convaincre sa mĂšre de dĂ©clarer la mort de son pĂšre, disparu 15 ans plus tĂŽt, tenter de reconquĂ©rir sa petite amie Zeina, et

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See other formats ^AN rlBV»IC% BOOK No. Accession L579 A 640794 NOT TO BE TAKEN FROM THE LIBRARY FORM 3427 — 5OO0 — lO-SO Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from San Francisco Public Library LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE PAR DANIEL LBYY Cet ouvrage se vend an profit de la BibliothĂšque de la Ligne Nationale française de San Francisco SAN FRANCISCO GRÉGOIEE, TAUZY ET Cie, LIBRAIRES ÉDITEURS 6, RUE P08T 1884 Copyright, 1884, by Daniel LĂ©ty. ALL KIGHTS PESEBVED 6407'94 Sar Fbakcisco Imprimerie A. Chaigneau, 4, Rue Sutter 1881 AUX FRANÇAIS DE CALIFORNIE "C'est a vous, mes chers compatriotes, que je dedie celte Jjistoire c/ui est la votre. fui sse-t- elle, sur cette terre de votre adop- tion, coiilnhuer a resserrer les liens de solidaritĂ© fraternelle c/ui vous unissent, et h fortifier les sen- timents d'amour filial qui vous lient a la mĂšre- patrie, notre France hien-aimee ! DAJYIEL LÉYY. San Francisco, novembre ^864. AVANT-PROPOS Mon intention premiĂšre Ă©tait simplement d'Ă©crire l'histoire des deux grandes souscriptions françaises ouver- tes dans ce pays pendant et aprĂšs la guerre franco-alle- mande, et de la faire prĂ©cĂ©der d'un court aperçu de quelques Ă©vĂ©nements antĂ©rieurs Ă  cette Ă©poque. Mais les recherches auxquelles j'ai dĂ» me livrer m'ont entraĂźnĂ© au-delĂ  du but que je m'Ă©tais proposĂ© tout d'abord. Vivement intĂ©ressĂ© par la diversitĂ© des incidents qui ont marquĂ© l'existence de notre colonie, j'ai conçu le dessein d'en retracer le tableau complet sans y apporter d'autre prĂ©tention que celle d'une scrupuleuse exactitude. Des amis trop indulgents ont cru devoir m' encourager Ă  entre- prendre cette tĂąche laboneuse. Laborieuse, en eflet, car [lour rĂ©unir les matĂ©riaux qui m'Ă©taient nĂ©cessaires, pour retrouver, Ă  leur date prĂ©- cise, une multitude de faits dont les dĂ©tails commencent dĂ©jĂ  Ă s'eftacer dans la brume des ans, je n'avais guĂšre que deux ressources m'adresser aux souvenirs de nos rares pionniers et parcourir les volumineuses collections de nos journaux français. Si j'Ă©tais sĂ»r d'avance de l'oViligeant concours de nos VI AVANT-PROPOS. anciens Californiens, ils Ă©taient, eux, gĂ©nĂ©ralement moins sĂ»rs de la fidĂ©litĂ© de leur mĂ©moire. Quant aux journaux, l'idĂ©e seule de compulser, sans points de repĂšre, cette masse Ă©norme de feuilles imprimĂ©es, avait de quoi efi'rajer le plus intrĂ©pide fureteur de documents. Heureusement, M. A. Vauvert de MĂ©an, consul de France Ă  San Francisco, a bien voulu me permettre d'utili- ser les prĂ©cieux renseignements historiques et statistiques que contiennent les archives consulaires. M. le comte de Jouttroy d'Abbans, aujourd'hui consul par inierini, s'est empressĂ© avec une bonne grĂące dont je ne saurais trop le remercier, de me fournir ces dĂ©tails qui ont beaucoup servi Ă  me guider dans les recherches ultĂ©rieures qu'il me restait Ă  faire pour comiilĂ©ter mes rĂ©cits et en prĂ©ciser les points essentiels. Je dois aussi Ă  M. de Jouft'roy des suggestions excel- lentes au sujet du plan que j'ai dĂ©finitivement adoptĂ© pour ce livre, et qui offrait des difficultĂ©s sĂ©rieuses, en raison de la multiplicitĂ© et de la grande variĂ©tĂ© de matiĂšres qu'il devait embrasser. Il est Ă©vident que s'il s'agissait de faire une Ă©dition spĂ©ciale pour le pullic en France, lien des parties de mon travail devraient ĂȘtre profondĂ©ment modi- fiĂ©es et bien des dĂ©tails en seraient bannis entiĂšrement. Cependant tel qu'il est, nous osons espĂ©rer qu'il ne sera pas lu sans intĂ©rĂȘt dans notre mĂšre-patrie. J'adresse tous mes remercĂźments Ă  ceux de nos com- patriotes qui, avec un empressement si cordial, ont rĂ©poridu Ă  mes demandes de renseignements. Ils sont trop nombreux pour que je puisse les nommer tous ; mais je ne AVANT-PROPOS. VII saurais passer outre sans exprimer ma vive recouuaissauce Ă  AI. E. Derbec, le vĂ©tĂ©ran de notre presse franco-califor- nienne, de qui je tiens, en grande partie, les dĂ©tails qu'on trouvera dans ce livre sur les modes d'exploitation des mines et sur les mouvements migratoires de nos anciens mineurs de la CĂŽte du Pacifique. Comme la plus grande sincĂ©ritĂ© du monde ne met personne Ă  l'abri d'une erreur de mĂ©moire — errare humanum est — j'ai toujours eu soin de contrĂŽler les infor- mations qu'on voulait bien me donner par des tĂ©moignages divers. MalgrĂ© cette prĂ©caution, il n'est pas impossible que de lĂ©gĂšres inexactitudes de dĂ©tails — toujours inĂ©vi- tables — et mĂȘme que des omissions de faits me soient reprochĂ©es. Quant Ă  ce dernier grief, on voudra bien comprendre que j'ai dĂ» m'imposer comme rĂšgle de n'accor- der l'hospitalitĂ© qu'Ă  ce qui pouvait intĂ©resser la gĂ©nĂ©ralitĂ© des lecteurs et non pas quelques lecteurs individuellement. Ce livre se compose de sept parties. La premiĂšre comprend un abrĂ©gĂ© de l'histoire de la Californie, et notamment de San Francisco. Elle sert, en quelque sorte, d'introduction et de cadre au tableau que j'ai essayĂ© de tracer. Pour cette partie de l'ouvrage, j'ai consultĂ© l'excellente Histoire de San Francisco par John S. Hittell, les Annales de San Francisco, publiĂ©es en 1855, et l'Histoire de la Californie par F. Tuthill. La seconde partie embrasse l'histoire gĂ©nĂ©rale de notre colonie cahfornienne depuis son origine jusqu'en 1870. La troisiĂšme contient une sĂ©rie d'Ă©pisodes et d'inci- VIII AVANT-PROPOS. dents qui se sont succĂ©dĂ© pendant la mĂȘme pĂ©riode, telles que les expĂ©ditions françaises en Sonore, l'arrestation du consul Dillon, etc. La quatriĂšme est consacrĂ©e aux Associations fran- çaises Ă©tablies dans ce pays depuis 1851. La cinquiĂšme et la sixiĂšme forment, Ă  vrai dire, le travail que j'avais primitivement l'intention de publier; c'est-Ă -dire, l'histoire des deux grandes souscriptions nationales et des diverses manifestations patriotiques aux- quelles elles ont donnĂ© lieu. La septiĂšme partie est consacrĂ©e Ă  la Ligue Nationale Française et Ă  la BibliothĂšque qu'elle a fondĂ©e. Enfin dans la Conclusion qui suit, je jette un coup d'Ɠil rapide sur la situation actuelle de notre colonie. Quelques-uns des chapitres se terminent par de petits- faits dĂ©tachĂ©s qui ne pouvaient y ĂȘtre incorporĂ©s sans rom- pre le fil du rĂ©cit principal. Dans le cours de mon travail, j'ai souvent Ă©i^rouvĂ© une vĂ©i'itable tristesse en remarquant que les fondateurs de notre colonie et dĂ© nos premiĂšres institutions, tous arrivĂ©s ici, jeunes, ardents, l'imagination reni[»lie de beaux rĂȘves d'avenir, ont presque tous disparu de la scĂšne cali- fornienne. Pour ne parler que d'une Ă©poque rĂ©cente sur les vingt-et-une pei'sonnes qui formaient le comitĂ© central de la souscription nationale, il n'en reste aujourd'hui que cinq Ă  San Francisco. Mais si les anciens chefs de colonnes s'en vont les uns aprĂšs les autres, de nouveaux les remplacent au poste du devoir et de l'honneur. Ăź^otre population ne manquera AVANT-PROPOS. IX jamais d'iiommes de cƓur pour la guider et porter haut le drapeau fraii;ais dans ce pays. Il y aura toujours parmi nous des esprits gĂ©nĂ©reux et fiers tout disposĂ©s Ă  se consa- crer Ă  son bien-ĂȘtre matĂ©riel et moral. Mais il faut qu'ils se sentent entourĂ©s d'Ă©lĂ©ments sympathiques. Il faut que les membres de notre famille française se connaissent entre eux, pour s'aimer, s'apprĂ©cier et pour suivre avec ensemble l'impulsion qui leur est donnĂ©e. Il faut aussi qu'ils puissent s'inspirer de l'exemple de leurs devanciers qui, dans des circonstances souvent difficiles, ont jetĂ© les bases de tant d'institutions devenues notre sauvegarde et notre orgueil. C'est afin qu'ils aient constamment sous les yeux cet exemple salutaire, que j'ai essayĂ© de reconstituer le passĂ© de notre colonie et de l'exposer, de mon mieux, dans cette sĂ©rie d'esquisses, imparfaites sans doute, mais tracĂ©es avec une scrupuleuse bonne foi. On sait que j'ai un autre objet en vue, celui de con- tribuer, par la publication de ce livre, Ă  assurer l'existence d'une Ɠuvre qui doit ĂȘtre chĂšre Ă  tous nos compatriotes Ă©clairĂ©s. jS'otre BibliothĂšque a prĂ©cisĂ©ment pour but de conserver et de perpĂ©tuer parmi nous, avec notre indivi- dualitĂ© propre, l'usage de notre langue maternelle et mĂȘme d'en rĂ©pandre le goĂ»t parmi les autres Ă©lĂ©ments de la population. C'est lĂ , un genre de propagande patrioti- que qui ne peut froisser aucune susceptibilitĂ© Ă©trangĂšre et qui vaudra Ă  notre gĂ©nie national le respect de tous; car de toutes nos gloires, la littĂ©rature est la plus pure, la plus durable et la plus Ă©clatante. PREMIERE PARTIE Aperçu historique de la Califoruic. DĂ©coiiverte de la Californie — EĂ©gime espagnol et mexicain — Missions — Fondation de Yerba Bnena ou San Francisco — Fre'mont — Echauf- ioxuĂ©e du Bear Flag -Annexion aux États-Unis — Émigrants par les plaines — Population eu 18-17 et en 1818. La jiĂ©mnsule califoriiieiiiie fut dĂ©couverte par Cortez, en 1536, et la Haute-Californie par l'Espagnol Cabrillo, en 1542, c'est-Ă -dire cinquante annĂ©es aprĂšs le dĂ©barque- ment de Christophe Colomb sur le sol vierge du Nouveau Monde. Mais ce fut sir Francis Drake qui en explora la cĂŽte en 1579. Les Espagnols, les premiers, prirent povsses- sion du pays en 1763 ; ils l'annexĂšrent au Mexique et donnĂšrent, dit-on, le irĂ©nom du navigateur anglais, traduit en langue castillane, Ă  la Ijaie de San Francisco, dĂ©cou- verte le 7 novembre 1769 par le moine Juan Crespi. Suivant une autre version plus vraisemblable, les Franciscains ont simplement appelĂ© la baie du nom du fondateur de leur ordre. Quant au nom de Californie, il a aussi exercĂ© l'esprit investigateur des iihilologues. Ils sont toutefois Ă  peu 2 LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. prĂšs d'accord pour le faire dĂ©river du latin Calida foniax, ou de l'espagnol Caliente fornallo, mots dont il serait la contraction.^^' La Californie, dĂ©pendance du Mexique, Ă©tait placĂ©e comme lui sous la domination des rois d'Espagne, et administrĂ©e par des gouverneurs relevant du gouverne- ment central de Mexico. AprĂšs 1769, le gouvernement reconnut deux Californies, la Vieille ou Basse, et la Nou- velle ou Haute. C'est cette derniĂšre qui, conquise par les AmĂ©ricains en 1846, est le pays que nous habitons et qui porte aujour- d'hui le nom de Californie tout court. Les premiers colonisateurs furent les JĂ©suites. AprĂšs leur expulsion de l'Espagne et de ses possessions coloniales, en 1767, ils furent remplacĂ©s en Californie par des moines de l'ordre de Saint François. Ceux-ci fondĂšrent, le long du httoral, un certain nombre de Missions qui avaient pour but de convertir les Indiens au christianisme et de leur inculquer les premiĂšres notions de l'agriculture et de diffĂ©rents mĂ©tiers. Les Indiens Ă©taient logĂ©s autour du principal corps de bĂątiment, dans de petites huttes ali- gnĂ©es sur des rangs parallĂšles. Junipero Serra, espagnol de naissance, et homme d'une trĂšs grande valeur, fut. pendant de longues annĂ©es Ă  la tĂȘte de ces Missions. Il mourut le 28 aoĂ»t 1784. Dans le voisinage se formaient les imĂ©hlos, petits vil- 1 — Le jĂ©suite mexicain Michael Venegas incline Ă  attribuer l'origine du nom Ă  des mots prononcĂ©s par des Indiens et mal compris ou mal entendus par les pre- miers Espagnols- APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. 3 lages habitĂ©s par d'anciens soldats avec leurs familles. Il y en avait quatre Sonoma, San JosĂ©, Branciforte, prĂšs de Santa Cruz, et Los Angeles. Une ranchĂ©ria Ă©tait une agglomĂ©ration de ranclios ou fermes, formant un liameau. Enfin, les prĂ©sidios Ă©tait des postes militaires, placĂ©s sous les ordres des jjadres ou missionnaires, et destinĂ©s Ă  protĂ©ger les diffĂ©rents Ă©tablissements espagnols contre les attaques des Indiens hostiles. Les ports les plus anciennement connus sont Santa Barbara, San Pedro et San Diego. On voit par ce qui prĂ©cĂšde que les Missions, avec leurs dĂ©pendances, formĂšrent le noyau primitif de la colo- nisation du pays. Les descendants des premiers colons, d'origine mexicaine, sont dĂ©signĂ©s aujourd'hui sous les noms d' A?i- ciens Californiens. En 1776, au mois de juin, fut fondĂ©e, Ă  quatre milles de Yerba Bucna d' la Mission DolorĂšs de San Francisco par les pĂšres Palou et Cambon. Ils venaient de Monte- rey, de Richard- son. Au mois d'avril 1838, Leese de^^nt pĂšre d'une fille qui fut le premier enfant nĂ© Ă  San Francisco. Peu Ă  peu, quelques nouvelles constructions en ado- bes s'Ă©levĂšrent. L'alcade, nommĂ© en 1835 par le peu d'ha- bitants Ă©parpillĂ©s dans les empirons, attribuait Ă  chaque personne qui en faisait la demande, un terrain de cin- quante ou de cent varas. Depuis le premier juillet 1835 jusqu'au 7 juillet 1846 — ce qui constitue la pĂ©riode du rĂ©gime civil mexicain Ă  San Francisco — on accorda quar tre-vingt-trois concessions dont trente-quatre Ă  des Espa- gnols et le reste Ă  des AmĂ©ricains ou Ă  des Anglais. Le premier plan de la localitĂ© tracĂ© en 1839, compre- nait l'espace bornĂ© aujourd'hui par les rues Montgomery, California, Powell et Broadway, avec la Flaza ou Ports- mouth Square comme point central. Les deux principales artĂšres Ă©taient la rue Kearny, allant de la rue Sacramento Ă  la rue Pacific, et la rue Dupont, allant de la rue Pacific Ă  la rue Clay. Cette der- niĂšre avait deux blocs sur chacun de ses cĂŽtĂ©s et s'Ă©ten- dait de la rue Dupont Ă  la rue Montgomery. Les ruea 1 — Sorte de briques en terre sĂšche. APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. 7 Sacramento, Washington et Jackson Ă©taient moins lon- gues ; mais dans tontes, les haljitations Ă©taient fort elair- si bien l'impossibilitĂ© du statu quo que M. Duflot de Mofras, chargĂ© d'une mission d'exploration du gouvernement français sur la cĂŽte du Pacifique et auteur d'un ouvrage sur l'OrĂ©gon et la Cali- fornie, suggĂ©ra Ă  son gouvernement l'idĂ©e de ja-endre les devants sur les Etats-Unis et de s'emparer du pays. Un Anolais, M. Forbes, Ă©galement auteur d'une histoire de la Californie, fit la mĂȘme suggestion au gouvernement britannique. A Los Angeles, les femmes mexicaines chantaient une chanson espagnole contenant ces mots "Lorsque les AmĂ©- ricains viendront, la Californie sera perdue ; mais lorsque les Français viendront, les femmes se rendront surrender." Il Ă©tait dans la destinĂ©e de Etats-Unis de remporter. L'admission dans l'Union amĂ©ricaine du Texas, qui s'Ă©tait dĂ©tachĂ© du Mexique en 1845, provoqua une guerre entre les deux iays. Le rĂ©sultat en fut la conquĂȘte du Ăź^ouveau Mexique et l'achat, moyennant vingt millions de dollars, de la Californie qui comprenait alors tout le terri- toire situĂ© entre l'OcĂ©an Pacifique et les Montagnes Ro- cheuses. Le traitĂ© de paix de Guadelupe Hidalgo, signĂ© le 2 fĂ©vrier 1848, consacra la prise de possession de cette vaste rĂ©gion par les Etats-Unis. CoĂŻncidence remarquable Le 19 janvier prĂ©cĂ©dent, avait lieu sur la propriĂ©tĂ© du capitaine Sutter, la dĂ©couverte de Tor, cette rĂ©vĂ©lation qui devait produire un si grand retentissement et qui allait transformer la CaHfornie naguĂšre inconnue, en un des pays les plus riches du globe. APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. 9 DĂšs 1846, les AmĂ©ricains s'Ă©taient emparĂ©s de quel- ques points de la cĂŽte, et Ă  Yerba Buena, ils avaient arborĂ© la banniĂšre Ă©toilĂ©e, Ă  l'endroit de la ville appelĂ© aujourd'hui Portsmoutli Square. Dans la mĂȘme annĂ©e, un navire amena un o-rand nombre de Mormons avec leurs familles. En 1847, au mois de janvier, un dĂ©cret de l'alcade changea le nom de Yerba Buena en celui de San Fran- cisco. Des Ă©migrants amĂ©ricains, partis de la vallĂ©e du Mis- sissipi, arrivĂšrent en Californie ]ar les plaines. Quelques- uns, notamment la comiagnie dirigĂ©e par un riche fermier, nommĂ© Donner, qui a laissĂ© son nom Ă  un beau lac, trou- vĂšrent la mort au milieu des neiges fin fĂ©vrier 1847. Le 6 mars, dĂ©barqua le premier dĂ©tachement du rĂ©gi- ment Stevenson, composĂ© de volontaires qui s'Ă©taient engagĂ©s, la guerre avec le Mexique terminĂ©e, Ă  se fixer dĂ©finitivement en Californie. Ces arrivages divers donnĂšrent naturellement une certaine extension Ă  la bourgade de San Francisco. Un nouveau plan en fut dressĂ© par O'Farrell, Irlandais. Cette carte Ă©largie embrassait le district bornĂ© par les rues Post, Leavenwoi-th, Francisco et le water front J^^ Au sud de la rue Market, elle comprenait quinze blocs, dont quatre rue QuatriĂšme et onze rue DeuxiĂšme. D'aprĂšs un recensement fait au mois de juin 1847, \ — Du nom du premier navire do guerre des Etats-Unis, arrivĂ© dans notre port lS4ti. 2 — Bord de la baie 10 LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. San Francisco, non compris le village de DolorĂšs et la garnison du PrĂ©sidio, comptait 459 iudi\'idus et 812 eu mars 1848, dont 575 hommes, 177 femmes et 60 enfants eu Ăąge de suivre les cours de l'Ă©cole. 'i' Le journal le Califoimian, — car dĂšs cette Ă©poque il y avait un journal et mĂȘme deux, l'autre s'appelait le Skir — le Californian, disons-nous, dans son numĂ©ro du mois de juin 1847, donne le nombre des habitants, avec l'indication de leur origine et de leur sexe. jS'ous reproduisons ces dĂ©tails qui nous semblent intĂ©- ressants comme les souvenirs d'enfance de cette grande citĂ© devenue la reine du Pacifique. En 1848, San Francisco comptait 247 blancs du sexe masculin et 128 du sexe fĂ©minin, dont 83 enfants au-des- sous de 16 ans ; 26 Indiens et 8 Indiennes de tout Ăąge ; 40 Canaques, dont une femme, venus des Ăźles Sandwich ; neuf nĂštjres et une nĂ©o^resse. Sur les blancs, 228 Ă©taient nĂ©s aux Etats-Unis, 38 en Californie de race mexicaine, plus 2 Mexicains nĂ©s dans d'autres dĂ©partements du Mexique; 5 nĂ©s au Canada, 2 au Chili, 22 en Angleterre, 3 ex Fraxce, 27 en Allemagne, 14 en Irlande, 14 en Ecosse, 6 en Suisse, 4 nĂ©s sur mer. Le Danemark, Malte, la jSTouvelle Hollande, la Nouvelle ZĂ©lande, le PĂ©rou, la Pologne, la Russie, les Ăźles Sandwich, la SuĂšde et les Indes Orientales avaient fourni un indi- vidu, par pays, Ă  cette population cosmopolite. 1 — Il en existait une, toute petite, en bois, situĂ©e au coin de la Piaza et de la rue Brenham. APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. 11 Il y avait aussi cent cinquante-sept maisons dont le quart en adobes, les autres en bois. La population blanche, en 1848, dans toute la Califor- nie, Ă©tait estimĂ©e Ă  treize mille Ăąmes. n Sutter — DĂ©couverte de l'or — Tout le monde coiu't aux placera — DĂ©tails officiels sur les mines et les mineurs — Premier Camp finançais — Premiers immigrants — ChertĂ© en toutes choses — Richesses et pri- vations — Le juge Lynch. John A. Sutter, d'une famille suisse Ă©tablie dans le grand duchĂ© de Bade, avait servi en France comme capi- taine des gardes suisses de Charles X. En 1834, il sem- barqua pour Xew-York. PoussĂ© par son esprit aventureux, il s'engagea dans une compagnie de trappeurs qui se rendait, par les plaines, en Californie. AprĂšs avoir explorĂ© une partie de cette contrĂ©e, il alla visiter l'OrĂ©gon d'oĂč il poussa une pointe jusqu'aux Ăźles Sandwich. Sans trop s'y arrĂȘter, il revint en Californie et dĂ©barqua Ă  Monterey en juillet 1839. A Monterey, il obtint du gouverneur l'autorisation de se choisir un ^^^ste domaine situĂ© sur la riviĂšre AmĂ©ricaine, dans la vallĂ©e do Sacramento. Il fortifia sa propriĂ©tĂ© de son mieux pour la mettre Ă  l'abri des Indiens des envi- rons, et lui donna le nom de Nouvelle HelcĂ©tie. Pendant l'hiver 1847-48, il fit un contrat avec James W. Marshall, un des Mormons rĂ©cemment arrivĂ©s en Cali- 12 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. fornie, pour rĂ©rection d'une scierie mĂ©canique. C'est en dessĂ©chant, non loin de l'endroit occupĂ© aujourd'hui par le village de Coloma, le ht d'un ruisseau dont il avait dĂ©tournĂ© le cours, que Marshall trouva la iireniiĂšre d'or.i La nouvehe de cette dĂ©couverte, qu'on voulait tout d'abord tenir secrĂšte, arriva Ă  San Francisco en mĂȘme temps que le prĂ©cieux spĂ©cimen, sans y produire grande sensation. C'est seulement vers la fin du mois d'avril, que, convaincus enfin de la richesse des trouvailles faites, les trois quarts des habitants, pris comme d'un violent vertige, se prĂ©cipitĂšrent vers les gisements aurifĂšres. Les magasins, les atehers, les Ă©tabhssements de tout genre se fermĂšrent, les journaux sus[>endirent leur i»ubli- cation, car, propriĂ©taires, rĂ©dacteurs et compositeurs se ruĂšrent tous, avec le mĂȘme entrain, vers le nouveau jardin des HespĂ©rides. Il en Ă©tait de mĂȘme de toutes les autres localitĂ©s, et souvent les employĂ©s du gouvernement don- naient l'exemple Ă  leurs administrĂ©s. Le maire ou alcade de Monterey planta lĂ  sa commune pour s'en aller piocher la terre sur les bords du Sacramento, en compagnie de l'ancien avocat-gĂ©nĂ©ral du roi des Ăźles Sandwich. La gar- ^l _ Selon la rĂšgle ordinaire, cet Ă©vĂ©nement mĂ©morable n'a profitĂ© ni u Marshall ni Ă  Sutter. Le premier est restĂ© pauvre et simple pt ospecteur, toujours Ă  la piste de nouveaux gisements d'or. Au mois de mai 188;^, il habitait une cabane grossiĂšre a Kelsey, non loin de Placerville. Peut-ĂȘtre y demeure-t-il encore aujourd'hui. Sutter, dĂšs la dĂ©couverte do l'or, se vit abandonnĂ© de tous les hommes Ă  son service. Un lui vola et ses bestiaux et ses terres. ComiilĂštoment ruine, il se porta, en 1851, candidat aux fonctions de gouverneur, mais sans succĂšs. Pour le dĂ©dom- mager de son Ă©chec, le gouverneur Ă©lu lui accorda le titre de gĂ©nĂ©ral de la milice, fonctions purement honorifiques. Plus tard, l'Etat de Californie lui alloua une pension de 250 dollars par mois. Cette pension ayant Ă©tĂ© supprimĂ©e en ISiW. lutter se rendit .Ă  Washington, et pendant deux ans, sollicita vainement du Lungres iine indemnitĂ© pour les pertes qu'il avait eu Ă  subir en Californie, il mourut en 1S60, pauvre et dĂ©sespĂ©rĂ©. „ ,., . , r ^ »r i Voir Popular History of Cahfornta ly Lucia Norman.. APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. 13 nison elle-mĂȘme dĂ©serta comme un seul homme, et une a^rande partie des volontaires du rĂ©giment Stevenson suivit le torrent, les soldats faisant de leurs baĂŻonnettes des outils de travail. La grande nouvelle s'Ă©tant rĂ©pandue au deliors, on A-it affluer, pendant la derniĂšre partie de l'annĂ©e 1848, un grand nombre d'Ă©migrants Ă©trangers, notamment des Mexicains de la Sonore. Il en arriva aussi un grand nom- bre du Chili, du PĂ©rou et des diverses Ăźles de l'OcĂ©an Pacifique. Tout ce monde se ^n'Ă©cipita vers les mines comme emportĂ© par un tourbillon. Par suite de la dĂ©sertion des fermes, les objets de consommation furent Ijien vite Ă©puisĂ©s et tout devint d'une chertĂ© inouĂŻe. l'our comller la mesure, l'argent Ă©tant devenu fort rare, on dut remplacer la monnaie par la pou- dre d'or. Mais cette prĂ©cieuse substance, qui valait Ă  iSTew-York dix-huit dollars l'once, ne passait en Californie Cjue pour quatre. Plus tard, il est vrai, le prix en fut fixĂ© par les autoritĂ©s Ă  seize dollars. Dans les États amĂ©ricains de l'Atlantique, onn"a}iprit ce qui venait d'arriver dans la vallĂ©e du Saeramento qu'au mois de Septembre. D"abord on accueilUt la nouvelle avec incrĂ©duhtĂ© ; mais quand le doute ne fut plus possible, il se produisit un immense mouvement d'Ă©migration vers la Californie. La i»]upart des gens y vinrent par le cap Horn, voyage de six Ă  sept mois. Ceux qui Ă©taient Ă©tablis dans la vallĂ©e du Mississipi, firent le voyage par les plaines, organisĂ©s en compagnies ou caravanes. Un fait curieux, c'est l'espĂšce de furie avec laquelle les marins, Ă  peine 14 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. entrĂ©s daus le port de San Francisco, dĂ©sertaient leurs navires ]Our courir aux mines. Pendant les premiĂšres annĂ©es, des fortunes se fai- saient parfois en un seul jour. On trouvait en abondance des pĂ©pites g-rosses comme des noisettes ; on tombait aussi parfois sur des morceaux d'or pesant de deux Ă  trois livres. Voici ce qu'Ă©crit Ă  ce sujet M. Larkin, qui avait Ă©tĂ© con- sul des Etats-Unis en Californie sous le rĂ©gime mexicain "On rencontre auiilacer nombre d'hommes qui, au mois de juin, n'avaient pas cent dollars, et qui en possĂšdent au- jourd'hui de cinq Ă  vingt mille, gagnĂ©s en ramassant de l'or et en trafiquant avec les Indiens. Il y en a qui ont amassĂ© davantage. "Cent dollars par jour, pendant plusieurs journĂ©es consĂ©cutives, sont regardĂ©s comme la rĂ©compense moyenne d'un mineur, bien que peu d'entre eux puissent travailler plus d'un mois de suite Ă  cause des fatigues." Dans ces agglomĂ©rations de travailleurs, si diffĂ©rents \&.Y leur origine, leur nationalitĂ©, leurs professions, leur degrĂ© d'Ă©ducation, etc., rĂ©gnait l'Ă©galitĂ© la plus absolue. Chacun comprenait qu'il devait rompre avec le passĂ© et se livrer sans relĂąche, avec l'instrument qu'il pouvait se procurer, Ă  la rude besogne de chercheur d'or. Une pelle, une pioche, un couteau mĂȘme pour remuer la terre, et un rĂ©cipient quelconque, plat, Ă©cuelle, pour la recueillir et la dĂ©layer voilĂ  ce qui suffisait alors. Le revers de la mĂ©daille, c'Ă©tait le prix Ă©levĂ©, souvent exorbitant, de certains articles de premiĂšre nĂ©cessitĂ©. Les prix, sujets Ă  de brusques et frĂ©quentes fluctuations, variaient selon Tabondance ou la raretĂ© des arrivao-es. APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. 15 A ce propos, on lira avec intĂ©rĂȘt l'extrait suivant d'un rapport officiel Ă©crit an mois de juillet 1848 i Viande fraĂźche J""" $ 12Ăš cents 2j la livre Farine 1 00 Eiz 1 00 Sucre 1 00 " Biscuit 50 00 le quintal Vin et eau-de-vie 8 00 la bouteille Le boisseau de fĂšves, de pois se vendait 10 dollars et plus. Le tout payable en or du placer, Ă  raison de 16 dol- lars l'once. Maints cliercheurs d'or, en prĂ©sence d'une riche trouvaille, ont dĂ» penser Ă  ces vers du fabuliste "... .Le moindre grain de mil Ferait bien mieux mon affaire." Dans les villes, mĂȘme chertĂ© en toutes choses. Ainsi, un charretier Ă  Monterey demandait de 50 Ă  100 dollars pour conduire un chargement Ă  la distance de 25 milles. Des mineurs payaient jusqu'Ă  150 dollars par jour pour une grossiĂšre machine appelĂ©e cradle berceau. Un cha- peau en feutre gris a Ă©tĂ© payĂ© 70 dollars. Une vieille cou- verture de laine, 80. Des bouteilles vides, qui avaient Ă©tĂ© abandonnĂ©es sur des navires, 5 dollars piĂšce. On s'en ser- vait pour y enfermer la poudre d'or. Tous ces dĂ©tails, relatĂ©s par le gouverneur Mason, sont d'une rigoureuse authenticitĂ©. La rude existence Ă  laquelle les mineurs Ă©taient assujettis mauvaise nourriture, nuits passĂ©es sur 1 — Rapport de ,VI. Moeronhout, vice-coui'ul do Friince il Monterey. Cl — Le cint vuut cinn centimes et le dollar cimi francs. 16 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. la dure et eu pleiu air, atteintes d'un climat nouveau, fatigues d'un travail excessif et, pour beaucoup, tout-Ă -fait insolite, dĂ©faut de soins et de propretĂ©, — tout cela pro- duisit des maladies graves, telles que les fiĂšvres, la dissen- terie, etc. Les mĂ©decins ne manquaient pas sur les lieux, mais les mĂ©dicaments. Les maladies n'Ă©taient pas le seul flĂ©au dont les tra- vailleurs eussent Ă  souffrir. Des malfaiteurs de la pire espĂšce s'Ă©taient glissĂ©s dans leurs rangs ; des vols, des assassinats se commettaient tous les jours. Le gouverne- ment fĂ©dĂ©ral envoyait bien des troupes pour rĂ©primer ces excĂšs, mais elles dĂ©sertaient. Le commodore Jones, ayant reçu de Wasbington l'ordre de se rendre Ă  Monterey ou Ă  San Francisco, avec son escadre, pour rĂ©tablir la tranquillitĂ© dans le pays, confessa son impuissance au ministre de la Marine dans cette note vraiment curieuse "Je n'ose toucber la terre, je ne saurais y envoyer que des boulets. Tout dĂ©tacbement que j'y dĂ©barquerais dĂ©serterait incontinent." Qu'arriva-t-il ? AbandonnĂ© de tous, ^L Mason, gou- verneur de la Californie, rĂ©solut, comme CaussidiĂšre et Ă  peu prĂšs Ă  la mĂȘme Ă©poque, de faire de l'ordre avec le dĂ©sordre mĂȘme. Il se rendit au Gold District, c'est-Ă -dire dans la rĂ©gion de l'or, et lĂ , faisant appel Ă  l'Ă©nergie des bonnĂȘtes gens, il forma avec leur concours une adminis- tration provisoire, ayant son siĂšge au puĂ©blo de San JosĂ©. Des mesures sommaires ne tardĂšrent pas Ă  dĂ©barrasser les vĂ©ritables travailleurs de leurs dangereux compagnons. Ce fut l'avĂšnement du juge Lyncb aux placers. APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. 17 III Importance naissante de San Francisco — Principaux Ă©vĂ©nements cle 1849 — Premier incendie — Lieux de dĂ©bar0. APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. 59 La Mission de San Gabriel, situĂ©e Ă  9 milles de Los Angeles et au pied d'une chaĂźne de montagnes, fut fondĂ©e en 1771. On y montre encore aujourd'hui, comme objet de curiositĂ©, la vieille Ă©glise, bien nue, bien pauvre, mais in- tĂ©ressante Ă  raison de son cachet mexicain. Quant Ă  Los Angeles, son origine est entourĂ©e de l'aurĂ©ole d'une lĂ©gende poĂ©tique et merveilleuse, qu'on trouvera relatĂ©e tout au long les RĂ©miniscences of a Ranger. W D'aprĂšs cette lĂ©gende, la ville devrait sa naissance cĂ  l'intervention de la sainte Vierge, ou nucstra Sehora, la Reina de los angeles. De lĂ , son nom. Voici la vĂ©ritĂ© historique Un nommĂ© lĂźTavarro, ser- o-ent de l'armĂ©e espagnole au Mexique, avec son camarade, le caporal Quintero et dix soldats, demandĂšrent et obtinrent, aprĂšs leur hbĂ©ration du service, l'autorisation de s'Ă©tablir Ă  l'endroit oĂč s'Ă©lĂšve aujourd'hui la ville. A l'exception d'un veuf, tous ces individus avaient avec eux leurs fem- mes et un total de trente enfants. Les chefs de famille se dĂ©composaient ainsi deux Espagnols, deux mulĂątres, deux nĂšgres, quatre Indiens, un Chinois et un mĂ©tis de sang croisĂ© de nĂšgre et d'Indien. Sur les onze femmes, six Ă©taient mulĂątresses et cinq Indiennes. Le gouvernement avança Ă  chaque famille deux bƓufs, deux mulets, deux juments, deux moutons, deux vaches avec un veau, un Ăąne et une houe ou sarcloir ; le tout Ă  des \ — Early Times in, Southern Californli, par la majur Horac3 Bell. Lo3 Angeles 1881. 60 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. prix dĂ©terminĂ©s, dout le montant devait ĂȘtre remboursĂ© au moyen de versementSĂ©annuels.i L'autorisation de fonder le nouveau puĂ©ldo fut signĂ©e le 26 aoĂ»t 1781. Le 5 septembre suivant, un cortĂšge com- posĂ© de X avaiTO, de tous ses camarades avec leurs familles, des PĂšres de la Mission, des nĂ©ophytes, des religieuses de San Gabriel, du gouverneur et des soldats du prĂ©sidio, se rendit sur la place centrale du futur village. LĂ , on planta solennellement la croix qu'avait apportĂ©e ^avarro. Le son des trompettes, le In-uit des tamlours, le chant des prĂȘ- tres, rien ne manqua Ă  la consĂ©cration officielle et reli- gieuse de cet Ă©vĂ©nement. AprĂšs la cĂ©rĂ©monie, tout le monde se retira, Ă  l'exception de ÎTavarro et de ses compagnons qui restĂšrent en posses- sion du nouveau village vouĂ© Ă  la A^ierge, Reine des Anges. Pendant les cinquante annĂ©es qui sui^^reut, Los An- geles fit peu de progrĂšs. En 1836, le CongrĂšs mexicain Ă©rigea la modeste bourgade en capitale de la Haute-Cali- fornie. Elle conserva cette situation jusqu'en 1847, Ă©poque Ă  laquelle les Etats-Unis, aprĂšs une sĂ©rie de combats, s'em- parĂšrent de la place. Los Angeles comptait alors prĂšs de deux mille habi- tants, presque tous Mexicains plus ou moins croisĂ©s d'In- diens. La plupart des maisons Ă©taient construites en adobes et couvertes de tuiles ou de bardeaux. Le com- merce y avait un caractĂšre tout primitif. On faisait quel- ques Ă©changes avec le dehors, notamment avec les gens du 1 — Voir Semi-Tropical Califomia. APERÇU Hlf^TOIlIQUE DE LA CALIFORNIE. 61 ]S"ouveaii-!Mcxique on leur cĂ©dait, par exemple, im ex- cellent cheval }iu' deux couvertures de laine grossiĂšre ! La population eut beaucoup de peine Ă  se rĂ©signer Ă  la domination amĂ©ricaine. En deliors de l'humiliation douloureuse de la dĂ©faite et de la haine que le vaincu res- sent contre le vainqueur, il y avait entre les Californiens et leurs conquĂ©rants une antipathie fondĂ©e sur la ditĂŻ'Ă©- rence de race et de religion. Et puis, il faut bien le dire des deux cĂŽtĂ©s se trouvaient un grand nombre d'individus turbulents, joueurs de profession, bandits, aventuriers de toutes sortes qui, Ă  tout propos, se livraient des comlats sanglants dans la ville. Comme Ă  San Francisco, et mĂȘme plus frĂ©quemment, les citoyens paisibles et honnĂȘtes durent, pour rĂ©tablir l'ordre, se substituer aux autoritĂ©s Ă©tallies. Aujourd'hui Los Angeles, Ă  part son ancien quartier mexicain qui tend Ă  disparaĂźtre, Ă  part quelques vieilles bĂątisses en adobes restĂ©es debout, est une ville toute mo- derne et charmante, possĂ©dant une population de 25 Ă  30,000 Ăąmes. Comme centre de commerce, elle ne le cĂšde, en Californie, qu'Ă  San Francisco et, peut-ĂȘtre, Ă  Sacra- mento. Les immenses ressources, qu'elle doit Ă  la richesse si variĂ©e de son sol et Ă  la beautĂ© de son climat, lui per- mettent de compter avec confiance sur la rĂ©alisation des brillantes destinĂ©es que rĂȘva pour elle son humble fonda- teur, le sergent esjiagnol Xavarro. ' 1 — Voici la liste dos Missions Ă©tablies en Californie San Francisco Solano, San RafaĂ«l, Sun Francisco DolorĂŽs, Santa Clara, San JosĂ©, Santa Cruz, San Juan Bap- tista, Carmelo, San Antonio, San Miguel, San Luis Obispo, Santa InĂšs, Siinta Barbara, San Buonavontura, San Fernando, San Gabriel, San Juan Capislrano, San Luis Roy, San Diego, La l'urisima Concepcion, Solodad. DEUXIÈME PARTIE L,es Premiers Français en Californie Le cousul Dillon — Le NoĂŽ de la Csiliforiiie — Un Français, auteur du premier plan de Yerba Bueua ou San Francisco — Un camp de mineurs français — Les incendies de 1851 — Les Gardes mobiles et les Lingots d'Or — Les premiĂšres Françaises — Statistiques — Souvenirs d'un Lin- got d'Or. DĂšs 1844, le gouvernement français Ă©tait reprĂ©sentĂ© Ă  Monterey, capitale de la Californie, par un vice-consul, M. Louis Gasquet. Au mois de mai 1845, celui-ci eut pour successeur M. Moereuliout, appelĂ© plus tard Ă  Los An- geles. A San Francisco, M. Guys, nĂ©gociant, exerça les fonctions d'agent consulaire depuis le 3 novembre 1849 jusqu'au 22 juillet 1850, jour oĂč M. Dillon arriva sur le vapeur OrĂ©f/im, en qualitĂ© de consul de France. M. Dillon, n'avant pu s'installer convenablement en ville, accepta l'hospitalitĂ© Ă  bord d'un navire français mouillĂ© sur rade. Il trouva enfin Ă  louer, Ă  l'angle des rues Jackson et Masou, une maison qui existe encore, et qu'il jugea assez Ă©cartĂ©e pour ĂȘtre hors d'atteinte des incendies. 64 LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Fils d'un gĂ©nĂ©ral d'origine irlandaise, qui avait glo- rieusement gagnĂ© ses grades sous IN^apolĂ©on I-^S douĂ© lui-mĂȘme d'une grande fermetĂ© de caractĂšre, M. Dillon sut, dans des circonstances graves, dĂ©fendre en Californie les intĂ©rĂȘts de nos nationaux et l'iionneur du drapeau tri- colore. Il y a eu des Français dans ce pays bien avant 1848. Un des premiers, sinon le premier, Ă©tait Jean-Louis Vignes. A la suite de revers de fortune, il avait quittĂ©, en 1827, sa famille Ă©taldie Ă  Cadillac, prĂšs de Bordeaux, et s'Ă©tait em- barquĂ© pour les lies Sandwicli. AprĂšs y avoir passĂ© quatre annĂ©es Ă  exploiter sans grand succĂšs une distillerie, il vint s'installer Ă  Los Angeles en 1831. LĂ , il acheta, Ă  un prix minime, un ranch, ou ferme, connu sous le nom dM/'.>o. Ă  cause d'un aunei' gigantesque qui faisait le principal orne- ment de cette vaste propriĂ©tĂ©. M. Vignes qui, par son nom, semblait prĂ©destinĂ© Ă  devenir le NoĂ© de la Californie, fut trĂšs vraisemblable- ment le premier Ă  s"y livrer Ă  la viticulture. 2» En 1839, un de ses neveux, M. Pierre Sainsevain. ^-int le rejoindre. Un autre de ses neveux, frĂšre du prĂ©cĂ©dent, M. Jean-Louis, suivi bientĂŽt d'autres personnes de la famille, ne tarda pas Ă  renforcer la petite colonie. Celle-ci, par ses alliances, s'est considĂ©rablement augmentĂ©e depuis lors.^' M. Jean-Louis Vignes mourut Ă  Los Angeles en 1862, 1 — Aune, en e?ra?nol AUso. 2 — Nons parlons des colons indĂ©pendants des Missions. 3 — M. E. L. Racouillat a Ă©pousĂ© une demoiselle Vignes. APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. G5 ĂągĂ© le 83 ans, laissant un fils et deux neveux qui portent le mĂȘme nom. Ces derniers ont continuĂ© Ă  habiter cette -s-ille ainsi que M. J. L. Saiusevain. M. Pierre Sainsevain se fixa Ă  San JosĂ© en 1844, et y fit construire le iircmier moulin Ă  vent et la premiĂšre scierie. Il y demeure encore aujourd'hui. ]!S'eĂ»t Ă©tĂ© l'incertitude des titres de propriĂ©tĂ© qui Ă  la chute du rĂ©gime mexicain, amena une si profonde pertur- bation dans les fortunes particuliĂšres, tous ces pionniers de notre colonie française comiitcraient parmi les plus riches habitants du pays. Un Français, J. J. Vioget, dressa, en 1889, le premier plan de Yerba Buena.'^' En 1844, sur cinquante liabitants que comptait cette petite localitĂ©, il y avait deux Français Vioget, dĂ©jĂ  nommĂ© et A'ictor Prudon, qui avait Ă©tĂ© colonel dans l'ar- mĂ©e mexicaine. En 1848, il y en avait trois dont deux habitent encore la Californie M. Louis Blain Ă  San JosĂ©, et M. Jean Baptiste ChrĂ©tien, emi»loyĂ© cliez MM. E. G. Lyons et Cie. Le troisiĂšme s'appelait Edouard Lavache et Ă©tait cuisinier de son Ă©tat. Voici les noms de quelques autres Français rĂ©sidant en Californie Ă  cette Ă©poque reculĂ©e Charles lioussillon, arrivĂ© Ă  Los Angeles en 1842; Jourdain Armand et les frĂšres Lepage Ă©tablis A San JosĂ© dĂšs 1845; EugĂšne Gui bal, 2 — Un Friinçiiis, l'iorro Lenfan*. fut Ă©galement l'auteur du plan do la ville de Wushiiigtnii. capitale Le congrĂšs se proiioso d'Ă©lever un monu- ment a ĂŻa uicmoiro. 66 LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. arrivĂ© en 1847, avec le rĂ©giment Stevenson, et mort rĂ©cem- ment Ă  Gilroy. Il s'en trouvait mi grand nombre d'autres dont les noms ne nous sont pas parvenus, et qui, Ă  la nou- velle de la dĂ©couverte de l'or, s'en furent travailler aux mines. M. Moerenhout alla, au mois de juillet 1848, visiter leur camp, qui, d'aprĂšs ses indications, devait ĂȘtre situĂ© aux environs de Placerville. Voici ce qu'il en dit "Voulant nous rendre Ă  l'endroit oĂč plusieurs Français s'Ă©taient Ă©tablis, nous eĂ»mes Ă  traverser une vallĂ©e longue de quatre kilomĂštres, et qui conduit, du point ou nous avions stationnĂ©, Ă  ce jAaccr. "Il faisait nuit, quand nous y arrivĂąmes; c'Ă©tait, on pouvait le dire, un bivouac français. L'emplacement, bien choisi, Ă©tait arrosĂ© par un petit courant d'eau limpide et e\-cellente,-mais il n'v avait pas une tente, et de mĂȘme que pendant tout le cours de mon voyage, Ă  partir du pueblo de San JosĂ©, il me fallut loger Ă  l'enseigne de la lune, ayant des Ă©toiles pour ciel de lit! "Au point du jour, tout Ă©tait eu mouvement des hom- mes partaient Ă  pied et Ă  cheval, chargĂ©s de pioches, de piques et de pelles pour aller creuser et bĂȘcher la terre les autres pour la charrier; il ne resta presque personne au camp. "Ce lieu, situĂ© entre la ri^^Ăšre AmĂ©ricaine et la ri- viĂšre Cosumnes, est extrĂȘmement riche." Les premiers Français du dehors, vinrent naturelle- ment des contrĂ©es les plus proches du ^lexique, du Chili, du PĂ©rou, des Ăźles Sandwich, de Tahiti, des Etats amĂ©ri- cains de l'Est et notamment de la Louisiane. Cependant on nous signale un compatriote arrivĂ© en droite ligne de APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. G7 France, dĂšs 1848, avec un chargement de farine M. p]u- gĂšne SabatiĂ©, frĂšre de ]S1. Philippe SabatiĂ©, de San Fran- cisco. Le premier groupe de Français venant directement de notre pays, arriva du Havre, le 14 septembre 1849, Ă  bord d'un petit voilier appelĂ© La Meuse. Ils Ă©taient au nom- bre de 36 Ă  Non-seulement nos compatriotes figuraient parmi les premiers arrivants d'Europe, mais ils formaient peut-ĂȘtre l'Ă©lĂ©ment le plus important et le plus remarquable de cet- te immigration. Nulle part, en eltet, les magnifiques trou- vailles faites en CaHfornie, n'avaient produit une sensation aussi vive qu'en France et, particuliĂšrement, A Paris. Il faut se rappeler la situation de notre pays natal en ce moment. La rĂ©volution, et la rĂ©action qui la suivit de si prĂšs, y avaient amenĂ© un bouleversement gĂ©nĂ©ral. Le com- merce et l'industrie Ă©taient paralysĂ©s. Des milHers d'ou- vriers, jetĂ©s sur le pavĂ© et exaspĂ©rĂ©s par la misĂšre, Ă©taient devenus la proie des utopistes et des intrigants, qui les poussaient aux luttes sanglantes de la rue. Une foule de fonctionnaires pubhcs, mis Ă  pied par les diftĂ«rents gou- vernements qui s'Ă©taient succĂ©dĂ©, grossissaient les rangs des mĂ©contents et des malheureux. La confiance dans le prĂ©sent Ă©tait anĂ©antie et l'avenir apparaissait sous les cou- leurs les plus sombres. Dans cette situation troublĂ©e, la grande nouvelle de la dĂ©couverte de l'or en Californie devait naturellement ,j _ Parmi eux se trouraient MM. Don et Alexis, tous deux habitant encore San Fran- cisco, et M. iules Auradou, domiciliĂ© Ă  Heiildsburg. 68 LES pre\iieus français en Californie. jrotlmre une impression profonde. On vit dans cet Ă©vĂ©ne- ment extraordinaire comme un coup de la Providence. Ceux qui se sentaient du courage au cƓur, et que sĂ©duisait l'esprit d'aventures, se dĂ©terminĂšrent Ă  aller tenter la for- tune qui leur souriait de si loiu. Les uns partirent Ă  leurs frais. D'autres se tirent transporter par des compagnies or- ganisĂ©es dans ce but. Alors arrivĂšrent en Californie, soit par steamers, soit par na^nres Ă  voile, des Français appar- tenant Ă  toutes les conditions sociales. Un trĂšs grand nom- bre avaient des capitaux ou des marcliandises. San Francisco qui, au mois de fĂ©vrier 1849, ne comp- tait encore qu'une douzaine de nos nationaux, gĂ©nĂ©ralement pauvres, ' vit dans l'espace d'une annĂ©e, s'ouvrir des mai- sons importantes fondĂ©es par nos compatriotes. Plusieurs de ces Ă©tablissements en 1849, 1850, 1851, Ă©taient situĂ©s rue Clay, entre les rues Kearny et Montgomery. Du cĂŽtĂ© nord les maisons d'importation de liquides de Boom, A i- gnaux et Grisar. Quoique Belges, ces messieurs Ă©taient traitĂ©s comme des compatriotes. Puis venaient, toujours du mĂȘme cĂŽtĂ©, le magasin de nouveautĂ©s de M. Charles Bertrand, celui de MM. Couret et Dussol, celui de M. Ai- mĂ© \Iasson, puis l'Ă©tablissement de M. Charles Guillet, coiffeur et marchand. Ce dernier faisait payer deux dollars la coupe de cheveux et un dollar la barbe. Tout ce cĂŽtĂ© de la rue fut dĂ©truit par l'incendie du 4 mai 1850. Au mois de juin suivant, les flammes dĂ©vorĂšrent l'au- tre cĂŽtĂ© oĂč se trouvaient les magasins de MM. Pioche et 1- Un d'eux, connn sous le nom de Bras-Rouge, tenait une petite buvette au coin dts- rues Broadway et Sansome. APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. 69 C'e , et de MM. Gardet et J. .1. Chauvi teau. M. B. David- sou, ageut des Rotlisclnld, j avait iustallĂ© sa bauque, dans uue petite baraque eu plauclies. Daus la rue Sacrameuto utaieut Ă©tablis MM. Bossauçre et Colliard; MM. Lazard frĂšres tenaieut uue maisou d'iui- portatious, rue Califoruia; MM. Marziou et O^, rue Com- mercial; MM. SabatiĂ© et C'*^, rue Califoruia ; MM. St Ours et C*", au coiu des rues Clay et Sacrameuto; MM. Leba- tard et C''^, rue Califoruia. Puis, successivemeut viureut s'Ă©tablir Ă  Sau Fraucis- co, MM. EugĂšne Delessert et C'^', banquiers, Mullot et Tallot,i eousignataires; Deluc et Grellet, cafĂ© et pĂątisse- rie; Victor Leroy, "papiers peints; Belloc et Pescau, God- chaux frĂšres, L LĂ©vv et Blocli, Verdi er et Kaindler, etc. Voici d'aprĂšs un document du temps,, l'Ă©tat des per- tes causĂ©es Ă  diverses maisons françaises par les deux grands incendies de 1851. Gardet et C'% $30,000; Lazard frĂšres, $100,000; Sa- batiĂ© et Maubec, $28,000; Dauguy frĂšres, $10,000; Leroy et Lelretou, $20,000; Lecacheux et Galley, $8,000; Mar- ziou et C'e, $6,000; Tardieu et Laulat. de Bordeaux, $8,000; Dufau et 0% $4,000; DelĂ©piue et 0% $20,000; Iluglies frĂšres, $6,000; CavayĂ©, $8,000; Lacombe et C'e, $30,000; Charles Bertrand, $6,000; Madame Maillon Bar- rier, $10,000; Martin, $60., 000; Maury, $8,000; Cordier $6,000; de Boom et 0% $150,000; Gaillardon frĂšres, $18,000. U — Tallot est devenu acteur et faisait partie d'une de nos compagnies dramatiques. 70 LES PREMIERS FRANÇAIS EX CALIFORNIE. Un Français perdit la vie par imprudence dans un des incendies. Vers la fin de 1849, MM. Gosse et Espic fondaient le ÇhfĂ© du Commerce, rue Sacramento, entre les rues Kearny et Dupont. Des hĂŽtels et surtout des restaurants français s'ouvrirent en grand nombre sur divers points, entre autres, ceux de MM. Mondelet et Eu dĂ©barquant Ă  San Francisco, la plupart de nos conpatriotes allaient bivouaquer sous des tentes, sur la plage sablonneuse situĂ©e au sud de la rue Market, ou bien dans la rue Bush sur les hauteurs oĂč s'Ă©lĂšve aujourd'hui l'Ă©o-lise Ăź^otre Dame. Ces deux emplacements Ă©taient con- nus sous le nom de camiis français. Au mois d'aoĂ»t 1850, le port de San Francisco comp- tait vingt-cinq bĂątiments français arrivĂ©s avec des 'charge- ments divers ; vins, eaux-de-vie, conserves, articles de confection etc. A peine installĂ©, le consul de France avait eu Ă  lutter contre les exigences de la douane qui prĂ©tendait faire payer aux na^ires des droits non votes par le CongrĂšs, la CaHfornie n'Ă©tait pas encore admise au nombre des Etats. Sur le refus de plusieurs capitaines de s'exĂ©cuter, des bĂą- timents avaient Ă©tĂ© saisis et vendus, mais les armateurs fu- rent indemnisĂ©s plus tard par le gouvernement fĂ©dĂ©ral. C'est en 1850 que s'organisĂšrent Ă  Paris diverses com- pagnies pour le transport des Ă©migrants. Malheureuse- 11 - Le premier re?tnurant français, Us FrĂšres ProvĂ©ncavx, fut Ă©tabli dĂŽs le m liou de rannĂ©e 1819 rue Kearnv, en face de la Pla/.a, par deux cuisiniers marsoilla s. AuguTe et AndrĂ©. Ils faisaient payer deux dollars un repas au'on aurait aujour- d'hui pour 25 cents. Us tenaient aussi des bains chauds, Ă  cinci dollars le cachet. APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. 1 ment elles connaissaient fort pen la Caliloinie, quelques- nnes mOnies ne cherchaient qn'Ă  faire des dupes. DĂ©bar- quĂ©s Ă  San Francisco, les travailleurs, souvent sans res- sources, se voyaient obhgĂ©s de recourir Ă  Tassistance de leurs com[atriotes et du consulat. Une des plus notables de ces compagnies, Ă©tait celle des Gardes Mobiles. Elle se forma au mois de fĂ©vrier 1850 sous le patronage du gouvernement, et avait pour but d'expĂ©dier en Californie d'anciens officiers, sous-officiers et soldats ayant appartenu au corps de ce nom. A leur ar- rivĂ©e, ils devaient ĂȘtre envoyĂ©s aux placers, avec des vi- vres, des outils, des armes et des tentes, le tout aux frais de la compagnie. Les premiers Ă©migrants de cette catĂ©gorie furent em- barquĂ©s, le 25 mai 1850, Ă  Toulon, sur la corvette la Ca- pricieuse, Ă  destination de Valparaiso. Dans ce port, ils trans- bordĂšrent sur la corvette la SĂ©rieuse qui les amena au nombre de 131 Ă  San Francisco, le 23 novembre suivant. Lc\, ou leur fit trĂšs bon accueil. La douane les exempta de toutes les formalitĂ©s d'usage, et l'Etat les dispensa de payer la taxe s[Ă©ciale imposĂ©e aux mineurs Ă©trangers. En outre, le maire et les autoritĂ©s de la ville, accompagnĂ©s du consul de France, allĂšrent rendre visite au commandant de la SĂ©rieuse qui avait i>rĂ©parĂ© Ă  bord une collation en leur honneur. Ce fut le premier tĂ©moignage sympathique de ce genre accordĂ© jusqu'alors i>ar la municipalitĂ© Ă  un navire de guerre Ă©tranger; ce fut aussi la premiĂšre fois ju'un bßï- 72 APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. timent, mouillĂ© en rade, ne perdit point un seul homme de son Ă©quipage par la dĂ©sertion. O Cinq jours aprĂšs l'arrivĂ©e de la SĂ©rieuse, un pre- mier dĂ©tachement de 82 mobiles partit pour Mokelumne Hill. Il fut bientĂŽt suivi d'un autre, composĂ© d'une vingtaine d'hommes. Le reste se fixa Ă  San Francisco. Ceux qui s'Ă©taient rendus aux placers, y firent leur apparition mihtairement, clairon en tĂȘte. Les mineurs Ă©trangers Ă  notre nationalitĂ©, crurent d'abord Ă  des inten- tions hostiles, mais ils ne tardĂšrent pas Ă  se rassurer. La plus importante des compagnies pour le transport des Ă©migrauts, fut la SociĂ©tĂ© du Lingot d'Or, ainsi ap- pelĂ©e parce qu'elle avait organisĂ©, pour attirer les action- naires, une loterie dont le plus gros lot Ă©tait un lingot d"or d'une valeur considĂ©rable. Le premier navire envoyĂ© par cette compagnie — r Alphonse-Nicolas CĂ©zard, capitaine Le Bozec, — arriva le 28 fĂ©vrier 1852, ayant Ă  bord 169 Ă©migrants, sous la con duite de M Cousin, chef du convoi. A leur dĂ©barquement, des secours en argent et en na- ture leur furent distriluĂ©s, et on paya le passage Ă  ceux qui dĂ©siraient aller aux mines. Un certain nombre trouvĂš- rent Ă  s'employer comme domestiques Ă  cent dollars par mois Ă  San Francisco mĂȘme, et comme garçons de ferme Ă  quatre dollars par jour, dans les environs. Pendant la premiĂšre quinzaine du mois de mai 1852, 1 ...^.,.^. pa. _ „- la population californienne les AmĂ©ricains et les irançais. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. T3 entreront dans le port la Fortune du HPivre, le Malouin de St. Malo, et la Foi, celle-ci avec 176 passagers. Tous ces na^^res appartenaient Ă  la grande compagnie dont nous venons de [>arler. L'arrivĂ©e de ces Ă©migrants iXiU Lirujots d'Or, dont 10U nombre Ă©taient des sujets assez turbulents, ne laissa pas d'inspirer des inquiĂ©tudes aux autoritĂ©s amĂ©ricaines, soit Ă  cause des troubles qui avaient Ă©clatĂ© entre eux et d'autres mineurs sur plusieurs points de l'intĂ©rieur, soit Ă  cause des. facilitĂ©s que le comte de liaousset-Boulbon trouvait Ă  re- cruter dans leurs rangs des hommes pour son expĂ©dition eu Sonore. Le 22 juin 1852, arrivĂ©e d'un nouveau convoi de Lin- gots d'Or sur le Courrier de V Inde. Le 10 novembre, \ AdĂšle de Marseille en amena 195; et le 20 du mĂȘme mois Y IndĂ©pendance du Havre, 50. Jusqu'alors, l'administration des Lingots avait tou- jours pourvu Ă  leurs premiers besoins; mais cette fois elle paraissait vouloir les abandonner Ă  leur propre initiative. Cela Ă©tait d'autant plus malheureux qu'on Ă©tait au cƓur de l'hiver, et que les pluies avaient partout suspendu les travaux. Cependant, grĂące au consul et Ă  des compatriotes gĂ©nĂ©reux, ou Ă  en faire partir un certain nomlre pour les mines. D'autres trouvĂšrent Ă  se placer en ville. Le 9 fĂ©vrier 1853, arrivĂ©e du Sansonnet avec 72 pas- sagers, et dans la premiĂšre quinzaine d'avril, du Damblat de Bordeaux avec 260, — appartenant, les uns et les au- tres, aux Lingots. La plupart se dirigĂšrent vers les mines 74 APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. du sud. Quelques secours leur avaieut Ă©tĂ© distribuĂ©s par la compagnie. Le 15 mai, retour de Y Alphoase-JSicolas CĂ©zard de ISTantes avec 239 Ă©migrants. La traversĂ©e, accomplie en 108 jours, fut la plus rapide faite jusqu'alors. Enfin, le 31 mai, le Sacrcmiento entra dans le port avec 330 Ă©migrants des deux sexes appartenant toujours Ă  la mĂȘme catĂ©gorie. Le chiffre des Lingots d'Or dĂ©bar- quĂ©s jusqu'Ă  cette date, Ă©tait de 3,046. Ce chiffre ne reprĂ©- sente pas la totalitĂ© des Ă©migrants partis de France sous les auspices de la Compagnie, un certain nombre s'Ă©tant arrĂȘtĂ©s en route dans diffĂ©rents ports Ă  Ri o-de- Janeiro, Ă  Valparaiso, au Callao, etc. jS'ous ignorons s'il y a eu des arrivages de Lingots postĂ©rieurs au 31 mai 1853; mais on sait que pendant les premiĂšres annĂ©es, il Ă©tait venu un trĂšs grand nombre d'au- tres de nos compatriotes, les uns Hbrement et Ă  leur compte, par steamers ou voiliers, les autres engagĂ©s par des compagnies rivales. Ainsi, au mois de septembre ou d'octobre 1850, la CaUfornknnc de Paris avait expĂ©diĂ© le GrĂ©iry avec 122 Ă©migrants. Au mois de novembre Ă©taient arrivĂ©s, presqu'en mĂȘme temps, les navires Ă  voiles la le FerrtĂšre, VAugustinc, l'Abeille, la .Marguerite, et le Bocher de St. Halo, avec 750 passagers de l'un et l'autre sexe. Du 14 dĂ©cembre 1850 au mois de juillet 1851, en- 1— La Vesta est arrivĂ©e le 12 novembre avec 864 passagers, y compris 31 femmes, dont plusieurs faisaient partie de la premiĂšre compagnie dramatique française Ă  San Fran- cisco. & LES PREMIERS FRANÇAIS EX CALIFORNIE. 75 trĂšreiit en rade la Jeune Lucie du Havre, la 31arie et Y A- mĂ©lie, ces deux navires venant de Bordeaux; le Mijiitalum- hert de St. Malo, le Loii!agnies la Qdiforiiienne, le 3Ii- ncii\ la Toison d'Or, Y AurifĂšre, etc. Tous liens de subordination vis-Ă -vis des gĂ©rants ou chefs de convoi, et de solidaritĂ© entre les Ă©migrants eux- mĂȘmes, semblaient se rompre pendant la traversĂ©e. En ar- rivant Ă  San Francisco, chacun tirait de son cĂŽtĂ©. Les navires mentionnĂ©s ci-dessus avaient Ă©tĂ© suivis de prĂšs par le brick le Sidomie, de Bordeaux, avec 12 passa- gers et le MĂ©dieis avec 120. Au mois d'avril 1851, Ă©taient arrivĂ©s du Havre Y Anne-Lowse avec 142 immigrants, et le MoĂŻse avec 183. Le Courrier, venant de Cherlourg, en avait dĂ©barquĂ© 60 Ă  Monterey. Depuis le 80 novembre 1849 jusqu'au 18 juin 1850, trente-cinq navires français avaient amenĂ© 2,100 passagers ; et depuis le mois d'aoĂ»t 1850 jusqu'au mois d'avril 1851, il Ă©tait arrivĂ© directement de France 1855 hommes et 101 femmes. Total 4116 individus des deux sexes arrivĂ©s par uav-ires Ă  voile. Il faut ajouter Ă  ce chiiĂŻre le nombre des immigrants par steamers, par voie de terre, et ceux, en quantitĂ©s considĂ©rables, venus des pays Ă©trangers, sous pa- villons Ă©trangers. Il y a plus depuis le 3 novembre 1849, Ă©poque Ă  la- quelle on commença Ă  constater officiellement l'arrivĂ©e des na\Ăąres, jusqu'au l^'" mai 1851, quatre-vingt-onze bĂą- timents français, ayant chacun en moyenne vingt hommes 76 APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. d'Ă©quipage, Ă©taient entrĂ©s dans le port de San Francisco. Or, il est avĂ©rĂ© que les deux tiers des matelots avaient dĂ©- sertĂ©, soit en^drou 1,200 dĂ©serteurs. D'aprĂšs des renseignements puisĂ©s Ă  des sources di- verses, on peut affirmer qu'au milieu de l'annĂ©e 1851, la population française en Californie n'Ă©tait point au-dessous de 20 mille Ăąmes.i Elle se partageait dans l'intĂ©rieur du pays en quatre groupes distincts Le premier se trouvait dans les mines du Nord, Ă©che- lonnĂ© le long des deux riviĂšres de la Yuba et de la Plume Feather, et avait pour centre Marysville. Les Français fixĂ©s dans cette rĂ©gion pouvaient s'Ă©valuer Ă  8000. Le deuxiĂšme groupe en rĂ©unissait 6000, et avait pour centre Les Fourcades ou Mokelumne Hill. C'Ă©tait le dis- trict minier du Centre. Le troisiĂšme, composĂ© d'environ 4,000 travailleurs, Ă©tait dispersĂ© dans les placers du Sud, qui commençaient Ă  la petite ville de Sonora, et se dĂ©veloppaient le long des bords de la ^lariposa et de la Merced. Le quatriĂšme enfin, composĂ© de 1,200, environ, s'Ă©tait fixĂ© dans la vallĂ©e de Santa Clara, Ă  San JosĂ©, alors capi- tale de l'Etat, et dans les environs de cette ville, contri- buant par leur activitĂ©, comme fermiers et viticulteurs, Ă  dĂ©velopper les abondantes ressources de cette belle et fer- tile contrĂ©e. Dans chacun de ces districts, le gouvernement fran- 1 — L'importance rie cette population Ă©tait considĂ©rĂ©e telle que les messages annuels des gouverneurs de l'Etat furent, pendant les premiĂšres annĂ©s, publiĂ©s en anglais, en fran- çais et en espagnol. LES PREMIERS FRANÇAIS EX CALIFORNIE. 77 çais iiviiit uu agent coiisuhiire Ă  le Dr. l*igiiĂ©- Dupuvtren; aux Foureades, M. de la RiviĂšre; Ă  San JosĂ©, M. Mouton; Ă  Sonora, M. de SatnistĂ©gui, cousul d'Espagne. Les femmes Ă©taient rares partout, puisiu"il y avait Ă  cette Ă©poque, eu Californie, environ deux cent mille hom- mes et seulement quinze cents femmes. Ceci Ă©tabli, nous croyons devoir reproduire le petit Ă©pisode suivant qui caractĂ©rise la situation faite Ă  beaucoup d'immigrants français Ă  leur arrivĂ©e dans ce pays. Kous le donnons d'aprĂšs les notes que nous ont Ă©tĂ© fournies par un d'entre eux. Souvenirs d'un Lingot d'Or. " Bien des gens se font une idĂ©e inexacte des Lingots. Les uns disent c'Ă©tait uu ramassis de malfaiteurs que l'on avait renvoyĂ©s de France pour s'en dĂ©barrasser. Les autres disent c'Ă©taient des rĂ©volutionnaires, des repris de Justice, des forçats libĂ©rĂ©s! Que ne dit-on pas sur leur compte, hĂ©las ! La vĂ©ritĂ©, la voici c'Ă©taient tous des Français aimant leur pays. Ceux que j'ai vus de prĂšs — et j'en ai connu la plus grande partie, — Ă©taient tous des ouvriers, tels que charpentiers, Ă©bĂ©nistes, cuisiniers, bijoutiers, t. lilleurs, cor- doimiers, cultivateurs. Il y avait aussi quelques notaires, commis de m nĂ©o^ociants, de commerce etc. En un mot, tous avaient un mĂ©tier ou une profession. Aux termes de la convention faite avec la compagnie, chacun de nous devait recevoir Ă  son dĂ©barquement une chemise de laine, un pantalon, un^bourgeron en toile, une jiaire de souliers, un chapeau, des outils de mineiu's, et lĂŽ jours de vivres. N'otre premier soin Ă  notre arrivĂ©e h Stin Francisco, le 14 mai 1852, parle navire /a Foi, ca.itaine Hubert, fut naturellement d'aller au Consulat de France, oĂč l'on nous 78 APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. fit assez froid accueil. comptions recevoir cliayuii 20 piastres, somme nĂ©cessaire pour nous rendre aux mines et pourvoir Ă  nos premiers soins; mais quelle fut notre sur- prise en ne recevant que la somme dĂ©risoire de trois dol- lars! Le lendemain, M. Dillon nous expĂ©dia, an nombre de sept, Ă  Marysville oĂč nous passĂąmes la nuit. Notre souper et notre coucher payĂ©s, c'Ă©tait une fameuse brĂšche faite Ă  nos trois dollars. "Nous partĂźmes de ^larysville de grand matin, aprĂšs nous ĂȘtre renseignĂ©s sur la situation des mines les plus proches. On nous avait indiquĂ© un endroit, appelĂ© Long- bar; malheureusement, l'un de nous qui prĂ©tendait savoir l'aiiii-lais, crut entendre Loncjshar au lieu de Lovr/lmr. Or, 'le premier de ces placers' Ă©tait sur la Yuha, Ă  6 ou 8 milles de Marysville, tandis que l'autre se trouvait sur la Plume, Ă  40 milles de ce centre. A force de marcher, nous arrivĂąmes, Ă  la chute du jour, prĂšs dune ferme oĂč l'on nous donna Ă  manger pour le peu d'argent qui nous res- tait ; mais commell n'y avait pas de place pour nous loger, nous dĂ»mes coucher Ă  la belle Ă©toile. "Le lendemain matin, on nous dit que nous avions en- core au moins 20 milles Ă  faire pour arriver Ă  notre desti- nation. Bien que forcĂ©s de nous passer de dĂ©jeuner, nous ne perdĂźmes pas courage, et nous reprimes notre bĂąton de pĂšlerin. Le soir nous ^arrivions prĂšs d'une maison com- plĂštement isolĂ©e, situĂ©e sur l'emplacement oĂč s'Ă©lĂšve aujourd'hui la petite ville d' Oroville. — C Ă©tait une buvette. — Nous y fĂźmes halte. Comme la faim m avait donnĂ© un peu d'imagination — il ne me i-estait plus que dix sous — ]e demandai du whisky pour un. avec .^7^/ ver- res. L'homme qui tenait l'Ă©tabhssement me regarda d'abord avec surprise ; mais, devinant bien vite notre dĂ©tresse, il me dit ''Never mind, takc the boitle and hclp yoursdfn^ Puis, il nous apporta des crackcrSyC"-^ en nous engageant Ă  manger Ă  notre faim. AussitĂŽt que^ nous eĂ»mes fini notre frugal repas, il nous dit qu'il n'avait pas 1 — Allez toujours, prenez la bouteille et servez-vous. 2 — EspĂšce do biscuits. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 79 le i>lĂźu-c ]iour nous loger dans sa maison, mais qu'il avait les peaux d'ours et qu'il voulait bien nous les prĂȘter pour passer la nuit dehors. "A notre rĂ©veil, le brave homme d'Iiote iious olirit une nouvelle collation, pai-eille Ă  celle de la veille. AprĂšs l'avoir remerciĂ© comme il le mĂ©ritait, nous nous remimes en route avec nos bagages. Enfin, vers quatre heures de rairĂšs-midi, nous arrivĂąmes en vue du lieu de notre desti- nation. LĂ , nouvel embarras. Il fallait traverser une riviĂšre, et nous n'avions pas de quoi payer le petit bateau qui transportait les voyageurs d'un bord Ă  l'autre. Force nous fnt dabandonner une jiartie de nos outils au batelier. "ArrivĂ©s de l'autre cĂŽtĂ© delĂ  riviĂšre, nous nous adres- sĂąmes Ă  un Canadien nommĂ© Paradis, propriĂ©taire d'un letit mai>-asin de provisions, et nous lui exposĂąmes notre triste si'tuation. 'Mes enfants, - nous dit-il - vous ĂȘtes venus ici dans l'intention de travailler; eh lĂčen ! juand vous ferez de l'or vous me paierez. En attendant, mangez, voici de f[Uoi vous reconforter ; juiis vous vous reposerez, et demain je vous avancerai tous les outils qui vous sont nĂ©cessaires.' " Jugez quelle eĂ»t Ă©tĂ© notre position, si nous n'avions rencontrĂ© cet homme bienveillant !...." Ici s'arrĂȘtent les notes du Lingot d'Or. HĂ©las ! la Cali- fornie ne lui a point Ă©tĂ© propice. AprĂšs trente-deux ans de i-ude labeur et de cruelles dĂ©ceptions, il vient de mou- rir, pauvre comme Ă  son arrivĂ©e, Ă  l'hĂŽpital du comtĂ© de San Francisco. 80 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. II Les Français aux Placer^ Ciahn, - Camps, Tillagcs et villes - Comment on travaillait les mmes- BaL barrel rocker, lomtom, sluices - SystĂšme de la grande hy drau- Uq";'LZrmaguiĂąquetrouvaille - La vie des mmeurs - des minems fran^çais/depuis Mariposa jusqu'au dĂ©troit de Behring - Les diffĂ©rentes localitĂ©s qu'ils ont contribuĂ© a crĂ©er. Aux mines, de mĂȘme qu'Ă  San Francisco, les Français faisaient bande Ă  part, s'isolant des autres immigrants dont ils ne comprenaient pas la langue. Toutefois dans la rĂ©gion du Sud, ils se mĂȘlaient volontiers aux Mexicains av^c lesquels ils entretenaient d'excellentes relations. Entre compatriotes, ils formaient des compagnies com- posĂ©es de deux ou d'un plus grand nombre de personnes, selon l'importance des clainis ou terrains aurifĂšres qu'ils exploitaient. Les limites de ces daims Ă©taient marquĂ©es au moyen de piquets plantĂ©s en terre. Comme les soldats en campagne, les mineurs campaient gĂ©nĂ©ralement en plein air ; quelques-uns avaient des tentes ou de petites cabanes faites de branchages, oĂč ils serraient leurs instru- ments de travail et leurs armes. Un camp prĂ©sentait-il quelques chances de succĂšs et de durĂ©e, un industriel venait aussitĂŽt y ouvrir une Henda ou magasin dans lequel les mineurs trouvaient Ă  s'appro- LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 81 visionner en vivres, vĂȘtements, outils, etc. D'antres y Ă©ta- blissaient une buvette, une Ă©choppe de charpentier ou de forgeron, un petit hĂŽtel, une salle de danse et de jeu, etc. Alors le camp, auquel on avait donnĂ© un nom quelconque, devenait un village; et si les placers environnants conti- nuaient Ă  se montrer rĂ©munĂ©rateurs, le village ne tardait pas Ă  ĂȘtre Ă©levĂ© Ă  la dignitĂ© de ville ou r////. Tels sont les commencements de tous ces centres de population dont les uns ont acquis et conservĂ© une vĂ©ritalle importance, et dont les autres ont entiĂšrement disparu avec l'Ă©puisement des dĂ©iĂŽts aurifĂšres qui avaient fait leur prospĂ©ritĂ©. Ăźsous n'avons pas l'intention de donner ici la descrip- tion complĂšte des diffĂ©rents modes d'exploitation des mi- nes. Ce sujet a Ă©tĂ© frĂ©quemment traitĂ© dans des ouvrages spĂ©ciaux. Xous nous bornons aux quelques dĂ©tails qui sui- vent. Dans la rĂ©gion miniĂšre du Sud, Ă  Souora comme Ă  Mariposa, le travail Ă©tait facile. L'or se trouvait Ă  la sur- face du sol ou Ă  peu de profondeur. Il suffisait souvent de ramasser du gravier et de le laver dans une battĂ©c, sorte de plat en fer-blanc ou en bois, pour dĂ©couvrir le prĂ©cieux mĂ©tal. Quand il s'agissait de le chercher Ă  une plus grande profondeur, on se mettait gĂ©nĂ©ralement Ă  deux pour creu- ser, au moyen d'un pic et d'une barrette, D un ti-ou de G Ă  8 pieds, allant jusiu"Ă  la roche vive. Avec une pelle, on jetait les dĂ©blais sur les bords de l'excavation. En approchant de la roche, on prenait une battĂ©e de D- En espapnol harretta, barre de fer ronde et pointue ii un t>out, dcstinOe Ă  servir de levier pour soulever les pierres. 82 LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. terre qu'on allait dĂ©layer dans l'eau pour s'assurer qu'elle contenait de l'or. Si le rĂ©sultat de cette opĂ©ration prĂ©limi- naire Ă©tait favorable, on emplissait des sacs ou des baquets avec la terre dite pcujante, et on allait la laver au moyen d'un rX-kerA^'> A l'aide de la battĂ©e, un homme ne pouvait laver qu'une demi-tonne ou une tonne au plus par jour. Le ber- ceau donnait un rĂ©sultat quadruple. Quand l'importance du travail l'exigeait, on employait, au lieu du rocker, un longtom, conduit fait avec des planches de 15 Ă  16 pouces de largeur sur 8 Ă  10 pieds de longueur. On y jetait les graviers aurifĂšres, et on y faisait passer un courant d'eau qui enlevait les sables, et laissait l'or au fond d'une boite Ă  compartiments. Une pelle, avec laquelle on remuait les graviers, qu'on expulsait ensuite, Ă©tait le seul instrument nĂ©cessaire. Quand on Ă©tait arrivĂ© au fond et qu'on toucliait Ă  la roche vive {halrofJ, on la nettoyait soigneusement avec de petits balais. Ou employait aussi un couteau de poche pour extraire le minerai qui se trouvait enfoui dans les fis- sures. Dans les mines du nord, le travail Ă©tait beaucoup plus difficile et coĂ»teux. Il fallait des capitaux pour l'entrepren- dre et en assurer le succĂšs. On Ă©tabhssait de grands sluices^'^' ayant une longueur de plusieurs centaines, et par- fois de plusieurs milliers de pieds; mais on y appliquait a»- Berceau surmontĂ© d'une boite carrOe dont le fond en tĂŽle perce de trou? Dans ' ' ceue boHe on versait les sables, les terres et l'eau. A l'aide d'un . "'^°=;^^' °° ^^'f J^ mouvoir l'appareil de la mĂȘme maniĂšre qu'on berce uu enfant L o. par son poids se prĂ©cipitait au fond, et les autres matiĂšres s'Ă©coulaient par en bas. 2- Un sluice est un conduit, gĂ©nĂ©ralement fait en planches, plus ou moins large. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 83 surtout le systĂšme de la gntwlc h/draullque. Ce systĂšme consistait d'abord Ă  suspendre en Tair, sui- des poteaux de 60 Ă  80 pieds de hauteur des sluices dans lesquels on ame- nait un courant d'eau. A l'extrĂ©mitĂ© du conduit se trouvait une manche de toile Ă  voile de 60 pieds de hauteur et de quelques pouces de largeur, au bout de laquelle Ă©tait une lance Ă©troite, un peu plus forte que la lance de nos pompes Ă  incendie. Soixante pieds de pression naturelle donnaient une certaine force au jet d'eau Ă©mis par la lance. On le di- rio-eait contre les agglomĂ©rations aurifĂšres que l'on voulait dĂ©sao-rĂ©ger. L'eau et les graviers se rendaient ensemble dans les grands conduits oĂč l'on rĂ©pandait du mercure. Une f,is par mois, on eu nettoyait le fond, oĂč se trouvait concentrĂ© l'amalgame d'or. La grande majoritĂ© des mineurs, dans le Sud, ne se fai- saient en moyenne que de quatre Ă  cinq dollars par jour en 1850, et ils en dĂ©pensaient deux ou trois, en s'astrei- gnant Ă  la plus stricte Ă©conomie. Mais il y avait aussi pour quelques-uns des aubaines extraordinaires. Vers la fin de l'annĂ©e, on exposa Ă  San Francisco une pĂ©pite du poids de douze Uvres d'or presque pur et valant prĂšs de 4,000 dol- lars. Ce magnifique Ă©chantillon avait Ă©tĂ© trouvĂ©, avec plu- sieurs autres, dans les mines du Sud, par trois Français qui, en quinze jours, purent rĂ©aliser une petite fortune. Dans les mines du Xord, les chances de succĂšs Ă©taient plus sĂ©rieuses. Il n'Ă©tait pas rare de voir des compagnies se trouver, du jour au lendemain, en possession d'un de ces trĂ©sors qu'on croyait n'exister que dans les contes de FĂ©es. 84 LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. Quant Ă  la vie qu'on menait dans les mines, elle Ă©tait des plus rudes. Travailler du matin au soir, sous le soleil ou Ă  la pluie; coucher sur la dure, roulĂ© dans des couvertures de laine; faire des repas d'une frugalitĂ© toute Spartiate et qu'on cuisinait de ses propres mains tel Ă©tait le genre d'existence auquel tous Ă©taient assujettis. Les plus sages se retiraient le soir dans leur tente, lisant un livre, Ă©cri- vant Ă  la famille ou aux amis absents, avant de se livrer au repos. Le dimanche, ils se rĂ©unissaient dans quelque cabaret voisin, et, le verre Ă  la main, de\*isaient joyeusement, ou chantaient en chƓur les chansons du pays.' Ceux qui Ă©taient moins raisonnables trouvaient facile- ment des heux trop hospitahers pour y dĂ©penser jusqu'Ă  leur dernier grain de poudre d'or. Ces malheureux sacrifi- aient surtout aux deux dĂ©mons du jour le jeu et la boisson. Jetons maintenant un rapide coup d'ceil sur les migra- tions de nos compatriotes en Californie et dans les autres pays de l'OcĂ©an Pacifique. Les mineurs français furent les premiers explorateurs des parages du Sud, en compagnie des Mexicains, et sur tout des Sonoriens renommĂ©s comme lacadores de oro. LĂ , ils s'Ă©taient agglomĂ©rĂ©s Ă  Quartz Hill, Ă  Oro Grosso, et Ă  Oro Fino dans le Haut Joaquin, au Fort Miller, Ă  Chow- chilla, Ă  Fresno, Ă  Mariposa qui Ă©tait le point important des placers de l'extrĂȘme Sud, Ă  Agua Fria, Ă  Hornitos, Ă  Bear Valley, Ă  Merced, etc. m- Les mineurs français envoyĂšrent Ă  leurs familles, de 13S0 Ă  1S51, plus de quatre mil- lions de franco, rien que par l'entremise du consulat de France. Des sommes considĂ©- rables furent expĂ©diĂ©es par d'autres voies. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 8o Dans un rayon plus rapprochĂ© du centre de la rĂ©gion miniĂšre, on les trouvait en grand nombre Ă  Sonora, Columbia, Murphy, Campo Seco, Mokelumne Hill, Volca- no, Sutter Creek, Amador, et autres dĂ©pĂŽts de grandes ricliesses facilement exploitables. Plus au nord, Ă  Placerville, Coloma berceau de l'or, Auburn, Camptomdlle, Grass Valley, ils Ă©taient aussi fort nombreux. Dans la ville et le comtĂ© de Xevada, ils furent les premiers Ă  bĂątir des moulins Ă  quartz, et Ă  construire des fourneaux de rĂ©duction. De Xorth Bloomfield, alors Hiimhiig Citr/, quelques-uns de ces braves enfants de la France partirent, sans argent, sans ressources, pour aller reconnaĂźtre le sommet des Sierras neigeuses, Ă  10,000 pieds et plus, au-dessus du niveau de la mer. LĂ , ils dĂ©couvri- rent des lacs immenses, les barrĂšrent sur des centaines de pieds de large et de liaut ; creusĂšrent des canaux sur des centaines de milles de long, et amenĂšrent ainsi, les eaux provenant de la fonte des neiges sur les grands gisements aurifĂšres des hautes Sierras. La Eitrcka Lake Waler aivl Jlnrhirj Compamj, qui exĂ©- cuta ces travaux gigantesques, a conservĂ© ce nom, et aprĂšs diverses vicissitudes, est revenue, pour une bonne partie, dans des mains françaises. C'est dans le comtĂ© de Nevada que commençaient les riches gisements d'or, comuis sous le nom de placers jiro- fonds ou de graviers Ă  la grande hydraulique. l*artout, dans ce comtĂ© et aux environs, on rencontrait des Français Ă©tablis, soit comme commerçants, aubergistes, ou travail- leurs de irofessions diverses, mais surtout comme mineurs. 86 LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. AprĂšs trente annĂ©es, beaucoup de noms gaulois sont restĂ©s attachĂ©s Ă  des placers, et il y a bien peu de comtĂ©s dont la carte gĂ©ographique ne prĂ©sente point des dĂ©signa^ tions telles que les suivantes Frenchtown, French Creek, French Fiat, French Mill, French Bar, French Camp, French Corral, French House pour dĂ©signer une habi- tation française formant le point d'intersection de plusieurs routes, French Ranch, French Market, French Garden, French Vineyard, etc. Oroville et Downieville comp- taient aussi bon nombre de Français, ainsi que Rich Bar, Missouri Bar, Sicard Bar, Saint Louis Bar, OrlĂ©ans Bar, etc., etc. Remontant le Sacramento jusqu'au point oĂč il cesse d'ĂȘtre navigable, et mĂȘme plus haut encore, nos compa- triotes s'Ă©tabUrent Ă  Shasta, Ă  AA' eaverville, Ă  Yreka, Ă  la Trinity, Ă  OrlĂ©ans Bar sur la Klamath qui Ă©taient tous des points centraux. Le mont Shasta, ce gĂ©ant couronnĂ© de neiges Ă©ternelles, qui domine tout le pays, avait attirĂ© tout d'abord leur attention. C'est, en effet, dans les flancs de cette montagne ou dans ses emĂ rons, que la ].lupart des grandes riviĂšres, et notamment le Sacramento, prennent leur source, dirigeant leurs cours, au nord, Ă  l'ouest, Ă  l'est ou au sud. Les mineurs n'avaient qu'Ă  suivre les dĂ©chvitĂ©s du terrain pour dĂ©couvrir l'or. Ainsi se formĂš- rent une foule de nouveaux centres ayant chacun son his- toire, entre autres Callahan's Ranch, d'oĂč Pierre Cauwet, le poĂšte français cahfornien, envoyait ses charmantes poĂ©- sies Ă  VEcho du Pacifique. Chose Ă  noter les deux principales riviĂšres de la. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 87 Californie, le Sacvamento et le Joaquin, n'ont jamais con- tenu que peu d'or, et seulement dans les parties monta- gneuses de leur parcours. Il n'en Ă©tait pas de mĂȘme des autres riviĂšres et de leurs tributaires. Elles ont enrichi les pays oĂč elles passaient, et ont portĂ© leurs graviers aurifĂšres jusque sur le bord de la mer, prĂšs de Crescent City. A Crescent City, port de mer, qui confine Ă  l'OrĂ©gon, nos explorateurs semblaient devoir s'arrĂȘter. Point. Ils enjambent la frontiĂšre, s'Ă©tablissent Ă  Jacksonville, puis se rĂ©pandent dans le pays et arrivent jusque sur le terri- toire de AVasbington, toujours k la recherche du prĂ©cieux mĂ©tal. A'oisins de la Colombie Britannique, ils y pĂ©nĂštrent et se mĂȘlent au grand mouvement qui, en 1858, poussa une si grande partie de la population californienne vers les- rives du Frazer River. Quelques-uns, par des chemins im- praticables Ă  travers les neiges profondes, arrivĂšrent au Cariboo. D'autres quittent la Colombie Britannique et rentrent sur le territoire des Etats-Unis, non pas en reve- nant sur leurs pas, mais en allant toujours, tout droit en avant, vers le pĂŽle magnĂ©tique qui les attire. Les voici dans l'Alaska, contrĂ©e nouvellement achetĂ©e Ă  la Russie parles Etats-Unis. LĂ , ils dĂ©blaient les neiges, creusent les gla- ciers de ces cĂŽtes inhospitaliĂšres, perforent des tunnels et vivent de poisson fumĂ©, comme les naturels du pays. Ils y trouvent, non pas des placers, mais des filons plus ou moins riches, en or et en argent, dans des roches dont l'aspect, Ă  la fois sauvage et grandiose, rappelle Ă  l'imagination effrayĂ©e les terribles convulsions de la nature primitive. t^'ils ne poussent pas plus loin leurs recherches aventu- 88 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. reuses, c'est qu'ils rencontrent les colonnes d'Hercule qui sĂ©parent le nouveau monde de l'ancien continent. Si l'on trace une ligne qui parte de l'extrĂȘme sud des placers californiens, situĂ©s non loin des tropiques, et qui se termine aux affleurements du doti-oit de Behring — porte du pĂŽle nord devant laquelle nos argonautes durent s'arrĂȘ- ter on aura une idĂ©e de l'espace immense parcouru par les mineurs français de ce cĂŽtĂ©-ci des Montagnes Rocheu- ses. Et comme ils ont laissĂ© partout, sur leur passage, des traces de leur activitĂ© et de leur esprit d'entreprise, il est permis de dire que le go-aheadism n'est pas une quahtĂ© ex- clusivement amĂ©ricaine. III Épisodes et Incidents divers. La taxe des mineurs français - Afiaire du San - AÔain- de Ma- "^Vposa - Stockton - Marysville - Mokelunme Hil ou les F^urcades Affaire du drapeau - Affaire Moore - Sonora - Columbia - TragĂ©die ^Yreka- Belges et Français - Saucelito - Affaire Ragot et Dupont Ă  San LĂ©andro Creek — Deux bouchers français pendus a ban Antonio _ Les frĂšres Cadet — L'OrĂ©gou. Deux causes ont contribuĂ© Ă  trouller l'existence des Français dans les placers la taxe des mineurs Ă©trangers et l'hostilitĂ© des travailleurs dits AmĂ©ricains, mais qui, en rĂ©alitĂ©, Ă©taient le plus souvent des Irlandais et des convicts venant de l'Australie. Nos compatriotes, ignorant l'anglais, LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 89 coufoudiiieut eu une mĂȘme aiiiiellation tous ceux qui par- laieut oourammeut cette laugue. Une autre cause de perturbation Ă©tait l'anarchie et la grande brutalitĂ© de mƓurs qui rĂ©gnaient alors, et qui, en l'absence de toute autoritĂ© sĂ©rieusement organisĂ©e, oblio-eaient chacun Ă  veiller Ă  sa sĂ»retĂ© personnelle et sou- vent Ă  dĂ©fendre ses droits les armes Ă  la main. La taxe des mineurs Ă©trangers, votĂ©e en 1850, par la premiĂšre lĂ©gislature, avait Ă©tĂ© fixĂ©e Ă  20 dollars par mois. Cette mesure, inique et vexatoire, Ă©tait condamnĂ©e par les traitĂ©s, les AmĂ©ricains jouissant en France des memeĂ  droits civils que nos nationaux. Affaire du San Joaquin — Au mois d'octobre 1850, les Français, rĂ©pandus sur les bords du San Joaquin, donnĂš- rent le signal de la rĂ©sistance aux agents du fisc. Ils refu- sĂšrent positivement d'acquitter la taxe. D'ailleurs, beau- coup d'entre eux n'avaient pas les moyens de la payer. Sur la demande de M. Burnett, gouverneur de l'Etat, le consul de France pria M. Jules Lombard, son agent Ă  Monterey, de se rendre sur le théùtre des Ă©vĂ©nements et d'employer toute son influence pour calmer nos compatrio- tes et eti'ectuer un arrangement. En mĂȘme temps, M. Dillou s'efl'orçait de montrer au gouverneur tout ce que l'impĂŽt eu question avait d'exorbitant, et combien il Ă©tait con- traire aux inspirations d'une sage politique. Le gouver- neur, se rendant Ă  ces raisons, rĂ©duisit la taxe Ă  20 dollars par an. Mais quel qu'eu fĂ»t le montant, elle continuait d'exis- 90 LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. ter, et fournissait aux mineurs amĂ©ricains un prĂ©texte, soit pour empĂȘcher les Français de travailler, soit pour les expulser de leurs claims. Le gouverneur McDougal abrogea complĂštement la taxe, vers la fin du mois de mars 1851; mais la lĂ©gislature la rĂ©tablit le 1^' juin, en la fixant Ă  trois dollars par mois. Chaque mineur devait se pourvoir d'une patente ou licence, faute de quoi, il Ă©tait privĂ© de la facultĂ© d'inten- ter aucune action devant les tribunaux. Toute personne ou compagnie, qui employait des mineurs Ă©trangers, Ă©tait res- ponsable du paiement de la licence. Affaire de Mariposa — Cette nouvelle loi visait particuliĂšrement les Chinois, trĂšs impopulaires Ă  cause de leur grand nombre ; en rĂ©aUtĂ©, elle frai»iuiit sans distinc- tion tous les travailleurs non citoyens amĂ©ricains. Dans le comtĂ© de Mariposa, elle devint le prĂ©texte d'un grand mouvement hostile aux Ă©trangers. DirigĂ© d'abord contre les mineurs espagnols venus de Manille, ce mouvement engloba bientĂŽt les Mexicains, puis les Français, soupçon- nĂ©s de faire cause commune avec les persĂ©cutĂ©s. On leur re- prochait Ă  tous de ne s'ĂȘtre point mis en rĂšgle avec la loi. Le grief Ă©tait sans fondement. Les mineurs Ă©trangers s'Ă©taient prĂ©sentĂ©s Ă  temps pour payer la taxe ; mais le percepteur n'avait pas encore de hcences imprimĂ©es Ă  leur dĂ©Uvrer. Le sherift" intervint. Des pourparlers eurent lieu, mais sans aboutir. Le 24 juin, des bandes armĂ©es, sous la conduite d'un chef nommĂ© Ronald, accoururent de tous cĂŽtĂ©s, Ă  pied, Ă  LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 91 cheval, et, hurlant le Yankee Doodlc et Had Columbia, pil- lĂšrent les tentes et les boutiques des Ă©trangers. Beaucoup d'AmĂ©ricains, sages et honnĂȘtes, protestĂš- rent avec Ă©nergie contre ces actes de violence et de spolia- tion, et invoquĂšrent l'appui du juge Dickerson, de Mari- posa; mais ce magistrat refusa d'intervenir parce que, di- sait-il, il Ă©tait sans force pour faire respecter son autoritĂ©. Cependant la tranquillitĂ© parut se rĂ©tablir; et lorsque le consul de France, accompagnĂ© du comte Cipriani, con- sul gĂ©nĂ©ral de Sardaigne, se rendit sur les lieux, il n'eut pas de grandes difficultĂ©s, grĂące au concours des autoritĂ©s et des principaux habitants du pays, Ă  ramener la paix et la bonne harmonie entre les divers Ă©lĂ©ments de la popula- tion miniĂšre. La taxe contre les Ă©trangers de race blanche fut abro- o-Ă©e plus tard et ne fut maintenue que contre les Chinois. Stocktox — DĂšs 1850, cette ville commençait Ă  pren- dre une certaine importance. La poste, le théùtre et la pri- son avaient Ă©tĂ© construits en bois, sur le quai, et un cer- tain nombre de magasins s'Ă©levaient sur la pĂ©ninsule, lan- gue de terre s'avançant dans le Joaquin. A cette Ă©poque, les Français Ă©taient dĂ©jĂ  assez nom- breux Ă  Stockton. MM. PoursillĂ© et Duval, et M. HestrĂšs y tenaient des maisons d'Ă©piceries en gros. M. Fagothey avait installĂ© un restaurant sous une tente, et l'avait dĂ©corĂ© du nom de Petit VĂ©iy. Un nĂšgre, d'une colonie française, avait ouvert un cabaret, et le pĂšre de M. Louis GrĂ©goire, 92 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. aujourd'hui libraire Ă  San Francisco, avait fait construire un hĂŽtel en planches, appelĂ© PhƓnix Ilotcl. En 1851, Mme Mezzaj-a tenait une taljle d'hote situĂ©e au-dessus du magasin de Knight et Frceborn. Une simple cloison sĂ©parait la prison de la salle Ă  manger. Un soir les dĂ©tenus enlevĂšrent les planches qui formaient cette cloison et dĂ©talĂšrent vivement aprĂšs avoir fait main basse sur le buffet bien garni du restaurant. Lors de l'incendie du mois de mai 1851, les lialitants, pendant que la partie nord de la ville flanilait encore, re- froidissaient Ă  grands jets d'eau la partie sud, alin de \Km- voir en enlever les dĂ©combres embrasĂ©s et rebĂątir Ă  nou- veau sans dĂ©semparer. Marysville — En 1849, un Français, nommĂ© Covil- laud, ancien soldat du rĂ©giment Stevenson, acheta, avec trois associĂ©s, dont un compatriote appelĂ© Sicard, un ranch qui s'Ă©tendait sur l'emplacement occupĂ© aujourd'hui par Marysville. La famille de Covillaud vint le rejoindre, en faisant le trajet par terre, Ă  travers les Montagnes Rocheuses. Mlle Mary, sa fille, Ă©tant le premier reprĂ©sentant du sexe fĂ©mi- nin dans ces parages, eut l'honneur de donner son nom Ă  la ville naissante. Marysville grandit rapidement, et attira un certain nombre de nos compatriotes, entre autres, MM. PignĂ©- Dupuytren et Marc de Kirwan qui s'y Ă©taient associĂ©s et tenaient un magasin de liquides. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 93 MoKELUMNE HiLL, OU LES FouRCADEs — Mokelumiie Hill eut pour premiers explorateurs des Français, les frĂš- res Fourcades, dont le nom resta longtemps attachĂ© Ă  la localitĂ© Peu Ă  jieu, d'autres Ă©migrauts de nationalitĂ©s di- verses vinrent s'Ă©tablir par petits groupes, dans les ra\Ă ns environnants. Vers la fin de 1850, M. GrĂ©goire, de Stock- ton, y dressa la premiĂšre tente, dans laquelle il installa sa famille et une tienda ou magasin de provisions. Les Gau- lois, ses clients, disaient, en maniĂšre de plaisanterie, que c'Ă©tait la premiĂšre maison de la ville, en entrant, et la der- niĂšre, en sortant. Puis, ce fut un forgeron-armurier, nommĂ© Dupuis, et un horloger suisse-français qui vinrent s'y fixer. Les frĂšres Gayou organisĂšrent un service pour transporter les mar- chandises, Ă  dos de mulets, dans les camps voisins. En peu de temps, Mokelumne Hill devint le centre d'une popula- tion considĂ©rable. Ce fut de ce cĂŽtĂ©, en ettet, qu'afliuĂšrent la plupart des travailleurs et, notamment les gardes mobi- les, envoyĂ©s par les compagnies formĂ©es en France. Les nouveaux arrivants s'Ă©parpillĂšrent dans le voisinage, Ă  Murpliy, Ă  San AndrĂ©as, Ă  Center House, etc. Affaire DU Drapeau — Vers la fin du mois d'avril 1851 commença l'affaire dite du Drapeau, ou des Fourcades. Un Français qu'on appelait le VendĂ©en, travaillait seul, sur une hauteur, nommĂ©e plus tard le plateau riche. Comme les mineurs cherchaient habituellement l'or dans les cagnades ou ravins, ses camarades se moquaient de lui A cause du choix de cet emplacement. Le VendĂ©en laia- 94 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. sait dire, et continuait tranquillement sa besogne. Au bout de quelque temps, on s'aperçut qu'il avait dĂ©couvert un fi- lon d'une extrĂȘme riches^^e. Il eut le tort, de trop vanter sa bonne fortune, car il fit des jaloux. Il avait pour voisin de claim un Mandais. Tous les deux jetaient leurs dĂ©bris sur l'espace compris entre les deux trous qu'ils exploitaient. De gros mots furent Ă©chan- gĂ©s. Des mots, on en vint aux voies de fait. Les Irlandais des environs prirent le parti de leur compatriote. Les Gau- lois soutinrent le VendĂ©en. De lĂ , bagarre gĂ©nĂ©rale. Deux Français furent blessĂ©s lĂ©gĂšrement. Du cĂŽtĂ© opposĂ©, il y eut un homme tuĂ© et trois blessĂ©s. Bourdon qui avait tuĂ© l'Irlandais, parvint Ă  s'Ă©chapper. i' Les Français, armĂ©s de fusils et de revolvers, se re- pliĂšrent en bon ordre, et au son du tambour, sur les hau- teurs d'AndrĂ©as. LĂ , s'organisant par compagnies, ils se choisirent des chefs, Ă©hrent pour commandant M. VillacĂš- que, arborĂšrent le drapeau tricolore, puis attendirent de pied ferme l'ennemi. Celui-ci, de son cĂŽtĂ©, se prĂ©parait au combat, pendant que les autoritĂ©s alarmĂ©es demandaient au gouverneur l'assistance de la mihce. Entre temps, M. de la RiviĂšre, agent consulaire de France, employait tous ses efforts pour calmer nos compa- triotes. Le 3 mai, arriva M. Dillon accompagnĂ© de M. Bu- tler King, collecteur de la douane, du colonel Woodleaf et de quelques autres notabilitĂ©s amĂ©ricaines. Les mineurs irlandais, amĂ©ricains, français etc., se rĂ©unirent aussitĂŽt 1 — Il pĂ©rit plus tard dans la seconde expĂ©dition de Raousset-Boulbon. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 95 flevant la tente oĂč ces messieurs s'Ă©taient arrĂȘtĂ©s. M. Bu- tler Ivint»- leur adressa une allocution en anglais, leur re- commandant la modĂ©ration, et leur ra[pelant les services rendus naguĂšre par la France au peuple amĂ©ricain. Ces paroles furent accueillies par de bruyants applaudissements. Le consul, prenant ensuite la parole dans la mĂȘme laugue, fut Ă©galement Ă©coutĂ© avec la plus graude faveur. Un mi- neur amĂ©ricain rĂ©pondit, au nom de ses camarades, dans les termes suivants "Nous ne sommes auimĂ©s d'aucun sentiment d'hosti- litĂ© contre les Français. Xous avons, nous, AmĂ©ricains,^ as- sez l'habitude d'Ă©changer entre nous des coups de poing, et mĂȘme parfois de uous passer le caprice d'un coup de pistolet. Mais les choses en restent lĂ . Le blessĂ© va porter ses griefs devant l'alcade, D s'il ne se sent pas assez fort pour se faire justice lui-mĂȘme. Un dittĂ©rend Ă©tant survenu entre uu travailleur français et un des nĂŽtres, les choses auraient dĂ» se passer dans les formes habituelles. Au lieu de cela, tous vos compatriotes ont eu hĂąte de quitter leur trou au i>remier bruit, d'aller cam^ier sur une colline, les armes Ă  la main, nous imposant, par lĂ , l'obligation d'en faire autant de notre cĂŽtĂ©. Cette nĂ©cessitĂ©, oĂč nous nous sommes trouvĂ©s, de rĂ©pondre Ă  l'agression des Français nous a Ă©tĂ© pĂ©nible, car nous aimerions mieux avoir altaire Ă  tout autre peuple, et bien qu'il se glisse quelquefois parnii nous de mauvais sujets et des drĂŽles, la masse des travail- leurs amĂ©ricains, ici prĂ©sents, sous;rira Ă  cette dĂ©claration." Des hurrahs approbatifs accueillirent ce petit discours plein d'humour. Les Français, de leur cĂŽtĂ©, dĂ©claraient qu'ils avaient toujours eu Ă  se louer des AmĂ©ricains. Ils imputaient toute 1 — On avait encore l'habitude de douiiei- ce nom espagnol au juge ou au maire. 98 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. l'espagnol et, par lĂ , se trouvait Ă  mĂȘme de rendre de grands services Ă  ses compatriotes dans leurs dĂ©mĂȘlĂ©s avec les autres mineurs. Citons encore le Dr. Canton qui devint un des agents les plus actifs de Raousset; MM. Laborie et Tliabard, marcliands de provisions; M. Imbert, menuisier; M. Planel, directeur d'un théùtre qu'il avait fait construire MM. Lecoq et Louis, propriĂ©taires d'un restaurant, enfin M. Hughes Lyons, pĂšre de M. E. G. Lyons de San Francis- co. M. Hughes Lyons tenait un important magasin qui Ă©tait devenu le rendez-vous de ses compatriotes. Il avait orga- nisĂ© Ă  grands frais une poste française, envoyant deux fois par semaine un messager Ă  San Francisco pour y prendre les lettres et les distribuer ensuite dans les camps voisins. Sonora ne fut pas Ă©pargnĂ©e par le flĂ©au qui dĂ©solait alors la Californie. Le 17 juin 1852, le feu prit dans le restaurant de Mme Landry et dĂ©truisit complĂštement la ville, ne laissant debout que la maison d'une dame Cartier. La perte fut d'environ deux millions de dollars. A peine relevĂ©e de ses ruines, Sonora devint la proie d'un second incendie 4 octobre. Cette fois, le feu avait commencĂ© chez M. LabĂ©tour. On estimait cette nouvelle perte Ă  300,000. Il y eut aussi Ă  Sonora, et dans les environs, des mani- festations hostiles contre les Français. Le 12 octobre 1853, les AmĂ©ricains et les Irlandais de la petite ville tinrent un meeting, dans lequel ils adoptĂšrent la rĂ©solution suivante "Xous approuvons les dĂ©cisions prises par les mineurs LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 99 le .TameĂŻ^to\vii. Il sera accordĂ© aux Ă©trangers nu dĂ©lai de vingt jours pour dĂ©clarer leur intention de se faire natura- liser AmĂ©ricains. Si, Ă  l'expiration de ce dĂ©lai, ils n'ont }as reniili cette formalitĂ©, ils seront traitĂ©s comme il paraĂźtra juste et convenable aux mineurs amĂ©ricains de les traiter. Il leur sera loisible de disposer de leurs claims durant ces dits vingt jours. PassĂ© ce temps, le comitĂ©, chargĂ© de leur expulsion, disposera de leurs claims comme il l'entendra." Un incident faillit aggraver la situation. Deux de nos compatriotes, Jean CossĂ© et Joseph Boucherot, ayant Ă©tĂ© accusĂ©s de vol, la populace s'empara de leurs ]»ersonnes. DĂ©jĂ  quelques forcenĂ©s leur avaient passĂ© la corde au cou et allaient les pendre, sans autre forme de procĂšs, lorsque leurs compatriotes vinrent s'interposer. Mis en prison, ils passĂšrent ilus tard en jugement, devant le tribunal de Sonora qui les dĂ©clara innocents. Toute cette agitation anti-franyaise ne tarda pas, du reste, Ă  se calmer La petite ville voisine, Columbia, comptait aussi lon nombre de nos compatriotes. L'incendie qui y Ă©clata le 11 juillet 1854, dĂ©truisit plusieurs Ă©tablissements français, entre autres, ceux de MM. Rocher, pharmaciens et bras- seurs, et ceux de MM. J. B. Souquet, Dupont, Raspail et Cie, Christian et AndrĂ©. TragĂ©die a Yreica — Fin novembre de la mĂȘme annĂ©e, un }auvre Français, minĂ© par les maladies, s'Ă©tant pris de querelle avec un individu Ă  Yreka, fait usage de son pistolet et tue son adversaire. La police l'arrĂȘte. Ans- 100 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. sitĂŽt, nue trentaine de furienx, forçant la poite de la pri- son, en arrachent notre compatriote et, autres nn procĂšs dĂ©risoire, le traĂźnent an pied d"nn arl»re oĂč le houclier de l'endroit avait l'habitude de suspendre les animaux qu"il voulait Ă©gorger. On hisse l'infortunĂ© sur un cheval, on lui passe nne corde au cou, et ou l'accroche Ă  une branche solide. Mais le nƓud de la corde glisse jusque sous le menton du patient qui, Ă  moitiĂ© Ă©tranglĂ©, les yeuxliorsde leurs orbites, rĂąle sourdement. Alors, trois des plus pressĂ©s parmi les assistants, se suspendent Ă  ses pieds, tandis qu'un autre individu lui pĂšse sur les Ă©paules, et le malheureux peut enfin mourir... Ces horribles dĂ©tails sont empruntĂ©s au journal de la localitĂ©, r Yrcka Herald du 26 novembre Les scĂšnes de ce genre ne se passaient pas seulement dans les rĂ©gions Ă©loignĂ©es et sauvages des mines, il s'en produisaient de semblables aux portes mĂȘmes de San Francisco. Belges et Français — Une compagnie, composĂ©e de Français et de Belges, avait achetĂ©, sur la route de San JosĂ©, des terrains couverts de haute futaie, dans le but d'abattre les arbres et de les rĂ©duire en charbon. Des squatters, armĂ©s de rifles et de i-evolvers, sous prĂ©texte que les titres de propriĂ©tĂ© de ces terrains n'avaient pas Ă©tĂ© rĂ©- gularisĂ©s, vinrent, le 3 novembre 1853, en chasser les oc- cupants, et s'y installĂšrent avec leurs familles. Cette opĂ©ra- tion ne se fit pas sans rĂ©sistance. Dans la bagarre, deux Belges, Prothin et fils, furent particuliĂšrement mal- LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 101 traitĂ©s. On attaclia le jeune liomme Ă  un arln-e, on lui a Impliqua quinze coups de bĂąton sur le dos, puis ou le lĂącha en le menaçant de le pendre s'il se re[rĂ©- senter. M. Dillon et M. Grisar, consul intĂ©rimaire des Beljj-es, tirent, de concert, des dĂ©marches auprĂšs des autoritĂ©s. On les renvoya d'un tribunal Ă  l'autre. Alors ils saisirent de l'affaire M. Hott'man, juge de la cour fĂ©dĂ©rale du district. kSur l'ordre de ce magistrat, le marshal des Etats-Unis se rendit sur les lieux, et arrĂȘta quelques-uns des meneurs. Le jeune Prothin l'avant accompagnĂ©, eut l'imprudence d'y demeurer a}rĂšs lui. Les squatters tombĂšrent !^ur l'in- fortunĂ© jeune homme et le traĂźnĂšrent au milieu des mas- sifs voisins, dĂ©cidĂ©s Ă  lui faire un mauvais parti. Heureu- sement ou arriva Ă  temps pour le sauver. L'atiaire s'arran- gea les squatters payĂšrent aux deux Belges une indem- nitĂ© de $300 et tout fut dit. Saucelito — Les fermiers, Ă©tablis de l'autre cĂŽtĂ© de la baie de San Francisco, Ă©taient frĂ©quemmeut les victimes de vols de Ijestiaux. Un dĂ©lit du mĂȘme genre s'Ă©taut com- mis prĂšs de Saucelito, au mois de dĂ©cembre 1853, les soup- çons se portĂšrent sur huit Français, emi^loyĂ©s dans le voi- sinage. On les arrĂȘte; mais aprĂšs les avoir gardĂ©s sous clĂ© lendant trois mois, on reconnaĂźt leur innocence et on les remet en libertĂ©. Deux autres Français, dont nous allons i»arler, furent moins heureux. 102 LES FRAXfAIS EN CALIFORNIE. Affaire Ragot et Dupont, a San LĂ©ani»ro Creek — Tli. Rngot et J. Dupont, demeurant Ă  San LĂ©andro Creek, prĂšs de San Antonio aujourd'hui Brooklyn, Ă©crivent au journal Le Messager de San Francisco pour lui raconter la mĂ©saventure qui venait de leur arriver. C'Ă©taient de pau- vres ^Qwir^^ parfaitement honnĂȘtes, vivant de peu et culti- vant un petit lo^iin de terre. A diverses reprises, des voi- sins les avaient menacĂ©s de s'en prendre Ă  eux, des vols dont ils avaient Ă  se plaindre. Enfin, le 5 aoĂ»t 1854, un sa- medi, une vingtaine d'individus, aniiĂ©s de revolvers, ani- veut et, sous prĂ©texte qu'on avait enlevĂ© un bƓuf Ă  l'un d'eux, ils s'emparent de la personne de Dupont. MalgrĂ© ses Ă©nergiques protestations d'innocence, ils lui Uent les pieds et les mains, le traĂźnent sous un arbre, lui passent le bout d'une corde au cou, et jettent l'autre bout par dessus une branche Pouitant ils reculent devant la perpĂ©tra- tion d'un crime si abominable; mais ils dĂ©couvrent les reins du patient, le frapjjeut de leurs bĂątons et ne s'arrĂȘ^ tent que lorsqu'ils sont las de frapper. Puis ils le chas- sent ainsi que Ragot, menaçant de les pendre haut et court s'ils osaient jamais remettre le pied dans le pays. Deux bouchers français pendus a San Antonio — Cette scĂšne barbare n'a Ă©tĂ© que le prologue d'un drame vĂ©ritable qui se passa peu de temps aprĂšs. Deux bouchers, AmĂ©dĂ©e Camus et Pierre Archam- bault. s'Ă©taient associĂ©s Ă  San Antonio. Es achetĂšrent Ă  des Chiliens des bestiaux volĂ©s et reconnus par les vrais pro- priĂ©taires. Des liabitants de Redwoods et quelques autres LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 103 individus vinrent aussitĂŽt incendier la maison et ie cor- ralO"! des deux Français et menacĂšrent de brĂ»ler toute vive une malheureuse femme qui, Ă genoux, im}lrait leur pitiĂ©. On lui tit grĂące; mais on s'empara de Camus et d'Archambault, et on les pendit sans aucune forme de pro- cĂšs. Le Consul de France, averti de ce qui se passait, ar- riva trop tard pour les arraclier Ă  la mort, mais Ă  temps pour sauver deux autres malheureux Fran- çais, considĂ©rĂ©s comme complices. Ceux-ci furent con- duits en prison, au milieu d'une grĂȘle de halles que la foule faisait pleuvoir sur eux. AprĂšs une annĂ©e de dĂ©tention, leur iimocence Ă©tant reconnue, ou les remit en libertĂ©. DĂ©tail piquant et caractĂ©risque des mƓurs du temps D'aprĂšs VJSrcning News, journal amĂ©ricain publiĂ© alors Ă  San Francisco, le vĂ©ritable chef des voleurs de bes- tiaux n'Ă©tait autre que le nommĂ© Carjjenter, coustable de Clinton! Les FrĂšres Cadet — Les frĂšres Julian et Cadet Bi- gard, mieux connus sous le nom de frĂšres Cadet, travail- laient de[uis trois ans dans un claim Ă  Robinson Ferry, sur la riviĂšre Stanislas. En 1858, ils recommencĂšrent leurs travaux de barra- ges, refoulant les eaux de la riviĂšre dans un claim situĂ© plus haut. A ce sujet, ils eurent des discussions violentes avec des AmĂ©ricains, leurs voisins. Le 4 aoĂ»t, ces derniers se prĂ©sentĂšrent pleins de menaces. En ce moment, Cadet Ă©tait en train de charrier de la terre avec une brouette 1 — Étable. 104 LES FRANÇAIS EN' CALIFORNIE. qu'il conduisait sui* une planche jetĂ©e en forme de f»ont sur un bras de la riviĂšre. Un des AmĂ©ricains, nommĂ© Crooks, retire violenmient la planche de dessous ses pieds, et le fait tomber dans leau. Cadet se relĂšve furieux. DouĂ© d'une force peu commune, il saisit trois individus qui s'Ă©- taient prĂ©cipitĂ©s sm* lui et les pousse Ă  son tour dans leau. Puis, se voyant aux prises avec de nouveaux assaillants et sur le point de succomber, il appelle son frĂšre Ă  son aide. Celui-ci, petit de taille, mais excellent tireur en sa qualitĂ© d'ancien soldat, prend son fusil et tue un des hommes qui tenaient Cadet et en blesse griĂšvement un autre. Le nom- bre des agresseurs, augmentant sans cesse, les deux frĂšres se hĂątent de rentrer dans lem- cabine, emportent leurs mu- nitions et s'enfuient. Pom‱sui^-is par des gens armĂ©s, ils font volte-face, tirent dans le tis et reprennent leur course sans qu'il fĂ»t possible de mettre la main sur eux. Ou ignore ce qu'ils sont devenus. Dans cette dĂ©plorable aĂŽaire, les frĂšres Cadet tuĂšrent trois honmies et en blessĂšrent trois. Ai-rivĂ©s en Californie en 1849, ils avaient toujours passĂ© jusqu'alors i;>our des gens paisibles et parfaitement honorables. Dans son histoire de San Francisco. M. Hittell fait al- lusion aux mauvais traitements essuyĂ©s par nos compatrio- tes. ]Sron-seulement il condamne ces actes de violence; mais il les dĂ©plore dans l'intĂ©rĂȘt de la Cahfornie. Si les Français, dit-il, avaient reçu un accueil favorable, une bien plus forte immigration française serait venue contribuer LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 105 au dĂ©veloppement de nos ressources minit'res, commercia- les, industrielles et agricoles. L ' O R É G N . Ce vaste pays, dĂ©couvert par les Espagnols, devint plus tard une annexe du Canada et, partant, une colonie française. Au mois de mai 1792, un navire amĂ©ricain, le Cobnn- bia, entra dans le fleuve OrĂ©gon auquel le capitaine donna le nom de son vaisseau. Vers 1811, John- Jacob Astor, nĂ© Allemand mais naturalisĂ© citoyen des Etats-Unis, fonda prĂšs de l'enibou- cluire de ce magnifique cours d'eau, un Ă©tablissement pour le commerce de pelleterie, et lui donna le nom d'Astoria. Les Anglais s'emparĂšrent du settlement pendant la guerre de 1812. Le traitĂ© conclu, en 1846, entre la Gran- de-Bretagne et les Etats-Unis, attribua au premier de ces pays tout ce qui est au nord du 49° de latitude, et au second, ce qui est au sud. L' OrĂ©gon fut Ă©rigĂ© en Etat en 1858. Les premiers Français, arrivĂ©s du Canada dans l' OrĂ©- gon, y avaient Ă©tĂ© amenĂ©s par la Compagnie d'Hudson, qui les employait comme trappeurs. A Vancouver, sur le Columbia, oĂč elle Ă©leva un fort, elle Ă©tablit aussi une Mis- sion et un nuigasin. M. de Saint -Amant raconte dans ses relations de voyage en OrĂ©gon 1851, qu'il y a rencontrĂ© des "Frau- 106 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. çais de France" et des Français du Canada. Les premiers Ă©taient venus de Californie. Il s'y trouvait aussi des Mis- sionnaires de notre nationalitĂ©, envoyĂ©s par la "Propaga- tion de la Foi", et qui Ă©taient arrivĂ©s par voie de terre. Le clergĂ© catholique se composait presque entiĂšrement de Français. Deux Ă©tablissements de sƓurs de Notre Dame de ĂźTamur se vouaient Ă  l'enseignement. La vaste plaine, qui s'Ă©tend entre La Butte et le lac Labish et connue sous le nom de "Prairies françaises", avait une population de plus de 1200 Ăąmes Canadiens- français mariĂ©s pour la plupart Ă  des Indiennes et adonnĂ©s Ă  l'agriculture. Ils avaient d'abord vĂ©cu en concubinage avec ces femmes sauvages, achetĂ©es Ă  leurs parents, selon les mƓurs locales ; mais le Missionnaire Blanchet, nommĂ© plus tard archevĂȘque de l'OrĂ©gon, les baptisa et en fit de lĂ©gitimes Ă©pouses. Aujourd'hui, les Canadiens français sont au nombre de 3,000 environ. PoRTLAND, la mĂ©tropole commerciale de l'Etat, a une population de plus de 30,000 Ăąmes. Nos compatriotes y sont au nombre de cent Ă  cent cinquante ; plusieurs occu- pent une fort belle position. L'OrĂ©gon est un pays essen- tiellement agricole, riche en troupeaux et couvert d'im- menses forĂȘts de pins qui fournissent d'excellent bois de construction. Salem est la capitale. Victoria Ăźle Vancouver, attira, en 1858, un grand nombre de nos compatriotes. Ils fondĂšrent, le 24 fĂ©vrier 1860, une SociĂ©tĂ© de Bienfaisance et de Secours Mutuels j LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 107 avec une Maison de SantĂ©. M. Driard en fut le premier prĂ©sident. La petite colonie française disparaissant peu Ă  }»eu, la SociĂ©tĂ© s'est dissoute. IV Les Français a San Francisco. CaractĂšre particulier de l'immigration française — Quelques types — Le comte de Eaousset-Boulbon, le marquis de Pindray, Jules de France — Le commerce français — Influence exercĂ©e par nos compatriotes — M. Pioche — Vie sociale — Théùtres et artistes dramatiques français — Institutions françaises — La presse franco-californienne — Journalis- tes et poĂštes — La colonie française peinte par les AmĂ©ricains. Nous avons dĂ©jĂ  dit que, dans le principe, les Fran- çais formaient la population Ă©trangĂšre la plus remarquable et la plus importante, au point de vue du nombre et au point de vue des Ă©lĂ©ments qui la composaient. Expliquons-nous. Les Ă©migrants de race espagnole, Mexicains, Chiliens, etc., Ă©taient presque tous des travailleurs, sans capitaux et sans Ă©ducation. Les Irlandais et les Allemands apparte- naient aussi gĂ©nĂ©ralement, par leur origine, aux classes laborieuses et rurales. 11 ncu Ă©tait pas de mĂȘme de nos compatriotes. [*ar leurs allures, leurs idĂ©es, leurs sentiments, leurs profes- sions, leurs habitudes et leurs mƓurs, ils pi-Ă©sentaient dans leur ensemble, le caractĂšre et la physionomie d'une popu- lation urbaine. Les ouvriers, de divers mĂ©tiers, Ă©taient 108 LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. nombreux ; mais il y avait aussi des capitalistes, des nĂ©go- ciants, des mĂ©decins, des professeurs, des notaires, des architectes plus, un certain nombre d'anciens fonction- naires publics, des journalistes, des hommes de lettres, des proscrits politiques, etc.; bref, beaucoup d'Ă©lĂ©ments excellents, avec un mĂ©lange de dĂ©classĂ©s. Les plus pauvres et les plus laborieux, fixĂ©s Ă  San Francisco, trouvaient des ressources dans le gĂ©nie inventif de leur race. Ils imaginaient toutes sortes de petites indust]"ies, et savaient les exploiter avec adresse. Les uns allaient chercher du bois sur les collines environnantes pour le revendre, gagnant ainsi de 4 Ă  5 dollars par jour ; d'autres cueillaient des herbes sauvages que les Yatels de la ville accommodaient en salade. Quelques-uns encore se faisaient marchands de boucpets, ou bien, Ă  l'exemple des frĂšres Boufiard et du marquis de la P , s'Ă©tablissaient comme jardiniers Ă  la Mission, au PrĂ©sidio et ailleurs. D'autres, enfin, s'improvisaient voituriers, dĂ©bardeurs, laveurs de vaisselle, garçons de salle, etc. Maints person- nages de race noble furent rĂ©duits Ă  demander, aux situa- tions les plus humbles, des moyens d'existence. On raconte, comme incidents caractĂ©ristiques de cette Ă©joque lĂ©gen- daire, des faits tels que celui-ci Un monsieur, fort bien mis, entre dans un restauraut Ă  la mode. Un garçon accourt. Le client le regarde, pousse un cri de surprise, puis dit Ă  l'homme Ă  la serviette Comment ! c'est toi, marquis?" C'Ă©tait un marquis, en etFet, que la faim avait forcĂ© de cacher ses parchemins, sous son modeste tablier blanc. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 109 Les anciens Californiens se rappellent aussi un certain vicomte de F passĂ© Ă  l'Ă©tat de bome. On le voyait, dans les rues, traĂźner au soleil une petite voiture, renfer- mant les enfants confiĂ©s Ă  ses soins. Pendant que ceci se passait Ă  San Francisco, des Français, Ă©tablis dans la vallĂ©e de Santa Clara, se livraient au jardinage, Ă  l'agriculture, et faisaient venir de France des boutures, de jeunes plants d'arbres, des ceps de vigne, et des semences de fleurs les plus variĂ©es. Aussi vit-on bientĂŽt les fruits et les lĂ©gumes faire leur apparition sur le marchĂ© Ă  des prix alordables. Les pommes de terre. ]»ar exemple, tombĂšrent de 15 Ă  6 cents la livre. Il en fut de mĂȘme du reste. Un mĂ©tier auquel un citoyen blanc de la libre AmĂ©ri- que ne s'abaissera point, c'est celui de dĂ©crotteur. Or, on sait quel Ă©tait l'Ă©tat de saletĂ© des rues de San Francisco Ă  cette Ă©poque. Il y avait donc lĂ , pour les pauvres gens, une source de revenus, d'autant plus que le nettoyage d'une paire de bottes se payait 50 sous. Des Français, notamment des dĂ©classĂ©s, s'emparĂšrent de la situation en y mettant par- fois une pointe de fantaisie, et de coquetterie artistique propre aux Gaulois. L'un d'eux se servait, pour son travail, d'un couteau Ă  lame d'or qu'il faisait miroiter avec com- plaisance aux yeux de ses clients. Un autre cultivait les muses Ă  ses moments de loisir et publiait dans les journaux des vers fort bien tournĂ©s. Entre autres personnages arrivĂ©s eu 1850, signalons le marquis de Pindray et le comte de Raousset-Boulbou. 110 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Comme ils ont jouĂ© mi rĂŽle historique, nous leur consa- crerons mi chapitre spĂ©cial. Disons, dĂšs Ă  prĂ©sent, quel- ques mots du ^^comte Jules de France, l'individualitĂ© la plus marquante parmi les nombreux dĂ©voyĂ©s dont nous avons parlĂ©. C'Ă©tait un homme jeune encore, grand, Ă©lancĂ©, aux cheveux et Ă  la moustache noirs, ayant les allures Ă  la fois fiĂšres et dĂ©braillĂ©es d'un don CĂ©sar de Bazan. DouĂ© d'un esprit vif et brillant, il publia la premiĂšre feuille en langue française qui parĂ»t Ă  San Francisco. Helas ! elle vĂ©cut ce que vivent les roses l'espace d'un matin. Jules de France Ă©crivit plus tard une petite piĂšce satirique intitulĂ©e "Mon- sieur Gogo en Cahfornie" et reprĂ©sentĂ©e, en juin 1852, au théùtre français de notre ville. Elle ne manquait, ni de sel, ni de couleur locale. Malheureusement Jules de France, avec ses habitu- des de BohĂšme, Ă©tait peu fait pour rĂ©ussir dans ce pays. RĂ©duit aux plus tristes expĂ©dients, il y traĂźna, pendant quelques annĂ©es, une misĂ©rable existence. Enfin, grĂące Ă  ses amis, il put s'embarquer pour la Havane oĂč il mourut peu de temps aprĂšs son arrivĂ©e. Revenons aux Ă©lĂ©ments sĂ©rieux de l'immigration française. Ceux de nos compatriotes, qui avaient apportĂ© des capitaux et des marchandises, fondĂšrent des maisons de banque et des magasins, rivalisant sans dĂ©savantage avec les meilleurs Ă©tabhssements du mĂȘme genre ouverts par les AmĂ©ricains et les Anglais. ĂźTous en avons nommĂ© plu- sieurs dans un chapitre prĂ©cĂ©dent. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 111 A vrai dire, le commerce fraiK;iiis constituait, en 1851, une partie importante du commerce gĂ©nĂ©ral, ainsi que l'attestent les statistiques officielles. Les droits perçus Ă  la douane, depuis le 1er janvier jusqu'au 31 dĂ©cembre de cette annĂ©e, s'Ă©taient Ă©levĂ©s Ă  $2,290,636, s'appliquant -X des valeurs dont le total Ă©tait de $8,047,595. Or, la France seule figurait dans ce dernier cliitfre pour $2,040,000, ou pour plus du quart. Durant la mĂȘme annĂ©e, il Ă©tait entrĂ© dans le port de San Francisco 51 navires français, dont 39 venant directe- ment de France, les autres de Montevideo, de Sydney et de Valparaiso. Les ]trinci}iaux oljets, importĂ©s de France, Ă©taient les liantes iKjuveautĂ©s, les articles de Paris, les conserves de Xantes et de Bordeaux, les savons et les 'huiles de Mar- seille, les vins et les eaux-de-vie. Le vin de Bordeaux Ă©tait trĂšs recherchĂ©, non-seulement comme boisson trĂšs agrĂ©able au goĂ»t, mais comme un excellent remĂšde contre le scor- but, qui sĂ©vissait alors parmi les mineurs, par suite de l'ab- sence des lĂ©gumes et de l'abus des viandes salĂ©es dans l'alimentation. Ces articles français, naguĂšre peu connus, ne tardĂšrent pas Ă  rentrer dans les habitudes des AmĂ©ri- cains et des Ă©trangers riches ou aisĂ©s. L'influence française s'est manifestĂ©e Ă  San Francisco par des Ă©lĂ©ments divers. Le Iccteui- souiira peut ĂȘtre si, {larmi ces Ă©lĂ©ments, nous mentionnons l'art culinaire de nos Certes, on ne vit pas pour manger; mais savoir man- ger, c'est presque savoir vivre en sociĂ©tĂ©. BrillĂąt-Savarin, qui Ă©tait un grand philosophe, disait "Dis-moi ce que tu 112 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. manges 1 et je te dirai qui tu es." Eh bien, sous ce rapport, les Français ont, croyons-nous, exercĂ© sur les mƓurs, sur les relations de famille, et sur les relations so- ciales, une action plus bienfaisante qu'un vain peuple ne pense. Nos nĂ©gociants ont acclimatĂ© dans ce pays le goĂ»t tlu beau en important, et en jetant sur le marchĂ© les articles si variĂ©s de Paris, les riches et magnifiquees Ă©toffes de Lyon et tous ces objets de toilette dont la France possĂšde le se- cret de fabrication. Ăź^os gracieuses compatriotes, de leur cĂŽtĂ©, ont, en fait de modes, donnĂ© le ton Ă  la colonie fĂ©mi- nine, et valu, pour une bonne part, aux dames de Califor- nie, cette rĂ©putatioQ d'Ă©lĂ©gance qu'elles mĂ©ritent si bien. L'influence du goĂ»t français s'est, en outre, fait remar- quer dans le genre d'architecture adoptĂ© pour nos principa- les maisons d'habitation et quelques-uns de nos grands Ă©di- lices publics auxquels leurs toits Ă  mansardes donnent une physionomie toute parisienne. Ce sont encore les Français qui ont rĂ©pandu, parmi les AmĂ©ricains riches, le goĂ»t des arts, et qui leur ont inspirĂ© le dĂ©sir d'orner l'intĂ©rieur de leurs somptueuses rĂ©sidences des belles Ɠuvres de nos peintres et de nos sculpteurs. L'industrie naissante du pays doit beaucoup elle- mĂȘme aux ouvriers habiles entons genres que la France lui a envoyĂ©s. Enfin, pour terminer cette Ă©numĂ©ration, ajoutons que les capitaux français ont puissament contrilniĂ© Ă  dĂ©velop- D- On pourrait comploter l'aphorisme par ces mots et comment tu ma^ges. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 113 per les ressources naturelles de lu Californie. On Ă©value -X plus de cent millions de francs les sommes ainsi pla- cĂ©es par nos compatriotes depuis 1850 jusqu'Ă  1870. A ce propos, nous croyons devoir consacrer ai' MM. Laglaise, Coulon, RonconviĂ©ri, Yomini et Ed- mond, Prix des places Loges, 4,00; cercle et parquet, $3,00; galerie, $2,00; ampliithĂ©atre $1,00. Union Théùtre. DeuxiĂšme reprĂ©sentation de la Biche au Bois, ou le Royaume des FĂ©es, par Mmes ^i^IuniĂ©, ElĂ©o- nore. Bonnet, SaudiĂ©, ĂźTelson, Dimier, Fanny, Castellan, EugĂ©nie, I*auline, CĂ©cile, Dabberville, et par MM. LĂ©o- nard, Georget, ThiĂ©ry, Bertlielon, Edouard, Jules, Bel- lancourt, Scliemmel, Arthur, Charlet, Bonnet, EugĂšne, Du- chet, Boucliet, Delaunay et Charles. Le 25 septembre, Bonnet, ex-artiste du théùtre Histo- rique de l'aris, fit son vrai dĂ©but en Californie au Théùtre- Union dans le rĂŽle de S>/lrain, de Claadie, par G. Sand. Le mĂȘme soir, on donnait Ă  Adelphi, la Favorite, tan- dis qu'Ă  l'AmĂ©rican Théùtre, jouait la FainiUc Bousset. Citons deux autres artistes de talent faisant partie de ces compagnies Tallot et Mme Foubert. Mlle Elisa Pitron, bi théùtre des VariĂ©tĂ©s Ăą Paris, une Ă©toile qui a jetĂ© un vif et durable Ă©clat sur la scĂšne française de San ?'rancisco, fit ses dĂ©buts Ă  Adelphi, le 31 dĂ©cembre 1854, dans le DĂ©mon de la Nuit, avec Fanny, Munie et Bonnet. A la mĂȘme Ă©poque, Adelphi avait une comiagnie 118 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. composĂ©e, entre antres, de Mmes SandiĂ©, ElĂ©onore, Fanny, et de MM. Adolphe Loiseau, Georget, Bonnet, Douchet, Charlet, etc. Pins tard arrivĂšrent successivement la trĂšs populaire LĂ©ontine, Mmes Armand, Castillan et Balagny; cette der- niĂšre jouait les DĂ©jazet. Les spectacles français, pendant annĂ©es fu- rent trĂšs courus par nos compatriotes, et par des personnes d'autres nationalitĂ©s. Mais peu Ă  peu, d'hebdomadaires les reprĂ©sentations devinrent bi-mensuelles; puis elle s'espa- cĂšrent encore davantage; enfin elles n'eurent plus lieu qu'Ă  des Ă©poques indĂ©terminĂ©es. Ăźs'os artistes ont certainement exercĂ© une inllnence sĂ©rieuse sur l'art dramatique dans ce pays. Beaucoup d'en- tre eux, Ă©levĂ©s Ă  la bonne Ă©cole, ont servi de modĂšle aux artistes amĂ©ricains qui, il y a quelques annĂ©es, semblaient ignorer, ce qui, au fond, constitue le talent du vĂ©ritable comĂ©dien, c'est-cĂ -dire, le naturel. A l'appui de cette opi- nion, nous publions l'extrait suivant du Chronielc, du 11 mai 1884. "Si une bonne compagnie française pouvait se former, nous aurions l'occasion de voir Sardou et les autres bons auteurs, comme les voient les Parisieus, et nous acquer- rions, en matiĂšre de théùtre, une Ă©ducation qui nous aide- rait considĂ©rablement Ă  comprendre la valeur et la signi- fication de l'art dramatique." M. Paul Juignet, artiste trĂšs distinguĂ©, fait, depuis quelques temps, de louables efibrts pour reconstituer Ă  San Francisco un théùtre français. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 119 A part les rĂ©unions de la SociĂ©tĂ©' de Bienfaisance Mu- tuelle, et quelques autres ayant un but spĂ©cial, les specta- cles Ă©taient la seule occasion iOur les Français de se rĂ©unir en grandes masses, de se voir et de s'appi-Ă©cier. Cepen- dant Ă  diverses reprises, des tentatives avaient Ă©tĂ© faites pour Ă©tablir entre eux des liens plus intimes. Ainsi au mois de dĂ©cembre 1852, eut lieu Ă  Guillaume Tell Ilouse, rue Pacific, une rĂ©union en vue de fonder la SociĂ©tĂ© Lyrique les Enfants d'Apollon. M. Edmond Saunois, en Ă©tait le prĂ©si- dent provisoire. L'annĂ©e suivante se forma la Comijagnie Lafai/rttr fies Echelles et Crochets dont il sera question dans une autre partie de ce livre. DĂ©s 18rl, ou vit s'Ă©tablir des Ă©coles françaises. M. Ali- bielle fonda un collĂšge au Pueblo de San JosĂ©, pour l'en- seignement du français, de l'espagnol et de l'anglais. En 1853, Mme Petibeau et Mlle Macy, d'une part, et Mlle Tournache, de l'autre, ouvrirent Ă  San Francisco un pen- sionnat de jeunes filles. Une institution du mĂȘme genre, qui acquit une grande importance, fut Ă©tablie plus tard, rue Stockton, par M. et Aime Planel; la musique et le chant y Ă©taient l'objet de soins particuliers. Nous avons dit que Jules de France avait fait paraĂźtre le premier journal français en Californie; mais celui Ă  qui appartient l'honneur d'avoir fondĂ© sĂ©rieusement la presse française dans ce pays, c'est M. Etiemie Derbec. Ancien typographe au Journal des DĂ©bats, il arriva en Californie en 1850. AprĂšs avoir tentĂ© la fortune com- me mineur, il se fixa Ă  San Francisco et, Ă  partir du mois de septembre 1851, collabora Ă  une petite feuille amĂ©ri- 120 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. calne appelĂ© P,mune, Ă  laquelle il fournit une colonne de texte français. Il entra ensuite, dans les mĂȘmes conditions, au Daihi Eccning JSIeics Enfin, le 1-" juin 1852, il fonda, avec M. La Keintrie, VEcho du Pacifique, qui avait Ă  sa quatriĂšme page une par- tie espagnole, 'sous le titre de Eco del Pacifico. Le journal paraissait tous les deux jours, en un format bien moins grand que celui du Courrier actuel. Chaque numĂ©ro publiait la liste complĂšte des lettres arrivĂ©es en ville et des- tinĂ©es aux Français, aux Belges, aux Espagnols, aux Suis- ses et aux Italiens. Ce premier numĂ©ro contenait, comme nouvelles de France, le texte du discours prononcĂ© par Louis XapolĂ©on, prĂ©sident de la RĂ©publique, Ă  la cĂ©rĂ©monie d'installation du Corps LĂ©gislatif et du SĂ©nat, le 29 mars prĂ©cĂ©dent - nouvelles, ^neilles de plus de deux mois;— plus, la lettre col- lective par laquelle le gĂ©nĂ©ral Cavaignac et MM. HĂ©- non et Carnot, Ă©lus dĂ©putĂ©s, refusaient de prĂȘter le ser- ment prescrit par NapolĂ©on. Il donnait aussi les annon- ces suivantes Cobb et C-, encanteurs et commissionnaires — Li- brairie française et espagnole tenue par de Massey et Fi- nance — Delessert, Ligeron et Os banquiers — E. I>au- gny, importateur — Lebatard, ^nns et liqueurs— CafĂ© des Artistes, 2 billiards, 50 cents la partie, le jour et §1,00 A la limiiĂšre, tenu par Gauthier. On y trouvait des renseigne- ments pour les nouveaux dĂ©barquĂ©s -HĂŽtel et restaurant de Y Europe, dĂźner Ă  75 cents. Dans les quelques numĂ©ros suivants, on trouve les annonces ci-aprĂšs LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 121 Maison de banque de Bnrgoyne et C'% celle de B. Davidson— V. Marziou et O^ — Godefroy, Sillem et O^ — P. MaĂŻuT, Jr. — Grisai- et C^e_Roiisset, Auger et O^ — A. Expert — RĂ©bard frĂšres, chapeliers — Pharmacie française, liiofrey et Guichard — Bigarel, taillenr — Kain- dler frĂšres, rue Clay — Mme de Cassins, la cĂ©lĂšbre devi- neresse — Cabinet français de lecture, 5,000 volumes, rue Montgomery. On se que la mort tragique de Lincoln pro- voqua Ă  San Francisco, le 15 avril 1865, une vĂ©ritable Ă©meute, dirigĂ©e contre les journaux dĂ©mocratiques sus- pects, Ă  toit on Ă  raison, de sympathies pour la cause su- diste. Deux feuilles françaises, entre autres, furent dĂ©signĂ©es Ă  la rage populaire le Franco- AmĂ©ricain, publiĂ© par M. J. B. J. Chamon, et VFcho du Pacifique. A y Echo, dont le siĂšge Ă©tait alors rue Sacramento, au- dessus des bureaux de VAlta California, l'alarme fut don- nĂ©e, vers une heure de l'aprĂšs-midi, par M. RaphaĂ«l Weill. Celui-ci avait eu Ă  peine le temps de s'expliquer, qu'on entendit s'Ă©lever du dehors, des rumeurs et des cris de menace. AprĂšs avoir fermĂ© la porte de fer de la rue, M. Der- bec obligea ses employĂ©s et ses compositeurs Ă  ]rendre la fuite, ce qu'ils ne pvu-ent faire qu'en passant sur les toits des maisons voisines ; puis, il resta seul, armĂ© d'un revol- ver, pour tenir tĂšte Ă  l'orage. Les Ă©meutiers essayĂšrent de pĂ©nĂ©trer dans l'Ă©tablisse- ment ; mais, sur les vives instances des Ă©diteurs de Y Alla, 222 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. ils consentirent Ă  nommer un dĂ©lĂ©guĂ©, chargĂ© d'imposer leurs conditions Ă  M. Derbec. On exigeait de lui, comme satisfaction Ă  donner au peuple, qu'il jetĂąt par la fenĂȘtre une partie de son matĂ©riel. M. Derbec s'y refusa dans les termes les plus Ă©nergiques, protestant qu'il n'avait rien fait pour justifier les accusations dont il Ă©tait l'objet. Il demanda, en mĂȘme temps, Ă  ĂȘtre jugĂ© par un tribunal rĂ©gulier. La police s'Ă©tait empressĂ©e de se rendre sur le lieu du tumulte, mais elle fut impuissante Ă  le calmer. On appela alors les troupes fĂ©dĂ©rales, cavalerie et infanterie ; mais leur intervention n'eut pas plus de succĂšs. Enfin, vers cinq heures, le gĂ©nĂ©ral McDowell, commandant des forces mili- taires des Etats-Unis sur la cĂŽte du Pacifique, fit son appa- rition. 11 harangua la foule et rĂ©ussit Ă  la dissiper paisible- ment. Le gĂ©nĂ©ral fit ensuite occuper les ateliers de V Echo, par un dĂ©tachement de soldats, et ne permit Ă  ?>L Derbec d'en reprendre possession que sur sa promesse formelle de cesser la publication du journal. Quand notre compatriote put, au bout de trois semaines, rentrer chez lui, il trouva le matĂ©riel de son imprimerie complĂštement dctĂ©riorĂ©, par le fait mĂȘme des soldats qui devaient le protĂ©ger." Le 7 mai suivant, M. Dei-bec fit paraĂźtre le Coarrier de San Francisco. Dans un article imprimĂ© en tĂȘte du pre- mier numĂ©ro, on lit les lignes suivantes "Plusieurs imprimeries avaient Ă©tĂ© mises Ă  sac lors- ni -Von- Derbec Cl'iimbetoretheFrench and American Commission. MM. Derbec et " Chamon reçurent, de la ville, une indemnitĂ© bien infĂ©rieure a la perte matĂ©rielle qu'Us avaient subie. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 123 que les Ă©meutiers se portĂšrent sur les uteliers de Y Echo }Our les dĂ©truire aussi. Mieux que personne, nos lecteurs savent qu'une pareille manifestation Ă©tait immĂ©ritĂ©e, et que rien, absolument rien, ne la justifiait. "Xous devons nous hĂąter de dire qu'en ce qui con- cerne V Ei'/w, elle ne fut pas l'Ɠuvre de la population amĂ©- ricaine, mais de quelques Ă©trangers de toute provenance, ennemis personnels, concurrents tombĂ©s, qui ont ameutĂ© la foule et l'ont conduite contre nous. La protection active qui nous a Ă©tĂ© accordĂ©e par les autoritĂ©s et par les habi- tants, a, seule, dĂ©jouĂ© leurs projets." Le journal, Le Messager^ parut, }our la premiĂšre fois, le 16 aoĂ»t 1853 A. de La Chapelle, Pemiequin et C"" , Ă©diteurs. Plus tard, ce journal [>assa aux mains de MM. de La Chapelle et L. Albin pĂšre. Il paraissait trois fois j^ar semaine, et Ă©tait l' organe des Français rĂ©pubhcains, com- me VEcho Ă©tait l'organe du parti conservateur. Il cessa d'exister en 1857. Le Phare fut créé, le 20 juillet 1855, par Bachelier, qui eu cĂ©da la proi>i'iĂ©tĂ©, le 8 dĂ©cembre suivant, Ă  M. Herre moyennant 105 dollars, tout en conserv^ant le titre de rĂ©dacteur. Bachelier Ă©tait une nature ardente, et ses arti- cles respiraient un esprit trĂšs vif et trĂšs enthousiaste de patriotisme. Il mourut peu de tem[S aprĂšs la fondation du journal. Le F/ire passa ensuite aux nuiins de MM. Rapp et Hinton, et eut successivement pour rĂ©dacteurs, MM. LĂ©on Chemin, L. ^oU et Henri Dupouey. M. Chemin fut longtemps aux prises avec M. Thiele, rĂ©dacteur d'une feuille rivale, le ISothnal, Le Phare disparut en 183. Plus de trente journaux ou [ublications pĂ©riodiques françaises virent le jour Ă  Fraucisco^et n'eurent qu'une 124 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. existence Ă©phĂ©mĂšre. Ou en fonda mĂȘme hors de San Francisco. M. de Courcy publia, en 18,02, la Chronique de Calaccras, Ă  Mokelumne Ilill. A Sacrameuto, parut pen- dant quelque temps, et Ă  la mĂȘme Ă©poque, une partie fran- çaise dans une feuille amĂ©ricaine. De tous ces journaux il ne reste plus que le Courrier et le Petit Journal, feuille hebdomadaire, fondĂ©e il y a treize ans, Ă  San Francisco, par M. G. Francfort. C'est, aprĂšs le Courrier, le journal français qui a eu la plus longue durĂ©e en Californie. A Los Angeles, fut créée, il y a quelques annĂ©es, V Union, feuille hebdomadaire comme toutes celles pu- bliĂ©es dans cette ville ; elle est morte en 1878. Le docteur PignĂ©-Dupuytren essaya de la ressusciter, mais ne put la faire vivre. En 1879, M. GanĂ©e fonda 1' Union Nouvelle qui existe encore ; enfin, le 11 octobre 1884, a paru le pre- mier numĂ©ro du ProgrĂšs, directeur-gĂ©rant Î^I. A. Char- ruau, auquel vient de succĂ©der M. de la Harpe. Outre les journalistes dĂ©jĂ  nommĂ©s, beaucoup d'hom- mes de lettres, et mĂȘme des poĂštes, se sont fait un certain nom dans la colonie. Parmi les journalistes, citons MM. le Dr. DignĂ©- Dupuytreu, LĂ©preux, HĂ©ritier, i A. GandonniĂšre. le Dr. Toubin, Albin, Emile Marque, qui a tenu la plume au Courrier de San Francisco pendant dix ou douze ans, et A. Loiseau, qui est aujourd'hui le rĂ©dacteur de ce journal. En tĂȘte des poĂštes français-californiens, il convient de /l - Ancien secrĂ©taire du duc de Morny. Il 8 publiĂ©, Ă  San Francisco, la Rxue Califor- nienne, avec A. GandonniĂšre et le Docteur Toubin. LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 125 placer Pierre Cauwet. Le 4 mai IHA'i, il commença, sous le titre de Petits Drames Californiens^ une [lublication en vers, dont la premiĂšre partie Ă©tait intitulĂ©e ^lockton, le Cliarenton de Californie, et avait pour sous-titre, le Fou. En 1867, il iit paraĂźtre, chez H. Payot, un recueil de poĂ©- sies trĂšs remarquables, et lors des manifestations patrioti- ques qui Ă©clatĂšrent en Californie pendant l'annĂ©e terrible, il fut vĂ©ritablement le poĂšte inspirĂ© de la colonie française. Nous avons aussi trouvĂ©, dans la collection des jour- naux, des poĂ©sies de MM. H. Rouhaud, Ă  Murphy 1853, Davin, Toubin, LĂ©onard B,, L, Chemin, Deschamps, E. Grisar, auteur des Cloches, Desforges, Million, A. Massou, le docteur DĂ©pierris et A. Flamant. M, Laroche a fait paraĂźtre un petit recueil de fables, et M. Henri Prosper, mineur Ă  Diamond kSprings, publie de tem[s en temps dans le Courrier, des histoires gauloises et des souvenirs personnels qui prouvent que l'esprit rabelai- sien n'a rien Ă  redouter de l'atmosphĂšre des placers. ĂźTous terminerons ce chapitre par deux tableaux reprĂ©sentant notre colonie peime par des AmĂ©ricains. L'un est em[>runtĂ© Ă  V AlJa California, du 13 mai 1853, et l'autre aux AnnaU of ^Sati Francisco, publiĂ©es en 1855. "Il y a environ six mille Fraui;ais dans cette ville. Ils exercent toutes sortes de professions. Ils sont banquiers, mĂ©decins, s[tĂ©culateurs en terrains, importateurs et cour- tiers en gros, marchands au h''tail, artisans, manƓuvres. Une boime partie d'entre eux sont riches, et presque tous sont lalorieux et de lons citoyens. Ils nous sont venus de tous les points de la France de Paris, de Mai'seille, de Lyon, de la Normandie, de la Bretagne, de l'Alsace, de la 126 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Smsse française, de la Louisiiuie, du Canada. Tons i,oi1ent. sur eux les traits caractĂ©ristiques du Français aimant Ă  vivi-e en sociĂ©tĂ©, ils parlent tant lU-ilsne dorment pas et ges- ticulent tant qu'ils i-arlcnt. Bien peu de reux que les Allemands, c'est-Ă -dire, environ 5,000, hommes et femmes. ^ Ils conservent beaucoup lĂšs traits distinctifs de leur nation, et semblent nepasi0U- voir ahpter complĂštement les idĂ©es et les usages amĂ©ri- cains. Peu d" entre eux cherchent Ă  se faire naturaliser, et ils acquiĂšrent ditticilement notre langue. La Californie, et mĂȘme l'AmĂ©rique, ne sont, pour eux, que des Ueux oĂč ils peuvent gagner de quoi aller vivre dans leur propre pays en Euroi'e. 'A San Francisco, ils ont monopolisĂ© plusieurs mĂ©tiers d'une nature demi-artistique. Ils sont les princi- paux restaurateurs, coiffeurs, cuisiniers, importateurs de vins et joueurs de profession. Les dĂ©crotteurs français for- ment uii des traits caractĂ©ristiques de la ville. PostĂ©s aux coins des rues les plus frĂ©quentĂ©es, avec des siĂšges pour leurs clients, ils sont toujours prĂȘts Ă  polir les bottes, moyennant 25 cents. Quelques-uns d'entre eux ont amassĂ© dans ce mĂ©tier singulier, assez d'argent pour ouvrir de letites Ă©choipes trĂšs proprement meublĂ©es. Il n'est pas rare d'en voir une douzaine, rangĂ©s en file sur le bord des trottoirs, nettoyant Ă  coulis de couteau ou de brosse les bottes de leurs pratiques. "Mais, indĂ©pendamment de ces occupations, les Fran- 1 — Ils en avaient mĂȘme Jeux, Ă  cette Ă©poque. 2 — Il s'agit de l'annĂ©e 1854. 128 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. çais exercent toutes les autres professions, et beaucoup comptent parnn les Inibitants les plus distinguĂ©s, les plus riches et les plus respectables de la ville. Ils out du goĂ»t pour les amusements publics, et se plaisent aux spectacles oĂč se jouent des vaudevilles, des o[Ă©ras et des drames dans leur langue. Ils ont une SociĂ©tĂ© de Secours pour les imnii- o-rants imuvres, ainsi que d'autres associations de Vient'ai- sance. "La prĂ©sence des Français a eu une influence mar- quĂ©e sur la sociĂ©tĂ© Ă  San Francisco. D'habiles artisans de leur race ont dĂ©corĂ© nos plus beaux magasins et nos plus beaux Ă©difices. Leur goĂ»t national, joint Ă  leur sens criti- que si judicieux, a prĂ©sidĂ© Ă  l'orucmentation de nos mai- sons, tant Ă  l'intĂ©rieur qii'Ă  l'extĂ©rieur. Leurs maniĂšres pohes ont aussi donnĂ© aux relations sociales cette aisance que le caractĂšre amĂ©ricain, ilus raide, ne possĂšde pas naturellement. Enfin, la façon de s'habiller des dames françaises, Ă  la fois Ă©lĂ©gante et dispendieuse, a beaucoup contribuĂ©'Ă  imprimer aux magasins de bijouterie, de soie- ries et de modes, un cachet particulier de splendeur en mĂȘme temps qu'elle a, peut-ĂȘtre, surexcitĂ© lamourdu luxe chez la population fĂ©minine de la ville "Les Français se plaignent de n'Otre pas aussi bien traitĂ©s, par les AmĂ©ricains, que les Allemands. La raison eu iarait Ă©vidente ils ne prennent pas la mĂȘme peine de se familiariser avec la langue et le caractĂšre amĂ©ricains. Les Allemands naturalisĂ©s sont des frĂšres avouĂ©s et recon- nus ; les Français — Ă©trangers par leurs maniĂšres et leur aspect physique, par leurs idĂ©es et leurs espĂ©rances — ne peuvent jamais ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme tels. L'attacliement des Allemands pour leur vieux Faiherland n'emplit pa^ leur cƓur, au point do les rendre insensibles aux innom- brables bienfaits pohtiques et sociaux qu'ils reçoivent dans leur patrie d'adoition ; tandis que l'admiration extrava- o-ante hcihC des Français, pour tout ce lui touche Ă  leur belle France, est souvent une insulte inconsciente {luylcci- ful pour le pays qui les abrite. "Les Français et les Allemands ont jouĂ© un rĂŽle impor- tant dans l'histoire industrielle de San Francisco et de la LES PREMIERS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 129 Californie en gĂ©nĂ©ral. Ils sont trĂšs nombreux ilaiis les divers districts" miniers, et forment, comme nous l'avons vu, une proportion considĂ©rable de la poi»ulation de la ville. Entin, ils contribuent Ă  mettre Ă  exĂ©cution les idĂ©es des vĂ©ritables maĂźtres du sol — les AmĂ©ricains — dont la devise est Go ahead ! "Le caractĂšre de l'homme peut, du moins en partie, se reconnaĂźtre par le genre de boisson auquel il donne la prĂ©fĂ©rence Le vĂ©ritable Allemand raltble de Icu/cr^ heer —- et il est lourd, flegmatique, sans ambition ; le Français aime les vins lĂ©gers — et il est pĂ©tillant sjMtr/ding, mais sans force ni puissance de caractĂšre ; le 1 ankee iur sang [//luhw a besoin d'un esprit bridant dans ses boissons si variĂ©es — et- c'est un gĂ©ant quand il se met Ă  la besogne,. dĂ©molissant et foulant "aux pieds les "impossibilitĂ©s" des autres races et les soumettant Ă  son absolue et insolente volontĂ©." L'auteur de ce tableau reproche aux Français leur vanitĂ© nationale ; mais montre-t-il lui-mĂȘme beaucoup de modestie quand il reprĂ©sente, eu quelque sorte, ses com- patriotes comme des gĂ©ants entourĂ©s de pygmĂ©es ? Oh ! l'Ă©ternelle vĂ©ritĂ© de la pondre ci de la paille ! TROISIÈME PARTIE Raonsset - Botilbon. ExpĂ©ditions diverses en Sonore— de Eaousset-Boulbou — de Pindray — de Sigondis — ProcĂšs des Consuls — Prise de Sebiistopol — V Eglise Notre Dame des Victoires — Affaire Limautour — Faits divers. Le comte Gaston de Raousset-Boulbou, nĂ© Ă  Avignon en 1817, ancien aide-de-camp dn duc d'Aumale, avait fait la campagne de Kabylie, aux cĂŽtĂ©s du gĂ©nĂ©ral Bugeaud. DĂšs sou enfance, il s'Ă©tait fait remarquer par sa turbu- lence, et avait reçu, pour ce motif, le surnom de Petit Loup. Peut-ĂȘtre mĂ©ritait-il mieux celui de Petit Lion. DouĂ© des qualitĂ©s les plus In-illautes, d'un esprit aven- tureux et chevaleresque, ilcin d'audace et d'ambition ; mais aussi avide de plaisir, il jeta sa fortune Ă  tous les vents et se vit, en 1850, complĂštement ruinĂ©. A cette Ă©poque, la Californie attirait les regards du monde entier. Raousset crut apercevoir dans les mirages lointains de ce merveilleux pays, un vaste cbam[» ouvert Ă  182 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. sa dĂ©vorante activitĂ©. C'Ă©tait pour lui la fortune, et qui sait? peut-ĂȘtre la gloire qu'il rĂȘvait. Pourtant, une bohĂ©mienne l'avait mis en garde contre toute entreprise de ce genre, en lui prĂ©disant une fin tra- gique, " loin par delĂ  les flots." Lui-mĂȘme, dans une joyeuse soirĂ©e passĂ©e Ă  Paris, semblait avoir entrevu cet avenir lugubre; car, parmi les vers qu'il a laissĂ©s, on a trouvĂ© la strophe suivante Mon cƓur, en dĂ©sespĂ©rĂ©, Court la prĂ©tentaine, Qui peut savoir si j'irai Jiasqu'Ă  la trentaine ? Mais que l'avenir soit gai Ou qu'on me fusille Baisez-moi, Camille, ĂŽ guĂ© 1 Baisez-moi, Camille ! Il prit la 3n^e classe sur un steamer anghĂčs, et arriva Ă  San Francisco le 22 aoĂ»t 1850. RĂ©duit au plus triste dĂ©nĂ»- ment, il essaya un peu de tous les mĂ©tiers tour Ă  tour, dĂ©bardeur, marchand de bestiaux, mineur, pĂ©cheur et, surtout, chasseur, comme et avec le marquis de Pindray, dont il avait fait la rencontre au Salon de la Polka, il \\t, en tout et partout, la fatalitĂ© le poursuivre sans relĂąche. Il avait alors trente-trois ans. D'une beautĂ© mĂąle, d'une tournure de grand seigneur travesti en homme du peuple, il aimait Ă  endosser dans les mines, comme Gari- baldi, une chemise de laine d'un rouge Ă©carlate. Exerçant sur sou entourage cette sorte de magnĂ©tisme, naturel Ă  RAOUSSET-BOULBON. 133 tous les hommes d'ime nature supĂ©rieure, enthousiaste, d'une Ă©loquence vive et entraĂźnante, il savait charmer ceux qui ra[irocliaicnt et leur communiquer l'ardeur houillante dont il Ă©tait pĂ©nĂ©trĂ©. La malchance, qui le poursuivait, s'acharnait aussi con- tre beaucoup d'autres immigrants, et nos com[atriotes, Ă©taient loin d'ĂȘtre Ă©pargnĂ©s. On rencontrait des Français, en grand nombre, Ă  San Francisco et dans l'intĂ©rieur, sans emploi, sans travail rĂ©munĂ©rateur, obligĂ©s de faire flĂšche de tout bois. Dans la situation dĂ©sespĂ©rĂ©e oĂč Raousset se voyait placĂ©, il rĂ©solut de grouper autour de hii un certain nom- bre de ses compatriotes, hommes rĂ©solus, ayant dĂ©jĂ  vu le feu, et de tenter avec eux une grande aventure. La Sonore passait alors pour ĂȘtre fabuleusemeat riche en mines d'or et d'argent; mais la rĂ©gion, dite Ari/^ona, oĂč se trouvaient ces mines, Ă©tait occupĂ©e par les Apaches, peuplade indienne trĂšs guerriĂšre et fĂ©roce, qui en avaient chassĂ© les Mexicains. Le comte conçut le dessein d'aller rĂ©tablir l'cM'dre dans le pays troublĂ© par ces tribus sauva- ges et d'y crĂ©er un grand cenf>itot Ă  opposer au flibustier amĂ©ricain, l'aventurier françai.^. En consĂ©quence, il adressa Ă  son consul Ă  San Francisco, M. del Valle, l'ordre d'en- m— A la fin de fĂ©vrier 1854, les rrĂŽleroerts de Rnoufset fflevaient a fOO hommes, arroitLiit chacun un fusil de chn.'se Ă  deux coups, un revolver et dix dollms en BumĂ©iaire veri-fs dars la cuisfe ctmniune. Ceux qui possĂ©diuent davantage ver- saient une tonimo sui frieure, en Ă©cliange de laquelle, ils recevaient des bons garuntissant une i art d'intĂ©iĂ©t dans les bĂ©nĂ©fices Ă  rĂ©iiluer. 2 — Le bruit ne mnnriuait de fondement. On arpiit bientĂŽt que, le SO dĂ©cembre l8."-i, un traitai, dit de Gadfdf n, av>nt ftf conclu, lar lequel la rfgion oĂč Ă©taient situĂ©es les tnnieus-cf mines convoitĂ©e? i ar Kaou^f et, c'c^t-n-dire tout lo bassin de la Gila, avait Ă©tĂ© cĂ©dĂ©e aux Etati-Uflis moj nnant une comiien^alion pCcumal^e^ et annexĂ©e au territoire constituĂ©, en ISOa, tous le nom d'Aiizona. RAOUSSET-BOULBON. 141 voyer eu Souore une colonie fraiiçiiise de trois mille hom- mes, pour dĂ©feudre cette i»roviuce coutre l'agressiou dont elle Ă©tait meuacĂ©e. Raousset se reprit de nouveau Ă  espĂ©rer. Eu peu de jours, plusieurs centaines de nos compatrio- tes se prĂ©sentĂšrent chez M. Del Valle, et furent acceptĂ©s par lui. Mais alors les difficultĂ©s surgirent d'un autre cĂŽtĂ©. Les amis de Walker, c'est-Ă -dire, le parti des annexionnis- tes amĂ©ricains, agirent auprĂšs des autoritĂ©s des Etats-Unis. L'attoruey fĂ©dĂ©ral lança un mandat d'amener contre les consuls de France et du Mexique, prĂ©venus d'avoir violĂ© les lois internationales. En mĂȘme temps, il donna l'ordre de saisir le Challenge^ navire affrĂ©tĂ© par MM. Cavallier et Chauviteau }our le transport des Ă©migrauts français, et de mettre la main sur le chef de l'expĂ©dition. " Cependant, le Ckallaifie parvint Ă  faire voile le 5 avril 1854, ayant Ă  son bord 400 colons dont la moitiĂ©, choisis sous main par Kaousset, Ă©taient complĂštement Ă  sa dĂ©vo- tion. 1 DĂ©barquĂ©s Ă  Guaymas le 19 du mĂȘme mois, ils s'organisĂšrent en bataillon, et nommĂšrent leurs chefs. M. LĂ©once Desmarais, ancien sergent de l'armĂ©e d'Afrique, fut Ă©lu commandant. Parmi les autres officiers, on remar- quait MM. de Fleury, ancien chef d'escadron d'Ă©tat-ma,]or; E. Laval, ancien Ă©lĂšve de l'Ecole polytechnique, et A. Loi- seau, capitaine-trĂ©sorier. Raousset, traquĂ© sans relĂąche par la police, n'avait 1 — Au nombre dos passngora, so trouvait un nommĂ© Walker riu'il no faut pas confondre avec le chef dos flibustiers amĂ©rieiiins. l>o ĂŽ juillet isri, il avait tentĂ©, Ă  Paria, d'assassiner Louis-jNapolĂ©on, alors prĂ©sident do la KĂ©publiciue. 1^2 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. pu partir sur le Challenge. Sa position Ă©tait redevenue presque dĂ©sespĂ©rĂ©e. Non-seulement il voyait se tourner contre lui les autoritĂ©s fĂ©dĂ©rales, mais le gouvernement du Mexique, remis de ses alarmes Ă  l'endroit de Walker dont l'entreprise avait misĂ©rablement Ă©chouĂ©, ne lui cachait plus son hostilitĂ©. On prĂ©tend qu'ainsi rĂ©duit aux abois, il sollicita, mais vainement, l'appui de Louis-NapolĂ©on. DĂ©laissĂ© ou trahi, il n' en persista pas moins dans ses desseins. Pouvait-il d'ailleurs abandonner les braves gens qm 1 atten- daient lĂ -bas ? Trompant la surveillance des autoritĂ©s, il s'embarqua dans la nuit du 23 mai 1854, sur un^petit schooner de dix tonneaux, accompagnĂ© de ! Pigne- Dupuytren, Vigneaux, Percheval, de quatre matelots fran- çais et de trois matelots amĂ©ricains. Une lettre, 1 qu'il Ă©crivit peu de temps aprĂšs son dĂ©- part Ă  un ami Ă  New-York, prouve qu'il ne se faisait au- cune illusion sur le rĂ©sultat de cette nouvelle aventure. Il la termine par ces mots prophĂ©tiques qui rappellent triste- ment les vers composĂ©s par lui, quclines annĂ©es aupara- vant, et qui figurent au dĂ©but de notre rĂ©cit "Si ie suis pris, ie finirai comme un pirate. HĂ©las! je pourra dire, clmi AndrĂ© ChĂ©nier, se ^-l-P^nt e hx>n avant que la tĂȘte ne tombĂąt sous le couteau j^ }^^ quelque chose lĂ ! Adieu! et pour toujours prohablcnunL Il arriva Ă  Guaymas le 1- juillet, environ six semai- nes aprĂšs le Challenge. DĂ©clarĂ© hors la loi, il se tint long- temps cachĂ© parmi ses compatriotes. Ses amis, PignĂ© et 1 — Voir VEcho du Pacifque du 10 novembre 1S54. RAOUSSET-BOULBON. 143 Vigneaux, avaient Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s le 28 juin, 'puis relĂąchĂ©s au bout le deux jours, sur Tordre du gĂ©nĂ©ral Yanez, succes- seur de Blanco. Les habitants se montraient trĂšs hostiles aux Français, et la situation s'aggravait encore par la prĂ©sence en ville d'un grand nombre d'Yaquis, Indiens belliqueux des environs. Des rixes Ă©clatĂšrent dans les rues le 12 juillet; le sang coula. Nos compatriotes allĂšrent protester devant M. Calvo, vice-consul de France Ă  Guaymas, contre les mauvais trai- tements auxquels ils Ă©taient en butte. Le soir, une entrevue eut lieu entre le gouverneur et Raousset-Boulbon, qu'on rendait responsable de cette situation. Le gĂ©nĂ©ral Yanez, mit fin Ă  l'entretien, en signifiant au comte l'ordre de quit- ter sans dĂ©lai le territoire de la Sonore. Pour bien comprendre ce qui va suivre, il faut se rap- peler que le corps expĂ©ditionnaire se composait de deux Ă©lĂ©- ments distincts. Environ 150 hommes avaient Ă©tĂ© enrĂŽlĂ©s par M. Del Valle dans le but de former une colonie sous les auspices du gouvernement mexicain. Les autres, tout en se joignant aux prĂ©cĂ©dents, Ă©taient personnellement dĂ©- vouĂ©s Ă  Raousset, Il y avait donc deux courants, deux tendances divergentes produisant les tiraillements conti- nuels au sein du bataillon. Mais l'hostilitĂ© manifeste de la population contre les Français sans distinction, eut pour ef- fet de rapprocher ces derniers dans un commun sentiment de patriotisme et de solidaritĂ© nationale. Le lendemain de l'entrevue de Raousset avec le gou- verneur, c'est-Ă -dire, le 13 juillet, une dĂ©lĂ©gation du bataillon, composĂ©e de MM. Fleury, Canton, Loiseau et 144 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Laval, se rendit chez le gĂ©nĂ©ral Yanez pour s'entendre avec lui sur la situation. Pendant qu'on Ă©tait Ă  discuter, les dĂ©lĂ©guĂ©s français reçurent un mot de Raousset, les prĂ©ve- nant* qu'on les avait attirĂ©s dans un guet-apens et qu'ils Ă©taient cernĂ©s par les troupes mexicaines. Y avait-il rĂ©ellement trahison de la part du gouver- neur V Cela n'est pas prouvĂ©. Toujours esMlque dans ce mo- ment, nos compatriotes, se croyant menacĂ©s, coururent aux armes. Ils Ă©taient Ă  peine 300, n'ayant que douze cartou- ches par homme et point d'artillerie; tandis que les Mexi- cains Ă©taient 1,200 et disposaient de cinq piĂšces de canon. L'engagement, du cĂŽtĂ© des Français, se fit sans ordi-e, sans plan'prĂ©conçu. Raousset s'y jeta en dĂ©sespĂ©rĂ©, com- me un simple soldat 13 juillet. AprĂšs une lutte acharnĂ©e de trois heures, dans laquelle, ils perdirent 40 hommes tuĂ©s et 60 blessĂ©s, les volontaires battirent en retraite vers la maison du vice-consul de France. M. Calvo leur conseilla de dĂ©po- ser les armes, leur garantissant la vie sauve Ă  tous. M. La- val s'Ă©cria alors "Y compris M. de Raousset, bien enten- du?" Plus de vingt personnes, tĂ©moins de cette scĂšne, certifiĂšrent que le vice-consul, aprĂšs quelque hĂ©sitation, rĂ©- pondit aflirmativement. Sur cette promesse, tout le monde souscrivit aux conditions proposĂ©es. Mais quelles furent la douloureuse surprise et l'indignation des volontaires quand ils virent le comte arrĂȘtĂ©, traĂźnĂ© devant le conseil de guerre et condamnĂ© Ă  la peine de mort, sans que M. Calvo fit la moindre dĂ©marche en sa faveur, sans qu'il prononçùt un seul mot de protestation pour faire respecter la parole donnĂ©e! O a - HĂątons-nous de dire, ^^h^^^^^^^^^^^^^^^^^^Q^^ M. Calvo Ă©tait d'ori- gine Ă©trangĂšre. RAOUSSET-BOULBON. 145 Dans l'horrible dĂ©sastre oĂč venaient de somlrer tou- tes ses espĂ©rances et oĂč il allait laisser sa vie, Raousset semblait transfigurĂ©. Jamais la noblesse de son caractĂšre ne s'Ă©tait montrĂ©e avec tant d'Ă©clat. Son attitude devant ses juges, dit un tĂ©moin oculaire, les frappa d'un Ă©tonne- ment qui touchait Ă  l'admiration; mais plus ils le voyaient grand, plus ils le redoutaient." Le 12 aoĂ»t 1854, au matin, il fut conduit sur la plage de Guaymas, et lĂ , la tcte nue, les yeux ouverts, les mains Hbres, il mourut en soldat et en hĂ©ros, frappĂ© de balles mexicaines. M. Hittell, que nous aimons Ă  citer ici, en sa quahtĂ© de publiciste ;imĂ©ricain plein d'impartialitĂ©, fait cette rĂ©- flexion ''Avec un peu d'assistance de NapolĂ©on, Raousset eĂ»t probablement fait beaucoup plus pour la France que Maximilien n'a fait dix ans plus tard." Raousset Ă©tait certainement de la trempe des Pizarre et des Cortez, dont il aimait Ă  citer les noms et Ă  glorifier les hauts faits. Il avait, comme eux, le courage indomptable, l'audace ambitieuse, le gĂ©nie des aventures hĂ©roĂŻques avec la gĂ©nĂ©rositĂ© chevaleresque en plus. Mais les temps oĂč ces deux hĂ©ros conquirent un monde, ne sout plus, et il est Ă  croire que, mĂȘme avec l'aide de son gouvernement, Raousset aurait vu, tĂŽt ou tard, ses plans Ă©chouer, en face de la puissance jalouse et grandissante des Etats-Unis. Nous terminons ce rĂ©cit, par les dĂ©tails suivants, qui font connaĂźtre le sort rĂ©servĂ© aux compagnons de notre infortunĂ© compatriote. 5 AOUT 1854 — 185 prisonniers français furent embar- 146 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. quĂ©s sur la i^nĂŻ^fmic, Ă  destination de San Blas, pour se rendre de lĂ  Ă  Mexico par terre. 20 AOUT — 20 Français partirent pour se rendre aii Callao. 30 AOUT — 65 furent renvoyĂ©s, Ă  bord de la Maria- Trinidad, Ă  San Francisco oĂč ils arrivĂšrent le 14 octobre. Il rĂ©sulte de ces dĂ©tails, que 270 hommes survĂ©curent au dĂ©sastre, ou du moins purent quitter la Sonore. ^^ ExpĂ©ditions Diverses. Raousset eut deux prĂ©curseurs français le marquis de Pindray et M. de Sigondis. Pindray, qui appartenait Ă  une ancienne famille noble du Poitou, arriva, par terre, du Mexique Ă  San Francisco, en 1850, Ă  peu prĂšs en mĂȘme temps et dans le mĂȘme Ă©tat de dĂ©nĂ»ment que Paousset. Comme ce dernier, il Ă©tait douĂ© d'un grand courage et d'un esprit aventureux ; mais il ne possĂ©dait pas les qualitĂ©s qui rendaient le comte si a EXPÉDITIONS DIVERSES. 147 sympathique et qui jettent sur sa mĂ©moire une sorte d'au- rĂ©ole. Pindray Ă©tait surtout remarquable par sa grande force physique. On l'a vu renouveler les exploits de vigueur musculaire de l'illustre MarĂ©chal de Saxe, ployant, par exemple, avec la plus grande aisance, une piastre mexi- caine de ses deux mains, qu'il avait petites et fines comme celles d'une joUe femme. De mĂȘme que Raousset, il fut obligĂ©, en CaHfornie, de se livrer Ă  toutes sortes de mĂ©tiers. Tireur sans pareil, il chassait de prĂ©fĂ©rence l'ours, dont il approvisionnait le marchĂ© de San Francisco. Cependant, voyant tous ses ettbrts Ă©chouer en Cali- fornie, il porta ses regards vers la Sonore et se proposa, comme le fit plus tard sou Ă©mule, d'aller s'emparer du ter- ritoire occupĂ© par les Apaches et rĂ©putĂ© pour ses grandes richesses miniĂšres. L'entreprise n'avait absolument rien d'hostile contre le Mexique. AprĂšs avoir enrĂŽlĂ© environ 80 travailleurs, il s'embar- qua avec eux sur le Cumberland le 22 novembre 1851, et arriva Ă  Guaymas le 26 dĂ©cembre suivant. LĂ , il rĂ©ussit Ă  grossir sa petite troupe de quelques nouvelles recrues et se mit en route pour les mines de l'Arizona. Malheureuse- ment, la tĂąche qu'il avait entreprise Ă©tait au-dessus de ses forces. Les Apaches Ă©taient difloiciles Ă  vaincre avec les moyens dont il disposait. Des dissentiments Ă©clatĂšrent entre Pindray et ses hommes, qui le forcĂšrent Ă  s'arrĂȘter en route. Il s'Ă©tablit avec quelques-uns d'entre eux sur un ranch, Ă  CoscopĂ©ra, vers le mois de mai 1852. Les com- 148 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. pagnons de Raousset trouvĂšrent plus tard quelques dĂ©bris de cette colonie agricole. Les choses allant de mal en pis, Pindray, dans un moment de dĂ©sespoir, se brĂ»la la cer- velle. D'aucuns prĂ©tendent qu'il mourut assassinĂ© par un de ses hommes. SigondiB. L'expĂ©dition qui suivit celle de Pindray et prĂ©cĂ©da celle de Raousset, fut dirigĂ©e par M. LĂ©pine de Sigondis, ae-ent d'une des innombrables compagnies formĂ©es, Ă  Pans, Ă  l'effet d'exploiter les placers de la Californie. Il partit de San Francisco, le 4 mars 1852, avec une compagnie de 60 Ă  80 hommes, la plupart français. ArrivĂ©s en Sonore, ils se dispersĂšrent aprĂšs quelques tentatives infructueuses de colonisation. Cette expĂ©dition n'avait, non plus, aucun caractĂšre belliqueux. Le ProcĂšs des Consuls. L'Arrestation. Dans notre rĂ©cit de la seconde campagne de Raous- set, nous avons dit un mot au sujet de l'arrestation des consuls de France et du Mexique par les autoritĂ©s amĂ©- ricaines. LE PROCÈS DES CONSULS. 149 Voici les faits Ou se rappelle que M. Del Valle, se conformaut aux iustructious de sou gouveruemeut, avait eurĂŽlĂ© pour la Souore un corps d'Ă©migrauts, composĂ© eu graude majoritĂ© de Frauçais. Le gĂ©nĂ©ral Wool, commandant de la cĂŽte du Pacifique, qui avait ouvertement favorisĂ© l'expĂ©dition de Walker, se sentit tout-Ă -coup pris de scrupule. Invoquant les lois de neutralitĂ©, qui ne permettent point d'organiser, sur le territoire des Etats-Unis, une agression armĂ©e coutre un pays ami, il s'opposa au dĂ©part du Challenge. Toutefois, aprĂšs certains pourparlers avec le consul du Mexique, il leva l'interdiction. Le Challenge fit voile le 2 avril 1854; mais dĂšs le 31 mars, le gĂ©nĂ©ral avait fait arrĂȘter M. Del Valle. Au cours du procĂšs intentĂ© coutre le reprĂ©seutant du Mexique, le procureur {jyrosecuting attorncg demanda qu'on entendĂźt le tĂ©moignage du consul de France. M. Dillou fut en consĂ©quence, citĂ© Ă  comparaĂźtre, le 18 avril, devant la cour prĂ©sidĂ©e par le juge HofiĂź"man. Se rĂ©fĂ©rant Ă  l'article 11 de la convention consulaire franco-amĂ©ricaine du 23 fĂ©vrier 1853, le consul refusa, dans les termes les plus courtois, mais les plus fermes, d'obtempĂ©rer Ă  cet ordre, ajoutant nĂ©anmoins qu'il consentirait Ă  rĂ©pondre Ă  une demande de renseiscuemeuts Ă©manĂ©e de la Cour. CitĂ© de nouveau, il fit la mĂȘme rĂ©ponse. Le 24, M. Dillou rerut une nouvelle sommation avec l'ordre d'apporter une certaine piĂšce qui devait ĂȘtre dans ses archives, et qui Ă©tait censĂ©e contenir les instructions du o-ouveruement de Sauta Anna au consul mexicain. Nouveau refus, toujours poliment foi'mulĂ©. 150 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. La derniĂšre sommation avait Ă©t6 faite Ă  la requĂȘte des avocats de M. Del Valle, non pas qu'ils eussent l'espoir de la voir mieux accueillie, mais parce qu'ils pensaient que, dans le cas oĂč M. Dillon persisterait dans son refus, le ministĂšre public se dĂ©sisterait de sa plainte contre leur client. Le 25 avril, Ă  une heure de l'aprĂšs-midi, le marslial des Etats-Unis, M. Richardson, qui dix-huit mois plus tard fut assassinĂ© par Cora, se prĂ©senta avec ses aides et d'au- tres officiers de pohce, dans les bureaux du consulat. Il pĂ©nĂ©tra aussitĂŽt dans le cabinet particulier de ^I. Dillon qui se trouvait en compagnie de sou chancelier, M. Ba- taillard, de M. de Sainte-Marie, \Ăčce-consul de France Ă  Acapulco, et d'autres Français, dont M. Derbec. M. Richardson, s'avançant vers le consul, posa la main sur son bras, et lui dit "Je vous an-ĂȘte au nom des Etats- Unis." Puis, exhibant l'ordre de comparution, il ajouta "Je vous amĂšnerai devant la Cour, mort ou vivant." AprĂšs avoir protestĂ© de vive voix contre cette viola- tion du droit des gens et des traitĂ©s, M. Dillon suivit tran- quillement le marshal et ses aides. La nouvelle de cette arrestation se rĂ©pandit en ville avec la rapiditĂ© de l'Ă©clair. Des attroupements se formĂš- rent aussitĂŽt dans la rue Jackson, aux abords du consulat. Un millier de Français Ă©taient lĂ , prĂȘts Ă  porter secours au reprĂ©sentant officiel de leur pays.i soin . . , tre en ligne contre toute attaque Ă©trangĂšre LE PROCÈS DES CONSULS. 151 AmenĂ© devant la cour, M. Dillon remit au juge, aprĂšs en avoir donnĂ© lecture Ă  haute voix, une seconde protesta- tion. M. Hottman, toujours plein de courtoisie, prĂ©vint le consul qu'il pouvait se retirer; mais l'ordre d'arrestation fut maintenu. De retour chez lui, M. Dillon fit amener le pavillon national qui, depuis le matin, flottait sur la maison consu- laire. Il informa, en mOme temps, les autoritĂ©s amĂ©ricai- nes, qu'en attendant les ordres de son gouvernement, il continuerait Ă  suivre les intĂ©rĂȘts de ses nationaux en sa qualitĂ© de consul intĂ©rimaire du roi de Sardaigne. Les rĂ©sidents français, sans distinction de condition ou d'opinion politique, les proscrits du 2 dĂ©cembre aussi bien que les partisans les plus rĂ©solus de l'empire, Ă©taient una- nimes Ă  ap}»rouver la conduite du reprĂ©sentant de la, France. Le Messager et la Revue Californienne, deux feuil- les rĂ©publicaines, tenaient le mĂȘme langage que \ Echo du Pacifique, feuille conservatrice. Il ne manquait pas d'ail- leurs de bons Gaulois tout disposĂ©s Ă  manifester leurs sen- timents d'une façon plus Ă©nergique ; mais la sagesse prĂ©- valut. D'un autre cotĂ©, une foule d'AmĂ©i-icains et des plus notables, vinrent fĂ©liciter le consul de sa fermetĂ©. Baker, le plus Ă©loquent orateur qu'on ait entendu en Californie, se chargea spontanĂ©ment de sa dĂ©fense. Le cĂ©lĂšbre avocat, posa, devant la Cour, la question d'incompĂ©tence. Selon lui, il s'agissait de savoir laquelle devait primer, de la convention consulaire ou de la consti- tution des Etats-Unis? celle-ci exigeant l'Ă©galitĂ© de tous 152 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. devant la loi, celle-lĂ  accordant des immunitĂ©s paiticu- liĂšres au reprĂ©sentant d'une puissance Ă©trangĂšre. Le 27 avril, le juge Hoffman dĂ©cida qu'il ne pouvait y avoir d'iu- certitude Ă  cet Ă©gard, qu'aux termes de la convention qui confĂšre au consul de France les privilĂšges sacrĂ©s d'un am- bassadeur, il fallait le considĂ©rer comme ayant son domi- cile en France et, par consĂ©quent, comme non-justiciable des tribunaux amĂ©ricains. L'affaire Ă©tait donc terminĂ©e, en ce qui concernait M. Dillon. Quant Ă  M. del A^alle, la cour le dĂ©clara le lendemain, 28 avril, coupable d'avoir fait, sur le territoire des Etats- Unis, des enrĂŽlements d'hommes pour le compte d'une puissance Ă©trangĂšre. Toutefois en le condamnant, le jury le recommanda Ă  la clĂ©mence de la cour qui diffĂ©ra de rendre son arrĂȘt. C'Ă©tait presque un acquittement. L'incident semblait vidĂ©. Malheureusement les Ri- chardson, les Inge et les Wool qui menaient toute cette affaire et qui l'avaient provoquĂ©e dans Tespoir de surexci- ter le chauvinisme amĂ©ricain et de l'exploiter, au profit de leurs visĂ©es politiques personnelles, ne se tinrent pas pour En effet, ils firent si bien que le 15 mai, M. Dillon se \TLt mettre en Ă©tat d'arrestation, cette fois, comme complice de ]M. Del Valle. Deux nĂ©gociants français, ayant versĂ© pour lui une caution de $20,000, il fut provisoire- ment rendu Ă  la libertĂ©. L'instruction de ce second procĂšs, dans lequel le con- 1 WAUa et le Chronicle ne se gĂȘnaient pas pour accuser ouvertement le triumvirat nom- mĂ© yilu? haut, d'agir dans un intĂ©rĂȘt Ă©lectoral. Le gĂ©nĂ©ral aspirait Ă  la prĂ©sidence des Etats-Unis. LE PROCÈS DES CONSULS. 153 sul le France tigurait, non plus comme tĂ©moin, mais comme accusĂ©, commença le 23 mai. Le procureur de la RĂ©publique, M. Inge, lui reprocha d'avoir enrĂŽlĂ© deux Français, les nommĂ©s Gonin et Didier, pour le compte du 2ouvernement de Mexico, et d'avoir dĂ©livrĂ© des passeports Ă  ses compatriotes partis sur le Challenge. Comme argu- ment Ă  l'appui de la lĂ©galitĂ© de la poursuite, il dĂ©clara qu'il s'en prenait non pas au consul, mais Ă  M. Dillon, sĂ©- parant ainsi la personne de la fonction, qui rend la personne inviolable. Le 24, plusieurs tĂ©moins furent entendus, entre autres MM. Cliauviteau, Cavallier, Bossange, Bataillard, Hammond, Biesta, et les chefs de flibustiers amĂ©ricains^ "Walker et Watkins. Il rĂ©sultait des dĂ©positions en gĂ©nĂ©ral, que M. Dillon, bien loin d'avoir encouragĂ© ses compatriotes Ă  se joindre Ă  l'expĂ©dition, avait, au contraire, tout fait pour les en dĂ©- tourner, et que, s'il avait consenti Ă  leur dĂ©livrer des pas- seiorts, c'est qu'il ne pouvait lĂ©galement les leur refuser. ]\L Inge, dans son rĂ©quisitoire, se montra excessive- ment violent et agressif. Il traita M. del Valle de vieil imbĂ©cile, et M. Dillon, de personnage arrogant. Quant Ă  M. Foote, avocat de ce dernier, remarquable par l'exiguĂŻtĂ© de sa taille et par un tic nerveux qui lui contractait les traits du visage, M. luge l'appela singe. M. Foote, prompt comme la foudre, se dressa sur la pointe de ses pieds et lança un maĂźtre coup de poing au nez de son adversaire. On parvint Ă  sĂ©parer les deux combattants, et le juge, a]>rĂ©s leur avoir infligĂ© un blĂąme bien senti, les força Ă  se 154 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. faire de mutuelles excuses. De trĂšs bonne grĂące, M. Inge dĂ©clara qu'il n'avait nullement eu l'intention d'ofleuser son honorable ami. M. Foote, protesta, sur le mĂȘme ton, que lui, non plus, n'avait pas eu l'intention d'ĂȘtre dĂ©sa- grĂ©able Ă  son estimĂ© confrĂšre; et lĂ -dessus, ou se serra la main. AprĂšs les plaidoiries, le jury se retira dans la salle de ses rĂ©unions. Il y resta Ă  dĂ©libĂ©rer jusqu'Ă  minuit sans pou- voir se mettre d'accord. AussitĂŽt le ministĂšre public abandonna la poursuite, et le consul del Valle, bĂ©nĂ©ficiant de cette dĂ©cision, fut acquittĂ©. n La RĂ©paration. L'affaire, que nous venons de raconter, donna naturel- lement lieu Ă  un Ă©change de notes diplomatiques entre le cabinet de Paris et le gouvernement de Washington. Les nĂ©gociations aboutirent Ă  un rĂ©sultat satisfaisant pour les deux parties. Il fut convenu que le premier navire de guerre français, qui entrerait dans le port de San Fran- cisco, serait saluĂ© de vmgt-et-un coups de canon par les au- toritĂ©s fĂ©dĂ©rales. Le 30 dĂ©cembre 1855, la corvette française IJ Em- buscade, commandĂ©e par le capitaine de frĂ©gate Gizolme, vint mouiller, Ă  portĂ©e de canon, dans notre rade, nin loin LE PROCES DES CONSULS. 155 de la frĂ©gate des Etats-Unis V Indepciidence, commandĂ©e par le eommodore Mervine, reprĂ©sentant le gouvernement de Washington. A deux heures de l'aprĂšs-midi, le cĂ©rĂ©monial entre les deux navires eut lieu tel qu'il avait Ă©tĂ© rĂ©glĂ©. Au mĂȘme instant, le pavillon national fut arborĂ© au consulat d'oĂč il Ă©tait restĂ© absent pendant dix-huit mois. La popu- lation, prĂ©venue Ă  temps, s'Ă©tait massĂ©e rue Jackson, prĂšs de la maison consulaire, pour assister an relĂšvement du drapeau. ^ AussitĂŽt que les trois couleurs parurent, des hurrahs frĂ©nĂ©tiques retentirent, poussĂ©s par nos compa- triotes. Un grand nombre d'AmĂ©ricains distinguĂ©s, entre au- tres le juo-e Hofiman, vinrent fĂ©hciter le consul. Celui-ci, prononça un discours dans lequel il tĂ©moigna sa vive satis- faction de l'arrangement, si honorable pour tous, qui venait de rĂ©tablir les bonnes relations d'amitiĂ©, entre la France et les Etats-Unis. Puis, il exhorta ses compatriotes, non- seulement Ă  jeter le voile de l'oubh sur l'incident si heu- reusement vidĂ©; mais Ă  reconnaĂźtre cordialement l'hospi- talitĂ© que la grande rĂ©publique amĂ©ricaine leur accordait avec tant de gĂ©nĂ©rositĂ©. La musique joua ensuite les airs nationaux des deux pays et la fĂȘte se termina par une brillante rĂ©ception au consulat. 11— Deux ioveus iiiulois, anrUns tnrabours de l'arraco, parcoururent los rues, battant le rappel Ă  la grando stupĂ©faction aos AmĂ©ricains qui n y coiupronaient 156 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. La Prise de SĂ©bastopol, a San Francisco. Pendant la campagne de CrimĂ©e les sympathies amĂ©- ricaines, Ă  quelques rares exceptions prĂšs, se manifestaient hautement pour le czar et les Moscovites. A cette occasion, la presse locale avait montĂ© aux Français une vĂ©ritable scie. Pendant prĂšs d'une annĂ©e, elle imprimait en tĂȘte de ses dĂ©pĂȘches, ces mots en gros carac- tĂšres SĂ©bastopol noi iakcn yetJ^^ Ce sempiternel clichĂ© avait un air narquois qui donnait affreusement sur les nerfs de nos compatriotes. C'Ă©tait, chaque matin et chaque soir que paraissaient les journaux, la mĂȘme horripilante agacerie. Aussi la nouvelle arrivĂ©e Ă  San Francisco, — 51 jours aprĂšs l'Ă©vĂ©nement, 2 — de la prise de la fameuse tour de Malakofi', fut-elle accueillie i»ar notre colonie avec une joie indicible. Une rĂ©union gĂ©nĂ©rale des Français, des Anglais, et des Sardes, rĂ©sidant Ă  San Francisco, eut lieu aussitĂŽt Ă  Mu- sical liall. On y nomma un comitĂ© pour chaque nationalitĂ©, afin d'organiser de concert une grande fĂȘte en llionneur du succĂšs des alliĂ©s. Le comitĂ© français Ă©tait prĂ©sidĂ© par M. G. Touchard. Le programme auquel on s'arrĂȘta, comprenait un Te Deuni, une salve de 101 coups de canon et un banquet. On 1 — SĂ©bastopol n'est ras encore pris. 2 — SĂ©bastopol fut pris le 8 septembre. LA PRISE DE SÉBASTOPOL. 157 dĂ©cida, en outre, d'ouvrir une souscription pour venir eu iiide aux familles des soldats tuĂ©s en CrimĂ©e. D Plusieurs Allemands, Polonais, Belges, Suisses et un grand nombre d'AmĂ©ricains, — le maire, des juges, des avocats, des membres de la presse — demandĂšrent Ă  sous- crire et Ă  prendre part Ă  la solennitĂ©. La fĂȘte fut fixĂ©e au 26 novembre. A cet effet, on Ă©leva Ă  South Park, un pavillon immense en toile, capable de contenir 3000 convives. Au jour dĂ©signĂ©, Ă  dix heures du matin, les Français, les Anglais et les Italiens, rĂ©unis au point de jonction des rues Market et Seconde, se mirent en marche vers le pa- villon dans le plus grand ordre, au bruit d'une salve d'ar- tillerie, musique en tOte et drapeaux dĂ©ployĂ©s. A l'arrivĂ©e du cortĂšge, un chƓur composĂ© de 200 voix et accompagnĂ© d'un puissant orchestre, chanta suc- cessivement les airs nationaux des alliĂ©s ainsi que llail Columbia. Vers midi, l'abbĂ© Blaive, curĂ© français de San Francisco, entonna le Te Dciun, puis prononça un discours empreint des sentiments les plus patriotiues. En ter- minant, il fit un chaleureux appel Ă  ses auditeurs en fa- veur de la construction d'une Ă©glise purement française qu'il iroposa de jilacer sous l'invocation de notre Dame des Victoires, en souvenir des glorieux faits d'armes ac- complis par nos soldats, A une lieure, ciiacun irit }lae au b;npiet. En fait Uf — La souscription produisit 5,478 francs. 158 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. de menu, on remarquait une pĂątisserie de 15 pieds de liaut, reprĂ©sentant la tour Malakoff, qui servait de pendant Ă  un bƓuf rĂŽti en entier, dĂ©corĂ© de verdure et ayant les cornes dorĂ©es. Tout alla bien pendant la premic're partie du repas. Les discours et les toasts se succĂ©daient au milieu de l'en- thousiasme gĂ©nĂ©ral, lorsque la salle fut peu Ă  peu envahie par une masse confuse d'Ă©trangers, hommes, femmes et enfants. D'abord les intrus gardĂšrent une attitude assez rĂ©- servĂ©e, mais, s' enhardissant, ils prirent d'assaut la table, firent main basse sur les mets et les liquides, et lancĂšrent force injures Ă  ceux qui trouvaient mauvaise cette façon d'adr. Un incident mit le comble au dĂ©sordre des Fran- çais, des Anglais, et des Italiens s'efforçaient de hisser leurs drapeaux sur la tour de pĂątisserie, les intrus voulurent aussitĂŽt y mĂȘler le drapeau amĂ©ricain. De lĂ , lutte acharnĂ©e qui se continua jusque sur le sommet de la tente. Enfin, aprĂšs avoir pillĂ© vins, biĂšre, liqueurs, four- chettes et couteaux, et aprĂšs avoir brisĂ© ce qu'ils ne pou- vaient emporter, les envahisseurs se retirĂšrent satisfaits. Et la police ? Rappelons-nous qu'Ă  cette Ă©poque l'administration de San Francisco Ă©tait aux mains des amis de Cora et de Casey. VĂ©ritable Ă©curie d'Augias, il fallut la main d'Her- cule du peuple honnĂȘte, organisĂ© quelques mois plus tard en ComitĂ© de Vigilance, pour la nettoyer Ă  coups de pendaisons et de bannissements. l'Ă©glise de notre dame des victoires. 159 l'endaut que ces faits se passaient Ă  South Park, une contre-manifestation se formait rue Montgomery. Environ cinq cents AmĂ©ricains, prĂ©cĂ©dĂ©s d'un drapeau moscovite uni -X un drapeau Ă©toile, se dirigĂšrent vers le consulat de Russie. Le consul les reçut du haut de son balcon. ISTe parlant pas l'anglais, il chargea son fils, jeune garçon d'une douzaine d'annĂ©es, de les remercier, en son nom, de leur manifestation bienveillante. Deux AmĂ©ricains prirent aussi la parole pour exprimer leurs sympathies. AprĂšs cet Ă©chan- ge de sentiments, chacun se retira. L'Église Française de Notre Dame des Victoires. On se rappelle que, dĂšs 1850, les catholiques français, italiens et espagnols se rĂ©unissaient, pour cĂ©lĂ©brer leur culte, dans une toute petite Ă©glise en bois, situĂ©e rue Val- lejo. Plus tard, les Français allaient entendre la messe Ă  la cathĂ©drale S^^-Marie, au coin des rue^^ Dupont et Cali- f or ni a. Le 2 novembre 1855, M. l'abbĂ© Dominique Blaive, curĂ© Ă  Stockton, fut nommĂ© Ă  San Francisco par l'arche- vĂȘque Alemany. DĂ©sirant doter ses ouailles d'un temple qui leur appartĂźnt en propre, il saisit, comme nous l'avons dit, l'occasion de la fĂȘte de SĂ©bastopol pour attirer l'atten- tion de nos compatriotes sur cette question. Le 9 avril IQQ LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. 1856, il acheta Ă  crĂ©dit, moyeunant quinze mille dollars, l'Ă©glise de la rue Bush, qui avait servi de temple aux Ana- baptistes, et il la dĂ©dia, le 4 mai suivant, en grande pompe, au culte catholique. On ouvrit des souscriptions, on orga- nisa des foires et des concerts pour payer le prix d'achat; mais les ressources, ainsi obtenues, suffirent tout au plus Ă  faire face aux dĂ©penses courantes. GrĂące Ă  la haute inter- vention de l'archevĂȘque, la banque Hibernia avança la somme nĂ©cessaire. L'abbĂ© Blaive mourut le 30 septembre 1862, laissant rĂ©ghse grevĂ©e d'une dette de $15,503. Son successeur, l'abbĂ© Mohnier, Ă  force de sacrifices personnels, parvint non- seulement Ă  Ă©teindre cette dette, mais Ă  acheter un orgue, Ă  faire construire une chaire et Ă  meubler le temple. M. l'abbĂ© Robert est aujourd'hui le curĂ© de l'Ă©glise de Notre Dame des Victoires. L'Affaire Limantour. Les anciens Cahforniens-mexicains, peu faits Ă  un rĂ©gime lĂ©gal, d'un laisser-aller inouĂŻ en toutes choses, et d'ailleurs Ă  mille heues de soupçonner le changement que l'avenir rĂ©servait k leur pays, nĂ©ghgeaient souvent de faire dĂ©finir leurs droits de propriĂ©tĂ© par des titres en rĂ©gie. En 1851, les AmĂ©ricains, Ă©tant en pleine possession l'affaire limantour. 161 de la Californie, mie commission, dite des terres, fut ins- tituĂ©e par un acte du congrĂšs. Cette commission Ă©tait chargĂ©e de vĂ©rifier les titres des concessions mexicaines, mais sans pouvoir statuer d'une maniĂšre dĂ©finitive. La loi Ă©tablissait un droit d'appel de ses dĂ©cisions Ă  la cour du district, et, en dernier ressort, Ă  la cour suprĂȘme des Etats- Unis. Il arrivait parfois que des dĂ©tenteurs de titres mexi- cains ne venaient rĂ©clamer leurs propriĂ©tĂ©s que bien des annĂ©es plus tard, alors que ces propriĂ©tĂ©s avaient plusieurs fois changĂ© de main. Cet Ă©tat de choses donnait lieu Ă  des aventures surprenantes tĂ©moin l'afiaire Limantour. Ancien capitaine au long cours, ancien armurier Ă  ^lexico, mais nĂ© en France, Joseph- Yves Limantour se trouvait, en 1843, pour affaires Ă  San Francisco, oĂč il se rencontra avec ]\L Duflot de Mofras.i Celui-ci, ayant conçu une haute o[iinion de l'avenir commercial et politique de rOrĂ©gon et de la Californie, engagea vivement Limantour Ă  solliciter du gouverneur Michel Torreno, une concession de terres Ă  Yerba Buena. En considĂ©ration d'une somme de 4,000 dollars environ, que Limantour avait avancĂ©e poui- les besoins dii gouvernement californien, il obtint une conces- sion de prĂšs de quatre lieues carrĂ©es, comprenant le quart de la superficie actuelle de la ville de San Francisco, les Ăźles d'Alcatraz et de Yerba Buena, tout le groupe des Farallones, plus cent lieues carrĂ©es dans diverses parties de l'Etat. 1 — Voir page 8. 262 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. VoilĂ , du moins, ce que Limantour vint dĂ©clarer dix ans plus tard, en 1853, Ă  la commission des terres, prĂ©sen- tant Ă  l'appui, des titres qui paraissaient parfaitement rĂ©guliers, et des tĂ©moignages Ă©manĂ©s d'anciens hauts fonc- tionnaires du Mexique. Ces rĂ©clamations furent d'abord accueillies avec indif- fĂ©rence par le public de San Francisco ; mais lorsqu'on apprit que le gĂ©nĂ©ral James Wilson, avocat de Limantour, paraissait pleinement convaincu de la lĂ©gitimitĂ© de ses prĂ©tentions, la plus vive inquiĂ©tude s'empara des esprits, et particuliĂšrement des occupants des terrains rĂ©clamĂ©s. Quelques-uns parmi ces derniers consentirent Ă  transiger avec Limantour qui, dit-on, reçut, de ce chef, environ $60,000. Mais l'agitation fut Ă  son comble quand la Com- mission des terres rendit un arrĂȘt confirmant les rĂ©clama- tions de notre compatriote. Les autoritĂ©s fĂ©dĂ©rales interjetĂšrent appel de la dĂ©ci- sion devant la cour de district ; et en 1858, le juge Hoff- man, saisi de l'affiiire, dĂ©clara les prĂ©tentions de Liman- tour non fondĂ©es et ses titres fabriquĂ©s longtemps aprĂšs l'acquisition de la Californie par les Etats-Unis. Cette nou- velle dĂ©cision trancha dĂ©finitivement la question et^ mit fin Ă  la crise immobiliĂšre que le procĂšs avait provoquĂ©e. Faits Divers. Les quelques faits dĂ©tachĂ©s qui suivent et que uous uotons Ă  leurs dates respectives, dous semblent devoir intĂ©- resser le lecteur. DÉCEMBRE 1852 — Le consul Dillon donne au com- mandant de la PĂ©nĂ©lope, na\Tre de guerre français mouillĂ© en rade, un banquet auquel il convie les autoritĂ©s et plu- sieurs citoyens notables de la ville. Ce banquet coĂŻncide avec la nouvelle du sĂ©natus-consulte qui rĂ©tablissait l'em- pire en France. Janvier 1853 — La municipalitĂ© de San Francisco, rend au consul sa politesse. Elle lui offre, Ă  son tour, un banquet et y invite quelques-uns des principaux rĂ©sidents français. La chambre des reprĂ©sentants de Californie infli- ge un blĂąme au conseil municipal pour cette manifestation impĂ©rialiste ; mais le SĂ©nat refuse de s'associer Ă  ce vote. FÉVRIER 1853 — M. Huerne est chargĂ© de la construc- tion des docks de ĂźTortli Point et emploie pour ces tra- vaux 150 Français et 50 Irlandais. FÉVRIER 1855 — Plusieurs Français de San Francisco forment une sociĂ©tĂ©, dite Franco-amĂ©ricaine, ayant pour but la colonisation de la Nouvelle-CalĂ©donie qui venait d'ĂȘtre acquise par la France. Directeur de la compagnie M. Ai'- taud; secrĂ©taire M. E. SĂ©bire jeune. Il n'est pas donnĂ© de suite Ă  ce projet. 164 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Mai 1855 — Le neveu du gĂ©uĂ©-ral mexicaiu Alvarez qui s'Ă©tait prouoneĂ© contre le prĂ©sident Santa Anna, arrive Ă  San Francisco pour y recruter des partisans. Ăź^os compa- triotes montrent peu de goĂ»t pour de nouvelles expĂ©ditions de ce genre. Cependant, quelques mois plus tard, un nommĂ© Zer- man, de nationalitĂ© inconnue, trouve Ă  enrĂŽler Ă  San Francisco, pour la cause d'Alvarez, une cinquantaine d'hommes, dont 20 Français. Ils s'embarquent sur V Archi- bald Garde, pour Acapulco. 17 Janvier 1856 — ArrivĂ©e, comme chancelier du consulat de France, en remplacement de M. BĂątai 1 lard, de M. A. Forest, nommĂ© plus tard consul Ă  San Francisco. 16 DÉCEMBRE 1856 — ArrivĂ©e de M. Gautier, consul de France. Il remplace M. Dillon nommĂ© consul-gĂ©nĂ©ral et chargĂ© d'Aflaires de France Ă  Port-au-Prince HaĂŻti. Le mĂȘme jour, un banquet prĂ©sidĂ© par M. J. Mora Moss, est donnĂ© au consul partant, par un certain nombre de citoyens amĂ©ricains et irlandais. Parmi les assistasts on remarque le juge Iloffman, l' avocat-gĂ©nĂ©ral Inge, les sĂ©na- teurs Gwiu et Broderick, etc. 1858 — La nouvelle de l'attentat d'Orsini, connue Ă  San Francisco le 27 fĂ©vrier 1858, y cause une grande sen- sation. Un certain nombre de Français se rĂ©unissent au consulat pour rĂ©diger une adresse dans laquelle ils protes- tent de leur dĂ©vouement Ă  l'empereur. D'un autre cĂŽtĂ©, on fait circuler en ville, parmi les rĂ©publicains français, une adresse de protestation destinĂ©e au peuple de Paris. FAITS DIVERS. 165 Juin 1859 — Le vice-consulat de Monterey est trans- fĂ©rĂ© 'X Los Angeles, oĂč une population française agricole importante commence Ă  se former. 1859 — Ouverture d'un grand chantier pour le dĂ©boi- sement et le percement des rues de cette partie de la ville, connue sous le nom de Haycs Valley, et qui appartenait Ă  MM. Pioche, Bayerque et C'' . Ce grand travail est confiĂ© Ă  M. Huerne qui emploie 500 ouvriers terrassiers dont 200 Français. Construction, pai- la mĂȘme maison, du premier che- min de for urbain Ă  vapeur dans la rue Market, Ă  San Francico, allant de la baie, au lieu appelĂ© Les WĂŻllows Mission DolorĂšs. M. Huerne est nommĂ© directeur et aide-surintendant de ce travail. Presque tous les employĂ©s de ce chemin de fer sont des Français. 1861 — M. le consul Gautier part en congĂ©, le 20 avril pour ne plus revenir, laissant la gĂ©rance Ă  M. Forest. — La guerre de sĂ©cession produit une grande crise industrielle en Europe, et notamment en France. Les fabriques, privĂ©es de leurs provisions de coton, chĂŽ- ment, et les ouvriers se trouvent dans une dĂ©tresse pro- fonde. De toutes parts des secours leur sont adressĂ©s. A San Francisco, un comitĂ©, composĂ© de MM. A. Fovest, prĂ©- sident; A. Cazelli, trĂ©sorier et Philippe G. SabatiĂ©, secrĂ©- taire, ouvre une souscription parmi les Français de Cali- fornie et recueille 71,206 francs. 1804 — ArrivĂ©e du jeune et cĂ©lĂšbre violoniste Paul IQQ LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Julien. Il donne une sĂ©rie de concerts trĂšs sui\ns Ă  San Francisco et fait ensuite une tournĂ©e dans les localitĂ©s de l'intĂ©rieur. A son retour en ville, il donne une rĂ©prĂ©senta- tion d'adieux, le 27 octobre, pour les dĂ©buts du violoniste ThĂ©ophile l'ianel, ĂągĂ© de huit ans. 13 FÉVRIER 1869 — Mort de M. de Cazotte, consul. Les Français lui font des funĂ©railles magnifiques, aux- quelles assistent les divers consuls, les autoritĂ©s de la ville et des citoyens de toutes nationalitĂ©s; mais nos compatrio- tes font mieux encore, ils ofirent Ă  la veuve et aux orphe- hns que M. de Cazotte laisse dans la pauvretĂ©, une bourse de cent mille francs. 1869 — M. E. Rondel, lapidaire français Ă  San Fran- cisco, rĂ©alise sur l'avis de M. Huerne, une idĂ©e de M. Pio- che. Il achĂšte le terrain de l'ancien Tivoli, rue SeiziĂšme, Ă  la Mission, et y fait construire un groupe de 23 maisons formant ce qu'on a appelĂ© "Rondel Place". C'est la pre- miĂšre application, faite Ă  San Francisco, du systĂšme de HomesteacU. On sait que ce systĂšme permet aux locataires d'une maison d'eu devenir propriĂ©taires en payant d'abord une certaine somme, et puis tant par mois, pendant un nombre d'annĂ©es dĂ©terminĂ©. QUATRIÈME PARTIE Associations Françaises. SociĂ©tĂ©s Françaises de Bienfaisance Mutuelle Ă  San Francisco, Ă  Moke- lumnt- Hill et Ă  Los Angeles — Compagnie Lafayette des LcheUes^et Crochets N° 2 — Maison d'Asile — SociĂ©tĂ© de Rapatriement — SociĂ©tĂ© de Secours — SociĂ©tĂ© de Bienfaisance des Dames Françaises -SociĂ©tĂ©s Fraternelles et secrĂštes — Compagnies Militaires — SociĂ©tĂ©s Chorales et Artistiques — Caisse d'Epargnes — Cercles Français a San Fran- cisco, Ă  San JosĂ© et Ă  Los Angeles. SociĂ©tĂ© Française de Bienfaisance Mutuelle A San Francisco. Parmi les nouveaux dĂ©barquĂ©s, se trouvaient des mal- heureux que les maladies ou les rudes Ă©prouves d'une lou- gue traversĂ©e avaient rendus incapables de tout travail immĂ©diat. D'autres revenaient des mines, rongĂ©s par les liĂšvres, rĂ©duits au plus triste dĂ©nĂ»ment, sans parents ni amis. En prĂ©sence de tant de misĂšre et de soufirance, un certain nombre de nos compatriotes de San Francisco s'Ă©taient concertĂ©s, dĂšs les premiers mois de 1851, pour Ă©tablir une SociĂ©tĂ© de Secours. Les terribles conflagra- 168 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. tious des mois de mai et de juin remirent tout en question. Mais sitĂŽt la ville reconstruite, on pourr>uivit l'Ɠuvre avec la plus grande ardeur. Un premier appel respirant les sentiments les plus patriotiques, fut publiĂ© Ă  cet effet le 9 dĂ©cembre 1851, par M. Derbec, dans le Daily Evening Picayune. Le lendemain, M. EugĂšne Delessert, banquier, envoya au journal une let- tre d'adhĂ©sion, mettant en mĂȘme temps Ă  la disposition de ses compatriotes ses bureaux, pour y tenir une assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale. Le 12, le Picayune publia une lettre collective d'adhĂ©- sion trĂšs chaleureuse, signĂ©e des noms suivants Th. Lafargue, Th. Dufau et G"", J. L. Cacheux, J. Pinet, J. Gardet, Ed. ChaĂźne, BarrĂšre, S. Martin, E. Daugny, Ch. Daugny, Pioche, Bayerque et Ci, C. FĂ©hue, I'. Maury, J. Chauviteau, C. Martin, ThĂ©od. Brou, L. Galley, Brillant, Dr. d'Heirry, Du Jay de Rosay, A. Cobb, Wm. Chau\Tin, Em. Grisar, A. Magne, Maubec, Dehagre, L. Hermaun, A. Gaume, Eug. Delessert. Le dimanche, 14 dĂ©cembre, la premiĂšre rĂ©union eut lieu. Plusieurs centaines de nos compatriotes y assistĂšrent. Elle Ă©tait prĂ©sidĂ©e par M. Dillon, consul de France. On nomma un comitĂ© provisoire, composĂ© ainsi M. l'Ă©vĂȘque de Californie, prĂ©sident honoraire; le con- sul, prĂ©sident; Mathey, vice-prĂ©sident; EugĂšne Delessert, trĂ©sorier; Cavillard et Derbec, secrĂ©taires. Commissaires MM. Gardet, Ch. Daugny, BarrĂšre, Ch. Barroilhet, Gal- ley, Bazin, De Massey, Gautier. ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 169 Une souscription ouverte, sĂ©ance tenante, produisit ^1,264. Le consul s'inscrivit pour 500," M. Delessert pour $200, MM. Mathej et Chauviteau chacun pour 100, et M. Derbec pour 50. Le comitĂ© irovisoire, chargĂ© de faire circuler des listes parmi les rĂ©sidents français, devait aussi prĂ©parer un projet de statuts Ă  soumettre Ă  l'adoption des sociĂ©taires. La deuxiĂšme rĂ©union eut lieu, le 21 dĂ©cembre, au Bazar Belge. Les statuts, adoptĂ©s aprĂšs discussion, compre- naient 18 articles, dont voici les principaux "Art. L — La SociĂ©tĂ© est instituĂ©e dans un but de bienfaisance." "Art. IL — Tout individu. Français ou Ă©tranger rĂ©- sidant en Californie, est admis Ă  en faire partie." Le droit d'admission et la cotisation n'Ă©taient pas fixĂ©s Ă  un chiffre uniforme, chacun pouvait se taxer selon ses moyens et sa gĂ©nĂ©rositĂ©. L'Article 7 contenait l'idĂ©e-mĂšre de l'association et la formulait ainsi "Pourvoir aux besoins des malades, venir en aide aux Français privĂ©s de ressources, de mĂȘme qu'aux citoyens des autres nationalitĂ©s, qui seraient so- ciĂ©taires, subvenir aux frais de sĂ©pulture. Le Dr. d'OleivĂ©ra fit Ă  l'assemblĂ©e l'ofĂźre gĂ©nĂ©reuse de recevoir chez lui et de traiter gratuitement les Français pauvres, jusqu'Ă  l'Ă©poque de l'organisation dĂ©finitive de l'Ɠuvre. Les docteurs Le BĂątard, Huard, d'Heirry et DĂ©- I — Au nom du gouvernement, et dans l'intĂ©rĂȘt des Immigrants nĂ©cessiteux de la SoclolĂ© du Lingot d'Or. 170 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. pierris se mirent Ă  la disposition du comitĂ© avec le mĂȘme dĂ©sintĂ©ressement. DĂšs la seconde assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale, deux tendances sinon opposĂ©es, du moins divergentes, se manifestĂšrent parmi les adhĂ©rents. Les promoteurs de la SociĂ©tĂ©, hom- mes Ă©tablis et animĂ©s de sentiments trĂšs nobles, avaient en vue une Ɠuvre philanthropique, au ijrofit de nos compa- triotes malades sans ressources mais les travailleurs, qui se trouvaient ĂȘtre en majoritĂ©, dĂ©cidĂšrent qu'elle viendrait aussi en aide aux hommes valides dans le besoin. Ils tirent plus ils adoptĂšrent, ce jour-lĂ  mĂȘme, le principe de la mu- tuahtĂ©, apphquĂ©e aux Ă©trangers qui voulaient se faire ad- mettre comme membres de l'association. Cette idĂ©e de mutuahtĂ© se dĂ©veloppa, grandit peu Ă  peu dans les masses et ne tarda pas Ă  s'imposer, comme une nĂ©cessitĂ© inĂ©luc- table, comme une question de vie et de mort pour la nouvelle sociĂ©tĂ©, au comitĂ© lui-mĂȘme. La SociĂ©tĂ© naissante, eut Ă©galement Ă  lutter contre des difficultĂ©s d'un autre ordre, qui ne manquaient pas de gravitĂ©. La plupart des Français Ă©taient arrivĂ©s dans ce pays, avec les idĂ©es, les opinions, les tendances d'esprit, et, disons-le, avec les passions qui alors divisaient si pi'ofoudĂ©- ment le peuple en France. On trouve dans un article du Picat/unc, du 24 dĂ©cem- bre, la trace des prĂ©occupations causĂ©es par cet Ă©tat de choses. Le rĂ©dacteur y met nos compatriotes en garde "contre des tentatives faites pour introduire des questions ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 171 politiques qui n'eut point, dit-il, d'applications dans un pays oĂč nous vivons Ă  l'abri des lois Ă©trangĂšres." Il fallut plusieurs annĂ©es pour extirper, dĂ©finitivement, les germes de division créés par la question religieuse et la question politique. La premiĂšre de ces questions fut sus- citĂ©e par quelques membres qui dĂ©siraient placer des sƓurs de charitĂ© comme infirmiĂšres Ă  la maison de santĂ©, et ac- corder au clergĂ© des facilitĂ©s spĂ©ciales pour l'exercice de son influence spirituelle, dans l'intĂ©rieur de l'Établissement. Ces discussions atteignirent leur point culminant plus tard, lors de l'inauguration de la Maison de SautĂ©, Ă  la suite d'une proposition du comitĂ© tendant Ă  la faire bĂ©nir par le cm'Ă© de l'Ă©glise française. Le 28 dĂ©cembre, on nomma le premier comitĂ© dĂ©fini- tif. Il se composait de MM. Charles Barroilhet, prĂ©sident; Barr>'re et Daugny, vice-prĂ©sidents; Cavillard et PlantiĂ©, secrĂ©taires; EugĂšne Delessert, trĂ©sorier. Commissaires MM. Galley, Cobb, Mauiy, Steiller, Durand, Steph. Mar- tin, Lebatard, Gardet, Toussaint et D'OleivĂ©ra. En tout 16 membres. Le dernier nommĂ© remplissait en mĂȘme temps les fonctions de mĂ©decin traitant. Une autre remarque Ă  faire, c'est que pendant plu- sieurs annĂ©es, jiour des motifs divers, non indiquĂ©s dans les procĂšs verbaux, les dĂ©missions au sein du comitĂ© arri- vaient coup sur cou[, tantĂŽt isolĂ©es, tantĂŽt collectives. Les unes Ă©taient Ă©videmment causĂ©es par l'existence nomade de beaucoup de nos compatriotes, toujours Ă  la recherche d'une position meilleure; mais d'autres, en grand nombre, Ă©taient dues Ă  des divergences d'opinion. 172 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Dans la premiĂšre sĂ©ance du comitĂ© dĂ©finitif, le trĂ©- sorier annonça que le nombre des adhĂ©rents s'Ă©levait Ă  prĂšs de 300, et que le montant des souscriptions Ă©tait de $2,600 environ. Le 31 dĂ©cembre, le ComitĂ© fut solennement installĂ© par M. Dillon, qui, le jour mĂȘme, dĂ©clara tout prĂȘt pour recevoir les malades. L'hĂŽpital pro^Tsoire Ă©tait situĂ© rue Jackson, au coin nord-ouest de la rue Mason, tout j^rĂšs du consulat de France. Dans un appel, publiĂ© le 15 janvier, le comitĂ© se plaint de l'insuffisance des ressources fournies par les sous- criptions, et sollicite de la part de la population française un concours plus gĂ©nĂ©ral et plus actif. Une reprĂ©sentation dramatique produisit ^530, et un bal Ă  la Polka $616. M. Ch. Barroilhet, sur le point de par- tir pour la France, ofirit Ă  la sociĂ©tĂ© une somme de mille dollars. Mais ces contributions ne suffisaient pas \0\\v faire face aux besoins; aussi le comitĂ©, dans le but de sau- ver l'Ɠuvi-e, Ă  peine nĂ©e, qui lui Ă©tait confiĂ©e, prit-il, le 25 fĂ©vrier, la dĂ©cision suivante "A dater du 10 mars procliain, les Français malades ayant droit Ă  l'hĂŽpital amĂ©ricain. »' ne seront admis Ă  la Maison de SantĂ© qu'autant qu'ils auront souscrit, pour un mois an moins, une piastre par mois antĂ©rieurement Ă  leur maladie." En prenant cette mesure, le comitĂ© entrait rĂ©solument dans la voie de la mutualitĂ©, sans exclure toutefois la bieu- 1 — Les autoritĂ©s amĂ©ricaines avaient imposĂ© aux navires l'obligation, de pnyer, avant leur entrĂ©e en douane, une certaine somme, moyennant laquelle, les passagers Ă©taient admis gratuitement Ă  l'hĂŽpital de la ville, en cas de maladie. ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 173 f aisance proprement dite. Il y eut de nombreuses protes- tations parmi ceux qui, en souscrivant Ă  l'origine, n'enten- daient faire qu'acte de philanthrophie et de patriotisme. l*endant de nombreuses annĂ©es, des protestations du mĂȘme genre agitĂšrent la SociĂ©tĂ©; mais peu Ă  peu on se rendit Ă  l'Ă©vidence, et anjourd'liui tout le monde reconnaĂźt que c'est au principe de mutualitĂ© que l'Ɠuvre doit su durĂ©e et sa grande j^rospĂ©ritĂ©. M. D'OleivĂ©ra, qui av^ait la direction de la Maison de SautĂ©, recevait $2,50 par jour et par malade. SubsĂ©quem- ment, le prix fut rĂ©duit Ă  2. M. Ch. Barroilliet, en reconnaissance des services ren- dus [ar lui Ă  l'association, reçut du comitĂ© le titre de prĂ©- sident honoraire. M. EugĂšne Delessert fut Ă©lu Ă  sa place. Dans le cours du mois de mai 1852, on Ă©tablit des bu- reaux de correspondance dans les localitĂ©s de l'intĂ©rieur. M. D'OleivĂ©ra, ayant manifestĂ©, au mois d'aoĂ»t 1853, le dĂ©sir de rĂ©silier son contrat avec la SociĂ©tĂ©, le comitĂ© rĂ©- solut de faire construire une Maison de SantĂ©. 11 acheta, en consĂ©quence, un terrain, situĂ© au coin des rues Bush et Taylor, au prix de $2,500. M. Huerne, architecte, se char- gea, Ă  titre gracieux, de prĂ©senter un plan et un devis calculĂ©s sur un chittre de GO malades. Tour couvrir les dĂ©- ]enses, le comitĂ© lança une souscription qui produisit lot somme de 0,000 piastres. Le consul, M. Dillon s'inscrivit personnellement en tĂȘte pour $250, et ajouta $500 au nom de la SociĂ©tĂ© de la Loterie du Lingot d'Or. On peut voir encore dans la salle de rĂ©union du co- 174 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. mitĂ©, rue Jackson, la liste des souscripteurs, exposĂ©e dans un cadre. Le papier en est jauni par le tem[s et l'humi- ditĂ© et plusieurs noms sont devenus illisibles. La Maison de SantĂ© fut achevĂ©e vers la fin du mois de dĂ©cembre 1853. Les dĂ©penses de la bĂątisse s'Ă©levĂšrent Ă  $7,195. Le personnel de l'Ă©tablissement se composait d'un Ă©conome Ă  80 par mois, de deux infirmiers Ă  $45, et d'un cuisinier devant recevoir $50 le premier mois et $60 les mois suivants. Le Dr. Peyraudfut le premier Ă©conome. Celui-ci ayant bientĂŽt aprĂšs donnĂ© sa dĂ©mission, on nomma Ă  sa place M. Cavillard avec un traitement de $100. Les mĂ©decins Ă©lus fu- rent MM. Huard et Lebatard. Quant aux prix d'admission pour les malades, on les fixa Ă $2,50 par jour dans les salles communes, et Ă  $4,00 dans les chambres particuliĂšres. Les souscripteurs qui dĂ©siraient se faire traiter dans une cham- bre Ă  part payaient $2,00 par jour. Enfin, MM. Guichard et RiofĂŻrey offrirent de livrer les mĂ©dicaments Ă  raison de 25 cents par jour et i»ar ma- lade. DĂšs les premiers jours de l'installation de la Maison de SantĂ©, le comitĂ©, sur les plaintes des voisins, fut mis en demeure, de transfĂ©rer l'Ă©tablissement hors des limites de la ville. Il s'empressa d'adresser une pĂ©titition au maire et au conseil municipal, les priant de surseoir Ă  toute dĂ©cision Ă  cet Ă©gard. Comme la sociĂ©tĂ© restait devoir $4,750 sur l'hĂŽpital, ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 175 radministratioii contructa un emprunt de 3,000 Ă  2 pour ceut par mois, taux raisonnable pour cette Ă©poque. C'est clans l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale du 23 avril 1854, que les souscripteurs firent pour la premiĂšre fois, acte de sou- verainetĂ©, le comitĂ© ayant jusqu'alors exercĂ© des pouvoirs trĂšs Ă©tendus. Sur la proposition de M. Saveiron, l'association qui, dĂšs son origine, portait le nom de SociĂ©tĂ© Française de Bien- faisance, reçut celui de SociĂ©tĂ© Mutuelle et de Bienfaisance, qu'elle garda pendant une annĂ©e. Il est Ă  remarquer que cette nouvelle appellation ne faisait que consacrer la dĂ©cision prise par le comitĂ© le 25 fĂ©vrier prĂ©cĂ©dent. Elle indiquait que, tout en adoptant par- tiellement le principe de mutualitĂ©, la sociĂ©tĂ© continuait Ă  pratiquer la charitĂ©. En effet, si elle mettait certaines con- ditions Ă  l'admission des malades, elle n'en accordait pas moins ses secours aux malheureux, soit en les aidant Ă  vivre, soit en les envoyant aux mines, soit mĂȘme en les ra- patriant. Le bilan de la SociĂ©tĂ© accusait, au 10 mai 1854, un dĂ©ficit de $5, Afin d'amorf ‱ l;t dette, le comitĂ© dĂ©cida, le 24 mai, d'organiser une loterie, dont le principal lot Ă©tait une mai- son et un terrain situĂ©s rue Sutter, prĂšs de la rue Stockton. On Ă©mit 3,000 billets Ă  2 dollars. Le Itr Juin, nouvelles plaintes des voisins de la Mai- son de SantĂ©. Nouvelle j^Ă©tition du ComitĂ© qui, dans l'es- poir d'apaiser les rĂ©clamants, fit entourer l'hĂŽpital d'une clĂŽture eu planches de huit pieds de hauteui-. 176 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Le 24 aoĂ»t, M. D'Oleiv^Ă©ra fut Ă©lu mĂ©decin traitant en remplacement de M. Huard, et, le 26 octobre, ou nomma M. CrouĂ© Ă©conome. A l'AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale, tenue le 22 avril 1854 au théùtre Adelphi, et prĂ©sidĂ©e par le Dr. Gibelin du Py, le rapport annuel constata l'excellente situation de la SociĂ©tĂ©. Toute la dette Ă©tait payĂ©e, et il restait $ en caisse. 308 malades avaient Ă©tĂ© admis, pendant l'exercice, Ă  la Maison de SantĂ©, et 30 y Ă©taient en cours de traitement. Le rapport exposa ensuite que de nombreuses tentati- ves avaient Ă©tĂ© faites par le comitĂ© pour soulager gratuite- les malades privĂ©s de ressources; mais qu'Ă  raison de l'insuffisance des fonds mis Ă  sa disposition, il a dĂ» renon-, cer Ă  suivre cette voie et s'en tenir au principe de la mu- tualitĂ©. Cependant, ajoute le rapport, rien n'empĂȘche les personnes gĂ©nĂ©reuses d'offrir des dons Ă  la SociĂ©tĂ© et de constituer un fonds spĂ©cial de bienfaisance. C'est aprĂšs avoir entendu ce rapport que M. Boverat aĂźnĂ©, capitaine de la Compagnie Lafayette des Echelles et Crochets, proposa de changer le titre de la SociĂ©tĂ© en celui de SociĂ©tĂ© Française de Bienfaisance Mutuelle. La discussion de cette proposition renvoyĂ©e au diman- che suivant, 29 avril, fut des plus vives. Mise aux voix, elle fut adoptĂ©e Ă  une forte majoritĂ©. L'assemblĂ©e dĂ©cida ensuite d'accorder au mĂ©decin traitant une indemnitĂ© men- suelle de 60 dollars. M. Sidney V. Smith nommĂ©, le 13 juillet 1855, avocat de la SociĂ©tĂ©, se chargea, avec le plus grand dĂ©sintĂ©resse- ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 177 ment, du soin de la faire incorporer. Cette foraaalitĂ© eut lieu le 9 juin 1856. Afin de se conformer aux lois de l'Etat, le comitĂ© rĂ©duisit le nombre de ses membres de 16 Ă  15. Tant que la question de mutualitĂ© Ă©tait restĂ©e en sus- pens, elle avait Ă©tĂ© une cause de troubles et d'agitation au sein de la SociĂ©tĂ©. Quand elle fut rĂ©solue dans le sens affir- matif que nous avons indiquĂ©, les souscripteurs, Ă  part quel- ques exceptions, prirent aussitĂŽt un intĂ©rĂȘt plus vif, plus direct, plus personnel Ă  l'institution, devenue leur Ɠuvre propre, leur chose Ă  eux. Mais alors aussi surgirent des questions nouvelles qui, pendant des annĂ©es, divisĂšrent les membres de l'association, et qui aujourd'hui encore ne semblent pas avoir reçu de solution dĂ©finitive. Les voici Les mĂ©decins doivent^ils ĂȘtre nommĂ©s par le comitĂ©, ou directement par les sociĂ©taires ? Doivent-ils ĂȘtre munis d'un diplĂŽme ? Ce diplĂŽme doit-il ĂȘtre d'une FacultĂ© de France, exclusivement ?i Ces diffĂ©rents points furent soulevĂ©s et discutĂ©s avec la plus grande animation dans l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale du 4 mai 1857. T* 'c motion, faite pour enlever au comitĂ© le droit qu'il avait toujours exercĂ©, de nommer les mĂ©decins, fut rejetĂ©e. M. Dubourg, qui en Ă©tait l'auteur, demanda alors que les mĂ©decins fussent tenus de produire leur diplĂŽme de docteur d'une des FacultĂ©s de France. M. Seuilly, prĂ©sident, sans combattre cette nouvelle proposi- n — A cette Ă©poque, la loi califorDieDoe n'exigeait pas de diplĂŽme pour exercer la mĂ©de- cine. 178 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. tion, insista sur la convenance d'accorder aux mĂ©decins qui, par suite des accidents si nombreux dans ce pays, ne seraient plus en possession du document exigĂ©, un dĂ©lai de six mois pour se procurer un duplicata. La proposition, ainsi amendĂ©e, fut adoptĂ©e. Les deux mĂ©decins Ă©lus Ă©taient MM. D'OleivĂ©ra et Gibelin du Py. InvitĂ© par le nouveau comitĂ© Ă  dĂ©poser son diplĂŽme au secrĂ©tariat, M. du Py rĂ©pondit que celui qu'il avait obtenu, le 3 aoĂ»t 1847, Ă  Montpellier France, lui avait Ă©tĂ© volĂ© Ă  la suite d'un incendie, Ă  San Fran- cisco. Un dĂ©lai de six mois lui fut accordĂ© pour se mettre en rĂšgle. M. D'OleivĂ©ra, de son cĂŽtĂ©, dĂ©clara qu'il avait un diplĂŽme, et Ă  l'appui de son assertion, il envoya au comitĂ© plusieurs piĂšces attestant qu"il avait Ă©tĂ© chargĂ© par le gou- vernement français de missions scientifiques. Le comitĂ©, non satisfait de cette rĂ©ponse, nomma une commission chargĂ©e de se rendre auprĂšs du docteur, afin d'obtenir des renseignements prĂ©cis. AprĂšs une entrevue avec M. D'OleivĂ©ra, la commission prĂ©senta son rapport dans lequel elle aflarma avoir vu, de ses propres yeux, le diplĂŽme con- fĂ©rĂ© Ă  ce mĂ©decin par la FacultĂ© de Paris. Tout paraissait donc pour le mieux en ce qui concernait ce praticien. Au mois de dĂ©cembre suivant, M. Gibelin du Py don- na sa dĂ©mission, et M. D'OleivĂ©ra fut nommĂ© mĂ©decin en chef avec des appointements de 150 dollars par mois, Ă  la charge pour lui de faire le service intĂ©rieur de la Maison de SantĂ© et le service en ville. On nomma, eu mĂȘme ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 179 temps, lin mĂ©decin interne, M. Ignard Lachamois, avec un traitement de 60 dollars, et un mĂ©decin honoraire ou supplĂ©ant, M. Iluard. Dans l'intervalle, deux confrĂšres de M. D'OleivĂ©ra, Ă  San Francisco, ayant des doutes sur l'authenticitĂ© de son diplĂŽme, avaient Ă©crit Ă  Paris et reçu en rĂ©ponse une piĂšce officielle, attestant qu'il n'Ă©tait pas docteur en mĂ©de- cine, A l'arrivĂ©e de cette piĂšce, le comitĂ© pria de nouveau M. D'OleivĂ©ra de produire son diplĂŽme. Celui-ci, qui jouissait d'une grande popularitĂ© parmi les sociĂ©taires, s'en rĂ©fĂ©ra Ă  ses prĂ©cĂ©dentes dĂ©clarations et donna sa dĂ©mission. Aussi- tĂŽt plusieurs malades, informĂ©s de cette nouvelle, quittĂš- rent la Maison de SantĂ©, sans attendre leur guĂ©rison. Dans sa perplexitĂ©, le comitĂ© rĂ©solut de soumettre le cas Ă  ses commettants. L'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale eut lieu le 9 mai 1858. La ques- tion Ă  rĂ©gler souleva de longues et tumultueuses dis- discussions. MM. Malle, Boutin, Seuilly, Pons, le Dr. Morin, le Dr. DĂ©pierris, LĂ©on Chemin et enfin M. Nolf qui, Ă  cette occasion, faisait ses dĂ©buts comme orateur, l>rirent tour Ă  tour la parole. Les uns soutenaient avec force que l'article des statuts relatif au diplĂŽme devait ĂȘtre maintenu et respectĂ©, les autres en demandaient Ă  grands cris l'abrogation. Dans une im}rovisation vĂ©hĂ©mente, M. Nolf, exaltant le mĂ©rite de M. D'OleivĂ©ra comme mĂ©de- cin, s'Ă©cria tout-Ă -coup "Le diplĂŽme accordĂ© par l'opinion publique vaut bien celui d'une FacultĂ©!" 180 LES FRANÇAIS EN CALirORNIE. De guerre lasse, l'assemblĂ©e dĂ©cida lo Que les mĂ©decins de la SociĂ©tĂ© devaient ĂȘtre diplĂŽ- mĂ©s d'une des FacultĂ©s de France. 2" Que le service mĂ©- dical serait fait par deux mĂ©decins Ă©gaux eu titre et en appointements. 3" Qu'ils seraient nommĂ©s par les sociĂ©- taires, le\omitĂ© conservant toutefois le droit de les sus- pendre et mĂȘme de les rĂ©voquer, sauf Ă  faire ratifier sa dĂ©cision par une assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale. On attribua enfin Ă  l'administration le droit de fixer le chiffre du traitement Ă  allouer. En prenant la premiĂšre de ces dĂ©cisions, la majoritĂ© des sociĂ©taires paraissait convaincue que son docteur favori avait ses titres parfaitement en rĂšgle. Aussi fut-il réélu par 248 voix, tandis que le Dr. Depierris, qui s'Ă©tait Ă©nergiquement prononcĂ© en faveur du diplĂŽme, ne fut nommĂ© que par 98. Mais la SociĂ©tĂ© n'Ă©tait pas au bout de ses difiicultĂ©s. M. D'OleivĂ©ra, invitĂ© de rechef Ă  prĂ©senter son diplĂŽme, s'y refusa formellement, en disant qu'il l'avait dĂ©jĂ  soumis Ă  l'inspection de la commission nommĂ©e par le comitĂ©. Ce- lui-ci se vit dans la nĂ©cessitĂ© de convoquer une nouvelle assemblĂ©e, seule compĂ©tente pour trancher la question. Dans cette rĂ©union, qui eut lieu le 23 mai, on dĂ©cida tout d'abord que, par mesure de prudence, chaque assem- blĂ©e gĂ©nĂ©rale devait ĂȘtre dĂ©sormais prĂ©cĂ©dĂ©e d'une assem- blĂ©e prĂ©paratoire. On aborda ensuite la grande et brĂ»lante question qui provoqua les dĂ©bats les plus orageux, enveni- mĂ©e qu'elle Ă©tait par des compĂ©titions personnelles. ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 181 Deux propositions furent faites l'une par M. Vasse- ]iu qui, invoquant le principe de la souverainetĂ© de l'assem- blĂ©e en matiĂšre de rĂ©glementation, demanda que l'article des statuts relatif au diplĂŽme fut supprimĂ©. L'autre proposition, formulĂ©e par M. VĂ©nard dans un but de conciliation, tendait Ă exempter les mĂ©decins, ayant dĂ©jĂ  servi la SociĂ©tĂ©, de l'obligation de produire leurs titres. L'assemblĂ©e adopta la premiĂšre proposition par 150 oui contre 12G non, et nomma au poste de mĂ©decins trai- tants MM. D'OleivĂ©ra et le docteur DĂ©pierris. Celui-ci donna aussitĂŽt sa dĂ©mission ainsi que huit membres du comitĂ©. Le Dr. D'OleivĂ©ra, Ă©tant parti pour la France dans le courant de l'exercice, la question du diplĂŽme fut remise sur le tapis Ă  l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale du 8 mai 1859. MM. Nolf, Chemin et Thiele, tous trois douĂ©s d'une grande facilitĂ© de parole, se hvrĂšrent Ă  une joute oratoire trĂšs in- tĂ©ressante, mais souvent interrompue par des scĂšnes d'in- descriptible dĂ©sordre. La discussion n'aboutit Ă  aucun rĂ©sultat. Ăźl en fut de mĂȘme Ă  l'assemblĂ©e de 1860 ; mais en 1861, on rĂ©ussit Ă  rĂ©tablir l'article des statuts exigeant le dĂ©pĂŽt [trĂ©alable d'un d\ [AĂčmo français. En 186o, pour Ă©largir le cercle trop Ă©troit des candi- dats ]tuvant se prĂ©senter au poste de mĂ©decin de la SociĂ©tĂ©, ou modifia l'article en question, eu admettant comme valable tout diplĂŽme fane FacultĂ© reconnue, fran- çaise ou Ă©trangĂšre. 182 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Sur ces entrefaites, M. D'OleivĂ©ra Ă©tait revenu de son voyage, conservant toute sa popularitĂ©. Réélu avec M. Huard, il dĂ©clina de nouveau d'exhiber son diplĂŽme et dĂ©clara en mĂȘme temps que, dans aucun cas, il ne consen- tirait Ă  faire les visites Ă  domicile. On nomma M. Pey- raud Ă  sa place. Le 6 mai 1866, les sociĂ©taires donnĂšrent pleine satis- faction Ă  M. D'OleivĂ©ra, en statuant que les mĂ©decins qui avaient donnĂ© leurs soins Ă  la SociĂ©tĂ© pendant qne le ser- vice mĂ©dical Ă©tait gratuit, seraient dispensĂ©s de produire leurs titres. Réélu avec le Dr. Wernicki, il accepta cette fois ; mais alors suro-irent des difficultĂ©s d'un autre genre les deux mĂ©decins, comme cela arrivait assez souvent Ă  cette Ă©po- que, ne pouvaient s'entendre sur la direction du service mĂ©dical. Pour Ă©viter, Ă  l'avenir, ces tiraillements si prĂ©ju- diciables aux intĂ©rĂȘts de la SociĂ©tĂ©, le comitĂ© demanda, mais en vain, le droit d'Ă©lire lui-mĂȘme les mĂ©decins. Cette demande, ayant Ă©tĂ© renouvelĂ©e dans l'assem- blĂ©e de 1869, Ă  la suite d'un conflit qui s'Ă©tait Ă©levĂ© entre le comitĂ© d'une part, et les mĂ©decins traitants de l'autre, elle obtint enfin plein succĂšs. La mĂȘme assemblĂ©e dĂ©clara aussi le diplĂŽme français seul valable, et dĂ©cida la crĂ©ation d'un poste de mĂ©decin spĂ©cial pour les visites Ă  domicile. En 1872, on rĂ©duisit le nombre des titulaires Ă  deux ; ils devaient se partager le service Ă  la Maison de SautĂ© et celui de la ville. On fixa le traitement de chacun Ă  200 dollars par mois. ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 183 En 1874, nouveau changement. On reporta Ă  trois le nombre des mĂ©decins, dont deux attachĂ©s Ă  la Maison de SantĂ©, avec un traitement de 150 dollars jDar mois, et le troisiĂšme chargĂ© du service des malades en ville, aux appointements de 200 dollars. On dĂ©cida, en outre, que les mĂ©decins seraient de nouveau Ă©lus par les sociĂ©taires. Enfin, le 17 mars 1877, fut créé le poste de mĂ©decin oculiste avec 50 dollars par mois comme honoraires. Revenons maintenant de quelques annĂ©es en arriĂšre. Le ComitĂ©, nommĂ© en 1857, s'Ă©tait vivement prĂ©occu- pĂ© de la nĂ©cessitĂ© de doter la SociĂ©tĂ© d'une Maison de SantĂ© qui, par ses dimensions et ses amĂ©nagemen^s intĂ©- rieurs, fĂ»t en rapport avec l'importance acquise par l'insti- tution. Il convoqua, en consĂ©quence, les sociĂ©taires pour le 23 aoĂ»t. Dans le rapport qu'il avait prĂ©parĂ© sur lu ques- tion, il Ă©valuait les dĂ©penses Ă  25,000. Pour faire face Ă  ces dĂ©penses, la SociĂ©tĂ© possĂ©dait, en espĂšces, $5,500 et sa propriĂ©tĂ© de la rue Bush, estimĂ©e Ă  $3,000 soit un total de $8,500. Restait un Ă©cart de $17,000 ; mais comme il pouvait y avoir des dĂ©penses imprĂ©vues, le comitĂ© proposa de faire un emprunt de $20,000, et suggĂ©ra l'idĂ©e d'Ă©mettre 400 obligations de $50 chacune. iJ'ajircs ses calculs, on pou- vait espĂ©rer d'amortir la dette en moins de huit ans, grĂące Ă  l'excĂ©dant annuel des recettes sur les dĂ©penses. Le raiport Ă©tait signĂ© L. Galley, prĂ©sident — A. Xouguez et J. Caire, vice-prĂ©sidents — E. RĂ©bard, trĂ©so- rier — EugĂšne Thomas et L. MĂ©jasson, secrĂ©taires. X. 184 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Larco, A. E. SabatiĂ©, C. Roturier, A Nouzillet, G. MahĂ©, T. Pons, A. Barbier, T. Voisin et G. Berger, commissaires. L'assemblĂ©e se composait de 75 Ă  80 sociĂ©taires seu- lement. Comme elle ne pouvait se mettre d'accord sur cer- tains points, elle s'ajourna Ă  huitaine. Dans la nouvelle assemblĂ©e, on dĂ©cida Ă  l'unanimitĂ© d'Ă©mettre, au lieu de 400, 800 obligations, Ă  25 dollars chacune. M. Abel Guy consentit Ă  recueillir les fonds des souscripteurs. M. Huerne fut priĂ© de rĂ©diger un projet de cahier des charges pour l'adjudication des travaux de la nouvelle Maison. L'inauguration de l'hĂŽpital, situĂ© rue Bryant, eut heu avec beaucoup d'Ă©clat, le 15 mars 1858. Un incident, auquel nous avons dĂ©jĂ  fait allusion, faillit troubler la fĂȘte. Le comitĂ© avait dĂ©cidĂ© que l'abbĂ© Blaive serait invitĂ© Ă  venir bĂ©nir l'Ă©difice. Cette dĂ©cision provoqua de violentes discussions, et l'immense majoritĂ© s' Ă©tant prononcĂ©e con- tre toute ingĂ©rence d'un clergĂ© quelconque, le comitĂ© dut supprimer la cĂ©rĂ©monie rehgieuse. Le jour dĂ©signĂ©, les sociĂ©taires se rĂ©unirent Ă  midi, devant l'ancien Mechanics' Institute, situĂ© Ă  l'intersection des rues Montgomery et Market. LĂ , ils se mirent en ho-ne, musique et tambours en tĂȘte, sous la conduite du grand marslial A. Cobb et de ses aides, tous Ă  cheval et portant l'Ă©charpe tricolore en sautoir. DerriĂšre le corps de musique, venaient les autoritĂ©s de la ville, des dĂ©lĂ©guĂ©s de diverses sociĂ©tĂ©s et corporations, des officiers de 1 ar- ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 185 mĂ©e des Etats-Unis, les membres du comitĂ©, puis les sociĂ©- taires. A la suite de ces derniers se dĂ©roulait une longue tile de voitures occupĂ©es par les invitĂ©s. Le cortĂšge se mit en marche, au bruit de salves d'ar- tillerie. ArrivĂ© Ă  la Maison de SautĂ©, il y trouva une foule nombreuse de spectateurs. Le drapeau français flottait sur l'Ă©difice qui, bien que composĂ© seulement d'un rez-de- chaussĂ©e et d'un sous-bassement, prĂ©sentait nĂ©anmoins un aspect imposant pour cette Ă©poque oĂč les grandes cons- tructions Ă©taient encore rares en ville. Le prĂ©sident, M. Barbier, prononça une allocution dans laquelle il fit This- torique de la SociĂ©tĂ©, et ex}Osa les phases diverses, parfois critiques, par lesquelles elle avait eu Ă  passer. Le juge Free- lon prit Ă  son tour la parole en français, exprimant ses vives sympathies pour les grandes idĂ©es françaises qui unissent si intimement notre colonie au peujjle amĂ©ricain. Trois formidables hurrahs saluĂšrent son discours. Un accident grave attrista la fin de cette belle fĂȘte. Un des artilleurs, M. Pierre Manciet, fut blessĂ© par la dĂ©charge d'un des canons utilisĂ©s pour la circon- tance. L'amputation du bras droit fut jugĂ©e nĂ©cessaire. La Colonie française ouvrit une souscription en faveur du blessĂ©. La SociĂ©tĂ©, dĂ©sireuse de marquer sa reconnaissance Ă  M. Huerne pour ses services rendus, ajouta Ă  ses honoraires une indemnitĂ© de ^200. En outre, elle lui dĂ©cerna, Ă  l'una- nimitĂ©, le titre de membre Ă  vie, l'exemptant de toute cotisation mensuelle et mettant Ă  perpĂ©tuitĂ©, Ă  sa disposi- 186 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. tion, en cas de maladie, une chambre particuliĂšre dans la Maison hospitaliĂšre dont il avait fourni le plan.i C'est dans l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale, qui eut lieu aprĂšs l'inauguration, que le comitĂ©, afin de faire disparaĂźtre un Ă©eueil dangereux, adjura les sociĂ©taires de mettre en tĂȘte de leurs statuts, la dĂ©claration suivante 2'oute question religieuse ou 'politique, d'oĂč qu'elle sur- gisse, doit ĂȘtre absolument Ă©cartĂ©e de la SociĂ©tĂ©. Les frais de construction s'Ă©levĂšrent Ă  $17,534. Avec le terrain, les travaux d'installation, le service des eaux, les bains de vapeur, les salles de bains de barĂ©ge, les bains ordinaires, les moulins Ă  vent, le mobilier, etc., la totalitĂ© des dĂ©penses fut de $33, Le 13 aoĂ»t 1858, le comitĂ© dĂ©cida d'ouvrir une phar- macie dans le nouvel Ă©tablissement. Le 7 janvier 1859, la SociĂ©tĂ© de Bienfaisance Italienne demanda Ă  faire soigner ses malades Ă  la Maison de SantĂ© Française. L'arrangement, conclu entre les deux associa- tions, subsista jusqu'au mois de septembre 1861, Ă©poque Ă  laquelle la SociĂ©tĂ© Italienne confia ses malades Ă  l'Institut MĂ©dical du Dr. Rottanzi. Dans l'annĂ©e qui suivit la construction de l'HĂŽpital, le nombre des sociĂ©taires s'Ă©leva de 1300 Ă  1800, et le cliifire augmenta peu Ă  peu dans de telles proportions que. dans l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de 1868, M. Alex. Weill souleva la question de savoir s'il n'y avait pas avantage Ă  acheter un nouveau terrain, afin d'y faire construire une Î^Iaison de l — Nous voiuliions que la SociĂ©tĂ© accordĂąt le mĂȘme tĂ©moignage Ă  M. Deibec, qui a Ă©tĂ© le principal promoteur de cette belle institution. M. Derbec a Ă©tĂ© nomme depuis Chevalier de la LĂ©gion d'Honneur. ASSOCIATIONS FRANÇAISES. . 187 SantĂ© plus vaste, ainsi que l'Asile des Vieillards et des Invalides, dont la crĂ©ation avait Ă©tĂ© dĂ©cidĂ©e trois ans aupa- ravant. Le comitĂ©, Ă©lu en 1868, et prĂ©sidĂ© par L. G. Salomon, eut pour txielie d'Ă©tudier cette question. Sur l'avis de M. Huerne, il s'arrĂȘta Ă  l'idĂ©e de faire Ă©lever le bĂątiment d'un Ă©tage 22 juillet. La SociĂ©tĂ© possĂ©dait alors un capital liquide de $9, Po-ur faire face Ă  la situation, on fit un em[runt de $12,000 Ă  10 pour cent, payables dans quatre ans. Mais les dĂ©penses, s'Ă©levant Ă  $38, dĂ©passĂšrent de [beau- coup les prĂ©visions. C'est Ă  ce propos, que l'assemblĂ©e gĂ©- nĂ©rale du 9 mai 1869, adopta l'article suivant des statuts "Dans toutes les questions oĂč les intĂ©rĂȘts de la SociĂ©tĂ© ]iourront se trouver engagĂ©s, par une seule mesure, pour une somme excĂ©dant $10,000, le comitĂ© devra convoquer une assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale." Il n'y eut pas de cĂ©rĂ©monie solennelle aprĂšs l'achĂšve- ment des travaux fin avril 1869 ; mais le 10 mars 1870, le comitĂ© se rendit, en cor[S, Ă  la Maison de SantĂ©, oĂč Ion avait prĂ©parĂ© une surprise Ă  l'avocat de la SociĂ©tĂ©. M. Alex. Weill, prĂ©sident, lui prĂ©senta, au nom de l'Associa- tion, un diplĂŽme de membre Ă  vie et un magnifique ser- vice Ă  thĂ© en argenterie. Sur la piĂšce iirincipale se trouvait gravĂ©e cette inscri[tin TĂ©moignage d'estime et de reconnaiKsaiice, Offert a M. Sydney Smith PAK LA SociĂ©tĂ© Française de Bienfaisance Matiidle. SAN FRANCISCO, 12 FKVRIER 1870. 188 ‱ LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. L'annĂ©e fut exceptionnellement bonne les recettes dĂ©passĂšrent de $10, les dĂ©penses ordinaires, et le nombre des sociĂ©taires atteignit 8,887, dont 1,285 Ă©tran- gers. Le poĂšte Pierre Canwet, Ă  qui la SociĂ©tĂ© devait la rentrĂ©e d'une somme de 1, reliquat d'une affaire dite des Mineurs, fut nommĂ© membre Ă  vie, et l'infii-mier François Gavoille, qui s'Ă©tait distinguĂ© par son dĂ©vouement lorsque la petite vĂ©role sĂ©vissait Ă  la Maison de SantĂ©, reçut une mĂ©daille en or, au nom de l'Association. Retraite pour les Vieillards et les Invalides. C'est Ă  l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale du 5 mai 1861, que le comitĂ© sortant avait fait la proposition de fonder une Metraite pour les Vieillards et les Invalides, en accordant le droit d'admission Ă  la Maison de SantĂ©, Ă  tout membre de la SociĂ©tĂ©, nĂ© Français, ĂągĂ© de 60 ans et sociĂ©taire rĂ©gulier depuis dix ans sans interruption. La mesure pro- posĂ©e fut adoptĂ©e Ă  une grande majoritĂ©, et devait ĂȘtre appliquĂ©e Ă  partir du 1°' mai 1871. Mais les dĂ©penses, occasionnĂ©es par l'agrandissement de l'HĂŽpital, pesaient si lourdement sur la situation financiĂšre, que le comitĂ©, en 1870, crut devoir consulter M. Sydney Smitli sur la ques- tion de savoir si la SociĂ©tĂ© Ă©tait tenue d'exĂ©cuter les eno-a- gements qu'elle avait pris si tĂ©mĂ©rairement dix ans aupa- ravant. L'avocat rĂ©pondit que si les intĂ©rĂȘts gĂ©nĂ©raux de la SociĂ©tĂ© l'exigeaient, la majoritĂ© avait parfaitement le droit d'ajourner la mise en vigueur de l'article des statuts dont il s'agissait. ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 189 Les sociĂ©taires, appelĂ©s Ă  donner leur avis, nommĂšrent au mois de mai, une commission chargĂ©e d'Ă©tudier la question. Dans un rapport trĂšs dĂ©veloppĂ©, et publiĂ© le 10 juin 1870, la commission se prononça en faveur de la mise Ă  exĂ©cution de la mesure Ă  la date convenue ; mais en mĂȘme temps elle proposa de limiter les cas d'admission aux nĂ©cessiteux, et d'accroĂźtre les ressources par des appels de fonds ne pouvant dĂ©passer le chiffre de deux dollars par an et par sociĂ©taire. Les conclusions de ce rapport furent approuvĂ©es, aprĂšs une discussion prolongĂ©e, par l'as- semblĂ©e du 26 juin. Le comitĂ©, prĂ©sidĂ© par M. ISTolf, recula devant l'exĂ©- cution d'un pareil vote. Il convoqua de nouveau les sociĂ©- taires pour le 9 avril 1871. La question fut vivement dĂ©battue, Ă  des points de vue divers, par MM. Alex. Weill, Ansiglioui, Salomon, Landry, Toussaint, Joseph Aron, LemaĂźtre, PignĂ©-Dupuvtren, Xolf et Dewell. Enfin l'assem- llĂ©e se rallia Ă  la proposition suivante faite par M. Alex. AVeill _ "Le comitĂ© pourra admettre Ă  la Maison de SantĂ© un sociĂ©taire non-malade qui, par son Ăąge ou par la pi'ivation de l'usage de ses membres, se trouvera dans l'impossibilitĂ© de travailler. "Toute demande d'admission, comme vieillard ou invalide, devra ĂȘtre adressĂ©e au comitĂ© qui dĂ©libĂ©rera sur les deux questions suivantes "1° La situation de la SociĂ©tĂ© permet-elle l'admis- sion ? "2' Le iOstulant se trouve-t-il dans un Ă©tat qui justi- fie le comitĂ© de faire droit Ă  sa demande ? 190 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. "L'admission ne sera prononcĂ©e que par un vote de dix membres au moins du coinitĂ© rĂ©pondant affirmative- ment aux deux questions prĂ©citĂ©es." Cette lĂ©gislation est restĂ©e en vigueur jusqu'Ă  ce jour. Faits Divers. Il ne nous reste plus, pour complĂ©ter l'histoire de la SociĂ©tĂ© de Bienfaisance Mutuelle, qu'Ă  rĂ©sumej' quelques faits isolĂ©s. Mars 1858 — M. Bourquin oflre gratuitement ses soins comme dentiste. 30 NOVEMBRE 1861 — M. Pruvost est nommĂ© phar- macien Ă  la Maison de SantĂ©, en remplacement de M. Cheminant, dĂ©missionnaire. Mai 1862 — L'assemblĂ©e rĂ©duit Ă  $3 le prix rĂ©clamĂ© des malades non-sociĂ©taires, traitĂ©s en chambre particu- liĂšre, et Ă  $2 celui des malades non-sociĂ©taires, traitĂ©s dans les grandes salles. Bans la mĂȘme assemblĂ©e, il est dĂ©cidĂ© que les propo- sitions et amendements soumis Ă  la rĂ©union prĂ©paratoire doivent ĂȘtre renvoyĂ©s au comitĂ© chargĂ© de les examiner et d'en faire l'objet d'un rapport Ă  l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale. On rĂ©duit Ă©galement Ă  50 cents la cotisation des enfants au-dessous de 15 ans. Bans le courant de 1862, le comitĂ© obtient, de la Compagnie des bateaux Ă  vapeur, le passage gratuit en faveur des sociĂ©taires malades de l'intĂ©rieur, dĂ©sireux de se faire soigner Ă  San Francisco. ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 191 6 JANVIER 1866 — Le comitĂ© prĂ©sente Ă  M. Elie La- zard, qui allait rentrer en France et qui avait fait partie de l'administration, un an comme trĂ©sorier, et trois ans comme prĂ©sident, une adresse d'adieux pour lui tĂ©moigner ses regrets et sa haute estime. 26 JUIN 1870 — L'assemblĂ©e fixe Ă  15 le droit d'ad- mission comme sociĂ©taire. Dans le cours de l'exercice 1870-71, la SociĂ©tĂ© perd, par suite de la guerre franco- allemande, 502 membres de nationalitĂ©s Ă©trangĂšres. Mal- grĂ© cette perte, le Rapport annuel constate un excĂ©dant de recettes de 5, 27 MAiis 1S72 — M. A. Durand, collecteur de la So- ciĂ©tĂ©, ayant donnĂ© sa dĂ©mission, est rem23lacĂ© par M. A. Goustiaux, qui est entrĂ© en fonctions le l^i' mai suivant. Le nouveau titulaire avait Ă©tĂ© employĂ© pendant trois ans com- me infirmier Ă  la Maison de SantĂ© et s'Ă©tait signalĂ©, par son activitĂ© et son intelligence, 10 AVRIL — M. E. Pruvost, qui avait antĂ©rieurement donnĂ© sa dĂ©mission, est appelĂ© de nouveau au poste de ]iliarmacien, en remplacement de M. de Chesne. 1873-1874 — Plusieurs dons sont faits Ă  la SociĂ©tĂ©, entre autres un legs de 2,500 par M. Romain Bayerque. Le comitĂ© oftre une montre en or Ă  M. Neulens pour services rendus Ă  la SociĂ©tĂ© comme ingĂ©nieur. 10 Mai 1874 — Les sociĂ©taires dĂ©cident que l'assem- blĂ©e prĂ©paratoire aura lieu, Ă  l'avenir, le l^'' dimanche de mars, et l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale le 3°>e dimanche. Ils dĂ©ci- 192 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. dent aussi la crĂ©ation d'une pharmacie en ville. Dans sou rapport annuel, le comitĂ© constate que la SociĂ©tĂ©, libre de toute dette, possĂšde un capital de sept mille dollars. 18 Mars 1877 — On vote la crĂ©ation d'un fonds de prĂȘts au profit des sociĂ©taires malades qui ne peuvent ac- quitter leurs cotisations. Ce fonds devra se former et s'ali- menter par le produit d'un pique-nique annuel. M. Alexan- dre Weill, auteur de la proposition, fait, pour cet objet, un don de $nOO. 1878-1879 — Acquisition par la SociĂ©tĂ© d'un terrain destinĂ© aux inhumations. Ce cimetiĂšre est situĂ© Ă  un mille en deçà de Seal Rock et comprend une Ă©tendue d'environ quatre acres. 26 Juin 1878 — Nomination de M. D. Martin comme Ă©conome, eu remplacement de M. Gouge, dĂ©missionnaire. 21 Mars 1880 — L'assemblĂ©e fixe Ă  $150 le prix d'ad- mission comme sociĂ©taire Ă  vie. Les personnes qui font partie de la SociĂ©tĂ© depuis dix annĂ©es consĂ©cutives, conti- nuent Ă  ĂȘtre admises Ă  ce titre moyennant $100. La mĂȘme assemblĂ©e vote des remercĂźments particuliers Ă  son prĂ©si- dent, M. Alexandre Weill, qui est sur le point de quitter la Californie. 15 Octobre 1881 — Nomination de M. Sapin, comme pharmacien Ă  la Maison de SantĂ©, en remplacement de M. Pruvost, dĂ©cĂ©dĂ©. 4 Mars 1883 — Nomination par les sociĂ©taires dune commission de cinq membres, chargĂ©e de s'enquĂ©rir d'un emplacement convenable pour y Ă©lever, quand la SociĂ©tĂ© ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 193 le jugera ojiportun, une Maison de SantĂ©, rĂ©alisant les pro- grĂšs les plus rĂ©cents de la science et offrant tout le confort et toutes les commoditĂ©s dĂ©sirables. En reconnaissance du legs de 3,800 fait Ă  la SociĂ©tĂ© par M. Wilke, sou nom est donnĂ© Ă  l'une des grandes sal- les de la Maison de SantĂ©. Voici d'aprĂšs le dernier compte-rendu annuel du comi- tĂ©, le rĂ©sumĂ© de la situation de la SociĂ©tĂ© au 29 fĂ©vrier 1884 Recettes pendant l'exercice Ă©coulĂ© $55, DĂ©penses '' " " 48, L'avoir de la. SociĂ©tĂ©, en espĂšces et en valeurs de diverses Uuturcs, non compris les immeubles, Ă©tait de $41, Dans cette somme, figurent 28,000 de bonds 4 0[0 des Etats-Unis, dont la valeur rĂ©elle, au cours de $ est de $33, de sorte que le capital social mobilier de la SociĂ©tĂ© est en rĂ©alitĂ© de $46, Le personnel, attachĂ© Ă  la Maison de SantĂ©, comprend 1 Econome, 2 i^harmaciens, 1 chef infirmier, 2 cuisiniers, 1 chauffeur-mĂ©canicien, 1 blanchisseur, 1 laveur de vais- selle, 5 infirmiers, 2 infirmiĂšres, 1 jardinier, 1 cambusier- baigneur, 2 hommes de peine, 1 concierge, en tout 21 em- ployĂ©s recevant $935 de traitement par mois. Le comitĂ©, pour l'exercice 1884-85, est composĂ© de la maniĂšre suivante PrĂ©sident, Henri Barroilhet; 1^'- vice-prĂ©sident, L Boudin; 2'" vice-prĂ©sident, Sylvain Weill; trĂ©sorier, E. Thiele; l""- secrĂ©taire, C. Maubec; 2'ne secrĂ©taire, A. Schmidt Commissaires J. Pac, B. Lacaze, IL Maison 194 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Em. Mayer, F. Mitchell, H. Martin, A. Aubert, E. Gaus- sail. Avocat de la SociĂ©tĂ©, M. Sydney V. Smith. Service MĂ©dical — MM. B. Hoffstetter et Bazan, mĂ©decins traitants Ă  la Maison de SantĂ©; M. Gross, mĂ©decin traitant en ville; M. Martinaclie, mĂ©decin-oculiste; M. Van Combrugglie, dentiste. MM. A. Goustiaux, collecteur; E. Larthe, collecteur- adjoint. Voici les noms des prĂ©sidents de la SociĂ©tĂ© depuis sa fondation Ch. Barroilhetl _ 1851-1852 Eug. Delessert j BruguiĂšres, - - 1852-1853 L. Hermann, - - 1853-1854 J. Bonnerou \ _ 1854-1855 Gibelin du ry j Gibelin du Pv, - - 1855-1856 F. Seuillv, - - - 1856-1857 A. Barbier, - - - 1857-1858 G MahĂ© - - - 1858-1860 Abel Guv. - - - 1860-1861 P. Torquet, - - 1861-1862 Elie Lazard, - - 1862-1865 E. Kohn, - - - 1865-1866 R. Bayerque, "I _ _ 1866-1867 ISr. Gnillemm, j A. CarrĂšre - - 1867-1868 L. G. Salomon, - - 1868-1869 Alexandre Weill, 1869-1870 A. L. Xolf, - - - 1870-1871 Alexandre Weill, 1871-1872 Marc de Kirwan, - 1872-1873 Henri Barroilhet, 1873-1878 Alexandre Weill, - 1878-1879 A. Nerson \ _ _ i879_i880 Alex. Weill, j Henri Barroilhet, - 1880-1885 associations françaises. 195 SociĂ©tĂ© Française de Bienfaisance À MokelumneHill.I Nous avons mis en tĂȘte de la liste de nos associations françaises californiennes de bienfaisance mutuelle, la So- ciĂ©tĂ© de San Francisco, Ă  cause de sa grande importance; mais elle n'est pas la premiĂšre par la date de sa fondation. Les Français de Mokelumne Hill avaient pris les devants, et c'est Ă  M. de la RiviĂšre, agent consulaire de France dans cette localitĂ©, qu'il convient d'en attribuer l'honneur. Douloureusement Ă©mu du grand nombre d'accidents dont DOS compatriotes Ă©taient les victimes dans les placers, il conçut l'idĂ©e gĂ©nĂ©reuse de leur venir en aide par la fonda- tion d'une Maison de SantĂ©. Cette crĂ©ation fut dĂ©ci~dĂ©e le 2 septembre 1851. A la fin du mois, l'infatigable promoteur de l'Ɠuvre, avait rĂ©uni 375 adhĂ©rents. Il allait lui-mĂȘme, Ă  vingt milles Ă  la ronde, solliciter les mineurs et recueillir leurs cotisations fixĂ©es Ă  un dollar par mois. Toutes les personnes parlant, notre langue. Français, Belges, Suisses, Savoisiens,'-^ PiĂ©- montais, Canadiens, pouvaient faire partie de la SociĂ©tĂ©, qui n'Ă©tait pas mutuelle Ă  l'origine. M. de la RiviĂšre acheta, au prix de 70 dollaiH, une tente de grande dimension pour y recevoir les malades. Il j fit installer une dizaine do lits avec un poĂȘle, et prit un 1 — Nous avons trouvĂ© une partie de» dĂ©tnils qui suivant, dans les rapports iubliĂ©s par M. de la RiviĂšre, dans VEchoda Pacifique. MM. Estrade et Qrand-Cliavin, de Mo- kelumne mil, ont bien voulu les complĂ©ter. 12 — La Savoie n'Ă©tait pas encore annexĂ©e Ă  la France. 196 ‱ LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. mulĂątre comme infirmier. Trois matelots, blessĂ©s par un Ă©boulemcnt, furent les premiers Ă  jouir des bienfaits de cette institution hospitaliĂšre, Ă  laquelle le Dr. Alison se consacra avec le plus grand dĂ©vouement. Non content de ce rĂ©sultat, M. de la RiviĂšre fit de louables efforts pour fonder des Ă©tablissements du mĂȘme genre dans les comtĂ©s voisins, et pour les relier les uns aux autres, par une sorte de fĂ©dĂ©ration donnant Ă  chaque souscripteur droit d'asile dans l'une ou l'autre de ces Mai- sons de SantĂ©. C'est ainsi que Marysville fut dotĂ©e d'un petit hĂŽpital le 1-^' juin 1853, et Sonora le l^'- juillet sui- vant. Plusieurs mĂ©decins, outre M. Alison, s'Ă©taient dĂ©- vouĂ©s Ă  l'institution MM. PignĂ©-Dupuytren, Kouquette, Amouroux et Aubert. M. de la RiviĂšre, pour foi-cer la main aux mineurs imprĂ©voyants ou indiffĂ©rents, demanda enfin que la SociĂ©tĂ© adoptĂąt le principe de mutualitĂ©. Le dĂ©part de cet homme de bien, fut une grande perte pour la jeune SociĂ©tĂ© et le grand incendie de 1854, lui porta le dernier coup. Trois ans aprĂšs, au mois de mai 1857, se fonda, Ă  Mo- kelumne ITill, la SociĂ©tĂ© Franc-Comtoise dans laquelle, ainsi que lu nom l'indique, les Francs-Comtois Ă©taient seuls admis. Les sociĂ©taires Ă©taient soignĂ©s Ă  domicile aux frais de l'association, et recevaient, en outre, cinquante cents par jour durant le temps de leur maladie. Cette SociĂ©tĂ©, qui compta, Ă  un certain moment, jusqu'Ă  60 membres, se fondit dans la SociĂ©tĂ© Française de Secours Mutuels, Ă©ta- blie le 3 juin 1860. Le docteur Alison contribua puissam- ment cĂ  la crĂ©ation de cette nouvelle Ɠuvre de solidaritĂ© ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 197 française. On acheta aussitĂŽt, moyennant mille dollars, me maison pour y installer l'hĂŽpital. Depuis cette Ă©poque, la SociĂ©tĂ© n'a pas cessĂ© d'exister; seulement nos compatriotes y sont aujourd'hui en mino- ritĂ©. Dans ce Mokelumne Hill qui, il y a trente ans, Ă©tait le centre vivant et bourdonnant d'une population de plu- sieurs milliers de Gaulois, il ne reste plus que quatre fa- milles et deux cĂ©libataires d'origine française. Le comtĂ© tout entier compte Ă  peine cinquante ou soixante des nĂŽtres. La SociĂ©tĂ© porte encore, par reconnaissance sans doute pour les fondateurs, le nom de Française, car la plupart de ses membres sont Ă©trangers Ă  notre nationahtĂ©. Nous avons, sous les yeux, le rapport annuel publiĂ© par le comitĂ©, le 30 juin 1883. Pendant l'exercice Ă©coulĂ©, les recettes s'Ă©taient Ă©levĂ©es Ă  1, et les dĂ©penses Ă  'ℱ%523,02. Les cotisations $1 par mois avaient fourni "T. Le mĂ©decin recevait $600 et l'Ă©conome $360 par an. Voici les personnes qui forment le bureau actuel du comitĂ© MM. F. W. Peck, prĂ©sident; Sylv. CrĂ©tin, vice- prĂ©sident; Joseph Grand Chavin, secrĂ©taire; et Ch. Jacob, trĂ©sorier. 198 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. SociĂ©tĂ© Française de Bienfaisance Mutuelle DE Los Angeles. Le Ici" mars 1860, une treutaiue de rĂ©sidents français de Los Angeles fondĂšrent cette SociĂ©tĂ©. GrĂące Ă  une administration habile et dĂ©vouĂ©e, l'asso- ciation rĂ©unissait au bout de neuf ans, 300 adhĂ©rents avec un capital de $10,000. Elle employa cette somme Ă  ache- ter un vaste terrain et y fit construire une Maison de SantĂ©. La pose de la premiĂšre pierre eut heu solennelle- ment le 24 octobre 1869, et l'Ă©difice fut terminĂ© au mois d'avril 1870. La SociĂ©tĂ© n'a cessĂ© de prospĂ©rer depuis cette Ă©poque. Au 15 fĂ©vrier 1884, elle se composait de 551 membres, et avait en caisse 6,888,01. Dans le courant de la derniĂšre annĂ©e, les recettes se sont Ă©levĂ©es Ă  $7,559 et les dĂ©penses Ă  $5,948. Pendant la mĂȘme pĂ©riode, 246 malades ont Ă©tĂ© traitĂ©s en ville et 61 Ă  l'HĂŽpital. Les mĂ©decins, attachĂ©s Ă  l'institution, sont MM. Ăźsa- deau et Charles A. H. de Szigethy. Le premier comitĂ© se composait de MM. Moerenhout, prĂ©sident; C. Souza, vice-prĂ©sident; J. L. Sainsevain, trĂ©- sorier; L. V. Prudhomme, secrĂ©taire — Commissaires MM. F. Guiol, H. PĂ©nĂ©lon, A. Poulain, A. Labory et G. LĂąchĂ©. L'administration actuelle est formĂ©e de MM. J. L. ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 199 Sainsevain, prĂ©sident; W. Declez, vice-prĂ©sident; J. Sen- tons, trĂ©sorier; A. Charruau, secrĂ©taire — Commissaires MM. P. Ballade, Em. Eyraud, Ed. Roth, J. Bobenreith et G. PĂ©lissier. Compagnie Lafayette des Echelles et Crochets,. 1^0. 2. Le 19 septembre 1853, fut organisĂ©e Ă  San Francisco la com[.agQie de ce nom. Elle Ă©tait composĂ©e de volontai- res comme, du reste, tout le DĂ©partement du feu Ă  cette Ă©poque. Elle n'avait pas de pompe Ă  incendie, mais se ser- vait d'Ă©chelles munies au bout de crochets qu'elle char- geait sur un long chariot et qu'au premier signal, elle transportait, au pas gymnastique, sur le lieu du sinistre. Avec ces instruments, elle se livrait aux plus pĂ©rilleux exer- cices de sauvetage. Les hommes dressaient les Ă©chelles contre les maisons en flammes pour pĂ©nĂ©trer dans l'intĂ©- rieur par les fenĂȘtres, si les escaliers n'Ă©taient plus accessi- bles, — atin de sauver les habitants. Pour arriver aux Ă©tapes supĂ©rieurs, on hissait les Ă©chelles et on les fixait, au moyeu des crochets, sur l'appui des fenĂȘtres qu'il s'agissait d'at- teindre. Enfin, perchĂ©s sur les toits, ils dirigeaient les tuyaux des pompes sur les points embrasĂ©s. On pouvait donc considĂ©rer la compagnie française comme l'avant- garde des sapeurs-pompiers de San Francisco. M. Kichet 200 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. en fut le commandant provisoire. Elle se composait de Boixante-quatre hommes et avait son siĂšge rue Broadway, entre les rues Stockton et Dupont. L'uniforme adoptĂ© Ă©tait celui des pompiers de Paris. Le 25 octobre 1853, la compagnie se constitua dĂ©fi- nitivement, et le 2 novembre, elle dĂ©fila pour la premiĂšre fois dans les rues de la ville, en grand uniforme. Voici la composition de son premier Etat-major MM. Cobb, commandant; Guilhot, capitaine-adjudant- major; E. Grisar, trĂ©sorier; F. Artaud, chirurgien-major; Didier, porte-drapeau; Saini^Denis, capitaine; SĂ©bire, heu- tenant; Pallies, sous-lieutenant; Boutin, sergent- major; E. Vignaux, sergent-fourrier; Roch, l^"- sergent; Bernard, 2me sergent; Machettau, 3ℱ^ sergent; Lucien, 4'e sergent A. Ariaud, Moulin, Payen, Echette, Picot, FĂ©lix, N. Gre- nouillet et Valette, caporaux. En dĂ©cembre 1886, la Compagnie fut licenciĂ©e en mĂȘme temps que tout le DĂ©partement, pour faire place au service des pompiers tel qu'il existe actuellement. Maison d'Asile. Au mois de mai 1853, quelques Français dĂ©vouĂ©s ouvrirent une Maison d'Asile Ă  San Francisco, en faveur de ceux de nos compatriotes malades et sans ressources, qui n'avaient point droit Ă  l'assistance de la SociĂ©tĂ© de ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 201 Bienfaisance Mutuelle. P] lie avait pour directeurs MM. Driard, J. Vaillant et J. Ruetf. L'Asile, installĂ© dans une baraque en planches, Ă©tait situĂ© sur les hauteurs de la rue Califoruia, non loin du Camp Français. Les plus valides des pensionnaires logeaient dans des huttes faites de branchages, Ă©levĂ©es par eux-mĂȘ- mes, autour du bĂątiment principal. C'Ă©taient gĂ©nĂ©rale- ment d'anciens jyrospecfeurs; dĂ©goĂ»tĂ©s des mines, que la nouvelle SociĂ©tĂ© recueillait Ă  leur retour Ă  San Francisco. Plusieurs d'entre eux se firent chiffonniers, ramassant dans les rues tous les objets de rebut qui pouvaient se revendre bouteilles vides, vieux habits, etc. On prĂ©tend que des familles illustres avaient des reprĂ©sentants dans cette hum- ble confrĂ©rie. Jusqu'Ă  la date du 10 juin 1853, l'Asile avait reçu 120 individus; 75 Ă©taient retournĂ©s aux mines, dont 3 avec l'assistance pĂ©cuniaire de la SociĂ©tĂ© ; 2 avaient Ă©tĂ© embar- quĂ©s pour la France, 2 pour Lima, et 1 les Ăźles Sand- wich. 15 avaient Ă©tĂ© placĂ©s en ville, 1 s'Ă©tait fait renvoyer pour cause de mendicitĂ© et 6 pour cause de vagabondage ou d'ivrognerie. 19 restaient encore dans l'Asile. L'Ă©tablissement possĂ©dait 44 lits, dont 30 Ă©taient gar- nis. Les docteurs DĂ©pierris, Celle et Morin donnaient irra- tuitement leurs soins aux malades. La SociĂ©tĂ© eut une courte existence. 11 paraĂźt que dans le [uartier on se plaignait des mƓurs par trop noma- des et dĂ©braillĂ©es de quelques-uns des pauvres gens qu'elle recueillait et que pour cette raison l'Asile fut fermĂ©. On 202 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. nous assure aussi, que cette modeste institution suggĂ©ra Ă  l'administration municipale l'idĂ©e d'Ă©tablir VAl/us House dans laquelle plusieurs de nos compatriotes, ĂągĂ©s et mal- heureux, ont trouvĂ© un refuge. SociĂ©tĂ© de Rapatriement. Cette SociĂ©tĂ© fut fondĂ©e D Ă  l'occasion du dĂ©part de M. Dillon. Une partie de la population française avait pro- jetĂ© de lui offrir, comme souvenir, une mĂ©daille en or. Mais dans la rĂ©union, qui eut lieu le 13 dĂ©cembre I806, et dans laquelle devait se discuter cette question, M. Dil- lon, tout en remerciant ses amis de leur sympathie, expri- ma le dĂ©sir que le montant de la souscription destinĂ©e Ă  la mĂ©daille, fut divisĂ© en deux parts l'une pour l'assistance des orphelins, l'autre pour le rapatriement des vieillards et des infirmes. En mĂȘme temps, il fit don, en faveur de l'Ɠuvre qu'il dĂ©sirait voir Ă©tabhr, d'une somme de 100 dollars. L'assemblĂ©e, prenant en considĂ©ration cette gĂ©nĂ©reuse proposition, jeta les premiers fondements de la SociĂ©tĂ© en question. Ainsi que son nom l'indique, elle avait pour but de faciliter le retour en France de nos nationaux Ăąg.'-^ ou infirmes, et sans ressources ; mais elle envoyait aussi des en _ Lorsque la localitĂ© n'est pas indiquĂ©e, il s'agit toujours de Sia Francisco. ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 203 malades pauvres dans des pays voisins, dont le climat pou- vait favoriser la guĂ©rison. Les membres du comitĂ© fondateur Ă©taient MM. Tou- chard, prĂ©sident ; Delafont, vice-prĂ©sident ; Bayerque, trĂ©sorier; Mibielle, secrĂ©taire ; Ponton de Arce, secrĂ©taire adjoint ; Vasselin, Heutsch, CorbiniĂšre et Larco, commis- saires. Cette sociĂ©tĂ© fut dissoute, le 7 aoĂ»t 1859, en assem- blĂ©e gĂ©nĂ©rale des souscripteurs, et transformĂ©e, sĂ©ance tenante, en SociĂ©tĂ© de Secours. Le but de cette Ɠuvre Ă©tait exposĂ© Ă  peu prĂšs dana les termes suivants "Secourir les Français et les Ă©trangers pauvres, en Californie. Procui-er de l'emploi aux Français et aux Ă©trangers sans travail. Faciliter le rapatriement Ă  ceux qui se trouveraient dans ce pays sans moyens d'existence. Assister les malades, infirmes et gens ĂągĂ©s. En un mot, venir en aide aux Français et aux Ă©trangers sans ressour- ces, de telle sorte qu'ils ne sjient pas un fardeau pour le pays qui les a reçus." >i Cette nouvelle SociĂ©tĂ© fut dissoute, Ă  son tour, au mois de dĂ©cembre 18G1, et notre colonie re^ta sans institu- 1 — Le premier comitĂ© Ă©tait composĂ© de M. Gautier, consul de France, prĂ©sident ; MM, G. Touchard et Ahel Guy, vice-prĂ©sidents ; Bayerque, trĂ©sorier; Mibielle, secrĂ©taire. Commissaires MM. Larco, Delafont, Vasselin. MĂ©decins les docteurs DĂ©pierris, Mo- rin et Celle. 204 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. tiou de charitĂ© proprement dite, jusqu'au 26 juin 1867, Ă©poque Ă  laquelle fut fondĂ©e la SociĂ©tĂ© de Bienfaisance des Dames Françaises. Les statuts, adoptĂ©s Ă  la date ci-dessus, furent modi- fiĂ©s, le 31 aoĂ»t 1868. Le but de la SociĂ©tĂ©, expliquĂ© j^ar le jDrĂ©ambule placĂ© en tĂȘte des statuts, est de secourir les familles françaises indigentes. Voici la composition du comitĂ© fondateur Mme Sawyer, prĂ©sidente; Mme Morgenstern, vice- prĂ©sidente; Mme Berton, trĂ©soriĂšre, et Mme Willemet, secrĂ©taire. Dames commissaii-es Mmes Merle, Daney, Planel, Gatinelle, LefĂšbre et Halin. M. J. B. Stoupe, collecteur. n rĂ©sulte du dernier rapport annuel de la SociĂ©tĂ©, que les recettes de l'exercice 1883-84 ont Ă©tĂ© de $3, y compris $200 de dons ; produit d'un pique- nique, plus d'intĂ©rĂȘts sur les fonds placĂ©s Ă  la Cais- se d'Epargnes française, etc. Les secours accordĂ©s se sont Ă©levĂ©s Ă  $2, L'actif de la SociĂ©tĂ©, Ă  la mĂȘme date, Ă©tait de $4, savoir DĂ©pota la nouvelle Caisse d'Epargnes $3, DĂ©pĂŽt Ă  l'ancienne Caisse vaiempriso au pair... 1, Chez la TrĂ©soriĂšre Total Ă©gal $4, ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 205 En dĂ©duisant environ $340, montant prĂ©sumĂ© de la perte Ă  subir sur le dĂ©pĂŽt Ă  l'ancienne Caisse d'Eparo-nes, ou arrive Ă  un fonds disponible de $4, Il y avait en tout 141 sociĂ©taires, dont 104 dames et 37 hommes. Voici la composition du comitĂ© actuel Mme Constant Meyer, prĂ©sidente ; Mme A. Edouart, vice-prĂ©sidente ; Mme H. Kahn, trĂ©soriĂšre ; Mlle H. BĂ©er, secrĂ©taire. Dames commissaires Mmes J. Wolff, H. Vi- deau, M. Sajous, V. BignĂ©, M. Lacua, A. Strauss. Les prĂ©sidentes, qui se sont succĂ©dĂ© Ă  la tĂȘte des comitĂ©s, depuis la fondation, sont Mmes Berton, Emeric, Alex. Weill, Joseph Godchaux, E. Thomas, Bonnat, E. Kaas {par incriin, Constant Meyer. n SociĂ©té» Fraternelles, SecrĂštes et de Secours .Hutiiels, a San Francisco. 1" La Loge Maçonnique, La Parfaite Union, No. 17, fondĂ©e le 7 juin 1851, l'oruMnisation française la plus ancienne de la Californie. Premier VĂ©nĂ©rable M. Hubert Kidel. VĂ©nĂ©rable actuel, M. Daniel LĂ©vy. 206 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. 2o Grove PersĂ©vĂ©rance No. 10, A. O. U. D. Drui- des, organisĂ©e le 17 octobre 1867. — 180 membres. — Les sociĂ©taires reçoivent 10 par semaine en cas de mala- die. — Premier prĂ©sident M. E. Courvaizier. PrĂ©sident actuel M. P. Cames. 3° L'Union Laborieuse, SociĂ©tĂ© co-opĂ©rative, fondĂ©e le 3 aoĂ»t 1868, a existĂ© de quatre Ă  cinq ans. — PrĂ©sident M. P. F. Clerc. SecrĂ©taire M. J. R. Lafaix. 4" La SolidaritĂ© assurance sur la vie, incorporĂ©e en dĂ©cembre 1868, s'est dissoute il y a peu d'annĂ©es. — M. de Kirwan en a Ă©tĂ© longtemps le prĂ©sident. 5'' Loge Franco-AmĂ©ricaine No. 207, L O. O. F. Odd Fellows. InstituĂ©e le 6 aoĂ»t 1872. — Environ 200 membres. — Premier N. G. M. P. ThĂ©as. N. G. actuel M. Jules Lambla. 6° SociĂ©tĂ© des PrĂȘts et de Construction, fondĂ©e en 1875. ~ PrĂ©sident, depuis la fondation M. Em. Raas. 70 LocE Bavard des Chevaliers de Pithias, fon- dĂ©e en j';i]lct 1879. — 150 membres. — Premier PrĂ©si- dent M. Yoisinet. PrĂ©sident actuel M. E. Larthe. 8*^ SociĂ©tĂ© Culinaire Cosmopolite, fondĂ©e le 4 sep- tembre 1876. — 34 membres. — Premier prĂ©sident M. AndrĂ© Le Cante. PrĂ©sident actuel Ch. Giraud. 9^ SociĂ©tĂ© Culinaire Française, créée en 1878. — PrĂ©sident M. A. Portai. — Cette SociĂ©tĂ© n'existe plus. associations françaises. 207 10» SociĂ©tĂ© des MaĂźtres d'HĂŽtel et Garçons de Salle, fondĂ©e eu 1880 Bureau de renseignements. — PrĂ©sident M. Ch. Finaud. 11" L'Union Franco-AmĂ©ricaine des Amis Choi- sis ^o. 10, O. I. — FondĂ©e en 1880. — 100 membres. — Premier prĂ©sident M. E. Robinet. PrĂ©sident actuel M. Clerc de Landresse. 12° Union des Fils d'Hiram, incorporĂ©e le 23 mars 1882. — PrĂ©sident M. Clerc. 13° SociĂ©tĂ© des Red Men Hommes Rouges. — Etablie en juillet 1883. — 112 membres. — Premier prĂ©- sident M. L. Eertin. PrĂ©sident actuel M. J. Rech. Il y a, en outre, 55 jeunes Français admis parmi les Native Sons of California, ordre secret, fondĂ© en 1875, et qui compte prĂšs de 2,000 membres. Cette SociĂ©tĂ© se compose exclusivement de jeunes gens nĂ©s dans le pays. in Compagnies Militaires. 1° Bataillon Français — Les Français, en im- mense majoritĂ©, s'Ă©taient montrĂ©s les partisans dĂ©terminĂ©s du ComitĂ© de Vigilance Ă©tabli en 1856. A cette occasion, ils organisĂšrent un bataillon de 300 hommes environ, for- 208 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. mant les deux compagnies 25 et 28 du 4^- rĂ©giment, colo- nel J. F. Lippit. CommandĂ©s par M. VillacĂšque, ils rendi- rent, dans cette circonstance, de grands services Ă  la cause populaire. Le bataillon fut dissous en mĂȘme temps que le ComitĂ©. 2° Les French Guards, — prĂ©sident, M. E. DuprĂ© et capitaine, M. VillacĂšque, — furent organisĂ©s en 1860, par d'anciens membres du bataillon français dont nous ve- nons de parler. Les fonds, qui Ă©taient restĂ©s disponibles, fu- rent affectĂ©s aux premiers frais d'Ă©tablissement de la nou- velle Compagnie. En 1862, s'orgcinisa la Compagnie des Carabiniers, capitaine Michel Lebatard. L'annĂ©e suivante, les deux compagnies fusionnĂšrent sous le nom de French Guards, capitaine Mitchel. Comme on Ă©tait alors en pleine guerre de sĂ©cession, et que la milice pouvait, d'un moment Ă  l'autre, ĂȘtre ap- pelĂ©e Ă  prendre part Ă  la lutte, M. Forest, gĂ©rant du con- sulat de France, fit comprendre aux officiers de la Com- pagnie, qu'ils perdraient leur qualitĂ© de" Français en prĂȘtant serment de fidĂ©litĂ© au gouvernement fĂ©dĂ©ral. Ces mes- sieurs, tenant Ă  conserver leur nationalitĂ©, la Compagnie fut dissoute. 3° Gardes Lafayette — C'est le 1" juin 1868, dans un banquet des anciens membres de la Compagnie La- fayette des Echelles et Crochets, que fut dĂ©cidĂ©e la forma- ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 209 tioii de la Compagnie militaire des "Gardes Lafayettc." Le gĂ©nĂ©ral Cazeneau, commandant la milice de Californie, et jNI. de Cazotte, consul de France, avaient vivement en- couragĂ© nos compatriotes dans cette entreprise. Le gĂ©nĂ©ral mit Ă  leur disposition le local, les armes, ainsi que tout le matĂ©riel des Gardes Mac-Mahon, pour faire leurs exercices. Leur uniforme Ă©tait celui des anciens Grenadiers de la Garde. Aux Ă©lections de la Compagnie, le l*;'' octobre 1868, furent nommĂ©s prĂ©sident, M. Henri Videau; vice- prĂ©sident, M. A. de Surville; trĂ©sorier. M, P. Huant; ca- pitaine, M. H^e Perrier, La Compagnie offrit au gĂ©nĂ©ral Cazeneau une magni- fique croix, en reconnaissance de ses bons et nombreux services. En 1870 et 1872, pendant la durĂ©e des Foires organi- sĂ©es au profit des blessĂ©s, les Gardes Lafayette envoyaient tous les soirs une dĂ©lĂ©gation, chargĂ©e de se mettre Ă  la dis- position du comitĂ© de la souscription nationale. Le 5 mai 1871, M. Perrier, capitaine, annonça par la voie des journaux, que la Compagnie, alors formĂ©e eu grande partie de Français originaires des dĂ©partements annexĂ©s Ă  rAllemagne, avaient dĂ©cidĂ© que les mots Alsace et Lorraine seraient ajoutĂ©s en lettres d'or sur son drapeau français, comme marque d'attachement Ă  la mĂšre-patrie. En 1876, Ă  l'occasion du centenaire amĂ©ricain, les Gardes Lafayette firent leur premiĂšre sortie dans leur nouvel uniforme infanterie française. Enfin, Ă  l'occasion 210 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE, de la fĂȘte du 14 juillet 1882, un grand nombre de nos com- patriotes leur offrirent un superbe drapeau tricolore. En toutes circonstances, ces soldats-citoyens donnent des preuves de leur attachement Ă  la France et de leur dĂ©- vouement Ă  la colonie. La Compagnie possĂšde une relique prĂ©cieuse c'est un buste de son illustre patron, le gĂ©nĂ©ral Lafayette, prove- nant du navire qui amena le grand ami de Washington aux Etats-Unis, en 1824. PrĂ©sident honoraire M. de Joutfroy d' Abbans, PrĂ©sident effectif M. I. Boudin, Capitaine E. Luttringer, M. Salomon Reiss, remplit les fonctions de trĂ©sorier, presque depuis la fondation. La Compagnie se compose d'environ 95 membres. 4° Les French Zouaves — Cette Compagnie fut or- ganisĂ©e en 1870, et incorporĂ©e, comme SociĂ©tĂ© mutuelle, le 6 fĂ©vrier 1877. En cas de maladie, les membres actifs re- çoivent 10 par semaine et les membres honoraires $7. Premier prĂ©sident M. R. Lavigne, Premier capitaine M. E. Buftandeau, PrĂ©sident actuel M. F. Berton, Capitaine actuel M. Boutes. La Compagnie compte 130 membres. Comme les La- fayette, les French Zouaves contribuent par leur aspect mihtaire Ă  nous donner, dans nos grandes solennitĂ©s natio- ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 211 nales, la douce et chĂšre illusion de la patrie absente. Comme eux aussi, ils sont toujours prĂȘts Ă  rĂ©pondre Ă  tout appel fait dans l'intĂ©rĂȘt de la colonie française. IV SociĂ©tĂ©s Chorales et Artistiques. 1° Dans une autre partie de ce livre, nous avons men- tionnĂ© les eflorts tentĂ©s par nos premiers Ă©migrants, pour Ă©tablir une sociĂ©tĂ© de chant en 1852. Trois ans plus tard, se fonda la SociĂ©tĂ© des Enfants de Paris PrĂ©sident M. Boverat. 2° SociĂ©tĂ© Philharmonique Lafayette JSTo. 2 En 1866, quelques mois avant le licenciement des sapeurs- pompiers volontaires, fut organisĂ©e la Fanfare de la Com- pagnie Lafayette des Echelles et Crochets No. 2, sous la prĂ©sidence de Pierre Bideau jeune, et sous la direction de M. A. Ponti, professeur de musique. AprĂšs le licenciement dĂ©cembre 1866, la "Fanfare" se transforma en "SociĂ©tĂ© Phi larmonique Lafayette No. 2." Son but Ă©tait d'enseigner Ă  ses membres la musique ins- trumentrale, par les soins de M. Ponti, et la musique vo- cale, par ceux de M. P. A-. Garin. Deux ans aprĂšs sa crĂ©ation, elle comptait de 300 Ă  400 adhĂ©rents, et s'Ă©tait 212 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. rendue trĂšs populaire par les fĂȘtes, bals et concerts, aux- quels elle invitait la colonie. Mais peu Ă  peu, pour des cau- ses diverses, elle perdit une grande partie de ses membres, et en 1880, aprĂšs le dĂ©part de son chef de musique, M. Victor Hue Paris, elle disparut. La SociĂ©tĂ© de "Fanfare" actuelle, portant le mĂȘme nom, se compose d'un certain nombre d'Ă©lĂšves formĂ©s par sa devanciĂšre. 3° OrphĂ©on Français, —fondĂ© en 1875. Dissous il j a environ trois ans. Premier prĂ©sident M. E. Raas ; der- nier prĂ©sident M. Balny; Directeur M. Reiter. La somme, qui restait en caisse au moment de la dissolution, fut versĂ©e Ă  la caisse de la BibliothĂšque de la Ligue natio- nale française. 4° Vers la mĂȘme Ă©poque fut organisĂ©e la SociĂ©tĂ© Ar- tistique d'Amateurs Français janvier 1875 — Premier prĂ©sident M. A. Schroder; dernier prĂ©sident M. Robert Roy. Dissoute le 26 dĂ©cembre 1876. Les fonds restant en caisse furent offerts Ă  la SociĂ©tĂ© de Bienfaisance des Dames Françaises. Ces deux SociĂ©tĂ©s donnaient des reprĂ©sentations dra- matiques au profit de nos institutions. 5° Lyre Française, — fondĂ©e en janvier 1881. 40 membres actifs et honoraires. Premier prĂ©sident M. V. Mar- chebout; PrĂ©sident actuel M. Alexandre; directeur musi- cal M. Th. Gay. Cette SociĂ©tĂ© prĂȘte sou concours aux fĂȘ- ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 213 tes nationales et Ă  des reprĂ©sentations dramatiques ayant un but de bienfaisance. V Caisse d''ÂŁi>argiics. La SociĂ©tĂ© française d'Epargnes et de PrĂ©voyance mutuelle fut fondĂ©e le 1er fĂ©vrier 1860. Directeur M. G. MabĂ©. Cet Ă©tablissement, dans lequel la plupart de nos compatriotes avaient placĂ© leurs Ă©conomies, paraissait ĂȘtre en pleine prospĂ©ritĂ©, ayant en dĂ©pĂŽt prĂšs de six millions de dollars; mais au mois de septembre 1878, les Bank com- missioners, nommĂ©s par l'Etat pour examiner les livres de tous les Ă©tablissements financiers en Californie, signalĂšrent des irrĂ©gularitĂ©s graves dans la comptabilitĂ© de la Caisse. De nouvelles investigations Ă©tablirent que le directeur s'Ă©tait rendu coupable de malversation pour des sommes trĂšs considĂ©rables. M. MahĂ©, ne voulant ioint survivre Ă  son dĂ©shonneur, se donna la mort le 17 septembre. La Caisse d'Epargnes fut mise en sĂ©questre et M. F. F. Low nommĂ© receicer ou administrateur par le juge Dwinelle. Les dĂ©posants, rĂ©unis en assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale, protestĂšrent aussitĂŽt avec la plus grande Ă©nergie contre cette dĂ©cision. La Cour SuprĂȘme de Califoi'nie leur donna raison, et con- fia la liquidation des affaires Ă  un comitĂ© nommĂ© par les sociĂ©taires eux-mĂȘmes. A force d'activitĂ© et de dĂ©vouement 214 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. le nouveau comitĂ© parvint Ă  rĂ©organiser la SociĂ©tĂ©. La nouvelle Caisse commença ses opĂ©rations le 21 janvier 1879. Le 1" juillet 1884, elle avait en dĂ©pĂŽt $2,122, La perte, subie par les anciens dĂ©posants, s'Ă©lĂšvera trĂšs probablement Ă  28 pour cent du montant des fonds dĂ©- posĂ©s. Premier prĂ©sident de la nouvelle SociĂ©tĂ© M. Gustave Touchard. Le comitĂ© des directeurs est actuellement composĂ© de MM. Landry C. Babin, prĂ©sident; J. C. Sala, \^ce- prĂ©sident; et de MM. Touchard, H. Barroilhet, A. Comte Jr., P. Fleury, P. V. Merle, E. J. Lebreton et A. Pissis. M. A. Brand, secrĂ©taire — J. A. Stanley, attorney. VI Cercles Français. A San Francisco, il existait en 1856, un Cercle dĂ©mo- cratique, sous la prĂ©sidence de M. L. Albin. Peu de temps avant la guerre franco-allemande de 1870, il s'Ă©tait formĂ© un club du mĂȘme genre, appelĂ© Cer- cle NapolĂ©on. Il n'eut qu'u-ne courte durĂ©e. AprĂšs la guerre, une nouvelle tentative eut lieu. Quel- ques jeunes gens organisĂšrent le Cercle de l'Avenir; mais ASSOCIATIONS FRANÇAISES. 215 sans grand succĂšs. Enfin le 3 fĂ©vrier 1884, dans une rĂ©u- nion, tenue Ă  la BibliothĂšque française, on dĂ©cida la fonda- tion d'un Cercle Français. Ce cercle, installĂ© dans l'ancien local de la Cour SuprOme, au coin des rues Stockton et O'Farrell, fut inaugurĂ© le 12 avril suivant. Il compte 125 membres. PrĂ©sident, M. E. DubĂ©dat; vice-prĂ©sident, M. Jules Kahn; trĂ©sorier, M. EugĂšne Thomas; secrĂ©taire, M. Ed- mond Godchaiix. Directeurs MM. Isidore W. LĂ©vy, P. Eleury, A. Cailleau, E. Mejer, LĂ©on Weill. GĂ©rant M. I. G. Lucien. Club Français Ă  San JosĂ©. Aux approches du 14 juillet 1882, une souscription avait Ă©tĂ© ouverte, parmi les Français de cette ville, en vue de confectionner un drapeau tricolore, qu'on dĂ©sirait faire figurer Ă  la fĂȘte nationale. Les personnes, qui avaient pris l'initiative de cette dĂ©monstration patriotique, saisirent l'occasion pour fonder un Club ou Cercle, destinĂ© Ă  cimen- ter les sentiments d'amitiĂ© qui unissent les membres de la colonie locale, et nommĂšrent un comitĂ© chargĂ© de mettre le projet Ă  exĂ©cution. Le comitĂ© se composait de MM. Brassj, prĂ©sident; L. Machefert, vice-prĂ©sident; P. Etche- barne, trĂ©sorier, et J. Chamon 8' Hubert, secrĂ©taire. Le Cercle, dĂ©finitivement organisĂ© le 28 juillet de la 216 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. mĂȘme amiĂ©e, compte aujourd'hui une cinquantaine de membres, et est administrĂ© par MM. L. Machefert, prĂ©- sident ; J. Savidan, vice-prĂ©sident ; O. Promis, trĂ©sorier, et Ch. BenoĂźt, secrĂ©taire. Cercle Français Ă  Los Angeles. Le 6 avril 1884, quelques Français de cette ville se rĂ©unirent dans les ateliers de M. Declez, et dĂ©cidĂšrent de fonder un Cercle. M. G. d'Artois en fut nommĂ© prĂ©sident, et M. A. Charruau, secrĂ©taire. Le 17 du mĂȘme mois on adopta les statuts, et le 5 mai, eut lieu l'Ă©lection des mem- bres du comitĂ© dĂ©finitif. Le bureau est composĂ© de MM. G. d'Artois, prĂ©sident; J. Santous, vice-prĂ©sident; Ed. Blum, secrĂ©taire; et P. Bal- lade, trĂ©sorier. Le Cercle compte environ 70 membres, et occupe un trĂšs beau local situĂ© dans la rue principale de la ville. CINQUIÈME PARTIE Souscriplion XatĂźonalc 1870-1871 OFFRANDES A LA PATRIE Histoire cl'nii petit tableau — La guerre — Elan gĂ©nĂ©ral — La presse amĂ©ricaine et les Irlandais — RĂ©unions publiques — Le comitĂ© central — Souscriptions pour les familles des soldats tues et blessĂ©s— Souscrip- tions mensuelles — Encan — Le livret de M. de Kirwan — Singuliers paris — Sedan — Empire et RĂ©publique — Adresses d'adhĂ©sion au gouvernement de la DĂ©fense Nationale — DĂ©part de jeunes volontai- res — Mme Mezzara — La Foire — Incidents divers — DĂ©jeuners mĂ©- morables — Souscription pour la dĂ©fense nationale — Un don splen- dide — Sympathies amĂ©ricaines — Capitulation de Metz — PremiĂšre dĂ©pĂȘche de Gambetta ~ Mort de M. Elle Alexandie — Etrennes Ă  la Patrie — Offrandes des bouliiugers — Rapport du ComitĂ© — DĂ©pĂȘche Ă  rĂ©ponse — Capitulation de Paris — Frcnch Relief Fund — Envoi de fonds pour les victimes des dĂ©partements envahis — ^^ Lettre de Jules Favre — Mort de M. Sylvain Cahn — PĂ©tition en faveur de Ros- sel — Compte-rendu gĂ©nĂ©ral du ComitĂ© — La Paix et les Alsaciens. En visitant la BibliothĂšque de la Ligne Ăź^ationale Française, Ă  San Francisco, on remarque dans la petite salle, suspendu au-dessous des portraits de Lesseps, Thiers et Lafayette, — les deux premiers ofterts Ă  la Ligue avec leur autographe par les illustres personnages qu'ils 218 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. reprĂ©sentent, — un petit tableau simplement encadrĂ© de bois peint en noir, ornĂ© de deux minuscules drapeaux tri- colores, et portant l'inscription suivante i ‱'^'So'ut po-ut^ la ^XaĂŻz-id totĂ»l ĂšcĂŽ Soivtntc* CHUotjcc» jt^^cjvv Ăą ce jovvr- pat ie ComitĂ© CeutralbĂź Californie $281, Ce petit tableau a une histoire, et c'est cette histoire que nous nous proposons de faire connaĂźtre Ă  nos lecteurs. Elle nous semble intĂ©ressante et instructive. Elle prouve que, si le Français n'emporte pas sa patrie Ă  la semelle de ses souliers — selon l'Ă©nergique et pittoresque exjjres- 1 — La somme indiquĂ©e ci-dessus n'est pas tout-Ă -fait exacte. Le montant total des sous- criptions puljliques, expĂ©diĂ© en France, est de $301, soit 1,626,535 fr. 30 cent., ainsi qu'il sera dĂ©montrĂ© plus loin. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 219 siou de Danton — du moins, il en conserve, intacte et sacrĂ©e, l'imao-e auguste dans le fond de son cƓur, par- tout oĂč le mĂšne sa destinĂ©e. Nous ne craignons pas d'affirmer que l'Ă©lan patriotique des Français de ce pays, Ă©lan provoquĂ© par nos dĂ©sastres pendant la derniĂšj-e guerre, est un des faits les plus hono- rables de l'histoire de nos nationaux Ă©tablis Ă  l'Ă©trano-er. Ce n'est pas que, dĂšs leur arrivĂ©e eu Californie, les Français ne se soient montrĂ©s bons patriotes ; mais les malheurs si imprĂ©vus, si terribles de l'annĂ©e nĂ©faste, ont eu pour effet de remuer violemment leurs cƓurs, et d'exal- ter au suprĂȘme degrĂ© leur amour de la mĂšre-patrie. Rien de plus poignant que la lecture du Courrier de cette On y peut suivre, au jour le jour, les im- pressions profondes et diverses, produites par les dĂ©pĂȘches arrivĂ©es d'Europe, au fur et Ă  mesure des Ă©vĂ©nements. La nouvelle de la dĂ©claration de la guerre a Ă©tĂ© con- nue Ă  San Francisco, grĂące Ă  la diffĂ©rence des heures, dans la matinĂ©e mĂȘme du jour oĂč elle a Ă©tĂ© portĂ©e Ă  la tribune du corps lĂ©gislatif par le duc de Gramont 15 juillet 1870. DĂšs le lendemain, le journal publie une lettre de M. Joseph Emeric, de San Francisco, contenant un chĂšque de 2,500 francs, destinĂ©s "au soldat français qui prendra le premier drapeau prussien sur le champ de bataille". C-^ 1 — Lejournal avait alors pour rĂ©dacteur, M. E. Marnue. 2 — l,eironrrier daSO soptempbro 1871 contient l'entrofilet suivant emprunte au /'p/e Breton- On annonce gue c'est un jeune hominodola commune do Suint PĂŽ- le-ae-L6on, soldat au 73o de ligne, iiui a pris un Ă©tendard dans la bataille du Itj. C'est donc un Breton qui aura los 2,ĂŽ00 francs promis par AI. Emoric, do San Fran- cisco." Nous croyons savoir luo la somme en question se trouve encore disponible Ă  la Caisse des DĂ©pĂŽts et Consignations. 220 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Le Courrier annonce, en mĂȘme temps, qu'une souscrip- tion allait s'ouvrir pour les soldats blessĂ©s et leurs familles. En effet, plusieurs de nos compatriotes s'Ă©taient rĂ©unis dans les bureaux de MM. Lazard frĂšres, et, aprĂšs avoir constituĂ© un comitĂ© provisoire, avaient dĂ©cidĂ© de prendre en main cette Ɠuvre de patriotisme et d'humanitĂ©. Le comitĂ© provisoire se composait de MM. E. Breuil, Consul gĂ©nĂ©ral, prĂ©sident honoraire; G. Touchard, prĂ©si- dent; G. MahĂ©, trĂ©sorier; A. L. ĂźsTolf, secrĂ©taire, et des membres suivants MM. F. L. Pioche, Alex. AVeill, H. Perrier, E. DubĂ©dat, A. Dolet, L. Scellier, G. Dussol, Ch. Schmitt, E. Marque, E. Expert, B. Buftandeau, Th. Leroy, E. G. Lyons et E. Maubec. MM. J. Pinet et Sylvain Cahn furent ultĂ©rieurement adjoints au ComitĂ©. Ces messieurs appartenaient aux diverses opinions qui divisaient alors la France; mais laissant de cĂŽtĂ© toute ques- tion pohtique, ils ne songeaient qu'aux victimes de la guerre. La passion ou haine nationale n'existait, au dĂ©but, ni chez les Français, ni chez les Allemands. Dans une rĂ©u- nion, tenue par ces derniers, les orateurs, au dire du Cour- rier mĂȘme, se sont montrĂ©s animĂ©s d'un vĂ©ritable esprit de modĂ©ration et ont engagĂ© leurs auditeurs "Ă  s'abstenir de querelles qui ne peuvent influer en rien sur la marche des Ă©vĂ©nements." Le journal français recommande Ă  nos natio- naux la mĂȘme rĂšgle de conduite Ă  l'Ă©gard des Allemands. Mais le caractĂšre d'imjjlacable animositĂ©, imprimĂ© Ă  SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 221 la guerre par nos eunemis, n'a pas laissĂ© Ă  cette trĂȘve locale une longue durĂ©e. Ce qui n'a pas peu contribuĂ© Ă  soulever le sentiment français, c'Ă©tait la flagrante malveil- lance de la presse amĂ©ricaine qui, Ă  peu d'exceptions prĂšs, s'est montrĂ©e systĂ©matiquement hostile Ă  la France impĂ©- riale d'abord, et ensuite, Ă  la France rĂ©publicaine. Le 31onitor, journal cat'nolique irlandais, a vivement protes- tĂ© contre l'injustice et l'ingratitude de ses confrĂšres amĂ©- ricains. Les sympathies des L'iandais pour la France, Ă©cla- taient de toutes parts et sous toutes les formes Le colonel Walsh annonce qu'il va donner une con- fĂ©rence, dont le produit sera versĂ© dans la Caisse du comitĂ© de la souscription. Dans VAlta, un autre Irlandais demande un meetiuo- public et l'organisation d'une souscription. Dans la boĂźte du Courrier, on trouve une lettre, signĂ©e "Un L-landais," qui dĂ©clare que la France n'a qu'un mot Ă  dire pour avoir 3, 4 et peut-ĂȘtre 500,000 Irlandais prĂȘts Ă  combattre dans ses rangs, Ă  la condition que si la guerre lui Ă©tait favorable, elle leur prĂȘterait ensuite son appui pour les dĂ©livrer du joug anglais." Des Irlandais assistaient aux nombreuses rĂ©unions françaises, et inscrivaient leurs noms sur les listes de sous- cription. e ir, la RĂ©publique française, si l'AUomagne refusait d'Ă©va- cuer le territoire envahi. 222 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Enfiu le Rev. PĂšre Prendergast, aujourdhni vicaire gĂ©nĂ©ral de San Francisco, fait une confĂ©rence remarquable dans laquelle il expose la cause de ces sentiments de bienveillance. La communautĂ© de religion n'y est que pour une faible part, dit-il ; mais la France a rendu dans le passĂ© d'inoubliables services Ă  IL-lande, et elle est toujours, comme celle-ci, l'ennemie hĂ©rĂ©ditaire de l'An- gleterre. iST'y eĂ»t-il pas d'autre raison, elle suffirait Ă  justi- fier les sympathies de ses compatriotes. Et il ajoute "Si l'Allemagne Ă©tait en guerre avec l'Angleterre, l'Allema- gne aurait l'Irlande de son cĂŽtĂ©." Revenons Ă  la colonie française. Le comitĂ© pro\^soire n'avait pas encore lancĂ© son appel, que dĂ©jĂ  les dons affluaient de toutes parts. L'em- pressement des souscripteurs est tel que, dĂšs le 24 juillet, le montant des sommes, spontanĂ©ment souscrites, atteint $5, Des rĂ©unions ont lieu partout oĂč rĂ©sident des Fran- çais, Ă  San JosĂ©, Virginia City, Sacramento, Los Angeles, etc., etc. A San Francisco, le 8 aoĂ»t, dans un meeting, tenu dans la salle des Lafayette, on examine les deux questions suivantes 1*^ Moyens de se procurer des dĂ©pĂȘches exac- tes, moins entachĂ©es de partialitĂ© Ă©vidente que celles four- nies par l'association de la presse amĂ©ricaine. L'assemblĂ©e reconnaĂźt l'impossibilitĂ© d'organiser un service spĂ©cial de dĂ©pĂȘches. 2° Moyens de former une lĂ©gion californienne avec le grand nombre de Français qui, de divers cĂŽtĂ©s, SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 223 demandent Ă  s'engager comme volontaires-. LĂ  encore, l'assemblĂ©e se voit dans l'impossibilitĂ© de donner satisfac- tion aux vƓux qui lui sont adressĂ©s, les lois des Etats-Unis s'opposant Ă  toute organisation de ce genre. Mais comme les plus ardents ne se tiennent pas pour battus, le comitĂ© promet d'en rĂ©fĂ©rer au gouvernement de la DĂ©fense Natio- nale. Le 9 aoĂ»t, M. Touchard, au nom du comitĂ© central, fait un pressant appel au concours des Français de Califor- nie, et annonce, eu mĂȘme temps, un premier envoi de 50,000 francs au ministre des affaires Ă©trangĂšres. Cet apiel reçoit partout un accueil enthousiaste. Des moindres villages, comme des centres les plus importants, arrivent des tĂ©moignages d'un attachement passionnĂ© Ă  la mĂšre-patrie. Hommes, femmes et enfants livalisent d'ar- deur et de dĂ©vouement. Une femme, qui dĂ©sire garder l'anonyme, envoie sa montre en or, pour ĂȘtre vendue au profit de la souscrip- tion. Une autre envoie une machine Ă  coudre, sou gagne- pain ! M. Ellesler, de MayiSeld, offre une paire de boutons eu mosaĂŻque. M. FĂ©lix FĂ©raud, de San Francisco, une montre en argent et une chaĂźne en or. M, L. M. Gautier, blanchisseur, donne dix dollars avec promesse de verser cinq dollars par mois pendant toute la durĂ©e de la guerre. M. Louis Daragnez, de Stockton, et M. Joseph Trupin, s'offrent comme volontaires. Los Angeles envoie, par l'en- tremise de M. EugĂšne Meyer, ^1,000; Sacramento, par M. Lobe, §350; San JosĂ©, par M. de Saisset 667,50 2»'f liste; Nevada City, par M. Isoard, §140; Downie ville, par M. 224 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Barada, $49; Sonoma, par M. Eobin, $28,74; Ăźs^apa, par M. Van Bcvcr, $23; Wimiamucca, par M. Lay, 70; Yreka, $30; West Point, $15; Mosquito Gulch, $40,50; Marysville, par M. Mayou $B1,50; Portland, parM. LabbĂ©, $300; San Luis Obispo, par E. Cerf, $134,50; Benicia, " $34,50; Monterey, $32; Mountain View, $27; Frencli Cor- ral, $62; Santa Clara, par M. Gairand 2"^ liste $35,50; French Town, $16; Oak Valley, $60; Gold ĂŻĂŻill, $133,50; Hamilton City, par M. Ilaas, $360; Stockton, par M. Ba- rada, $202; Long Bar, par M. PĂ©lisson, $43,50; Virginia City, par M. CarrĂ©, $184,50; Santa Clara, {2^^^ liste $54; Kew Almaden, $65,50; Lagrange, $18,50; Indian Creek, $20,50; Petaluma, par M. Achille Kahu, $70; Campton- ville, des sommes diverses; Austin, par M. E. A. Vorbe, $154;Wat3onville, par M. d'Avila, $43; Truckee, par M. Vignotte, $ A Sacramento, le comitĂ© se compose de M^L J. Rou- tier, prĂ©sident; L. Goldsmith, vice-prĂ©sident; F. Cheva- lier, trĂ©sorier; A. Lobe, secrĂ©taire. Pierre Cauwet, publie dans le Courrier, des poĂ©sies et des articles pleins de verve et d'enthousiasme pour stimu- ler le zĂšle des souscripteurs. Chacun espĂšre pouvoir, Ă  force de sacrifices, conjurer la mauvaise fortune qui poursuit nos armes. Jusqu'alors, les souscriptions n'engageaient personne l — Nous donnons les noms des intermĂ©diaires que nous avons pu trouver dans le Covr- Her ou dnns les arcljives du comitĂ© central. C'est aussi Ă  ces deux sources que nous avons puisĂ© la plus grande partie des dĂ©tails que nous publions sur les deux grandes souscriptions nationales. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 225 pour l'avenir, Ă  l'exception de M. Gautier nommĂ© plus haut. Mais Ă  la nouvelle des grandes et dĂ©sastreuses batail- les livrĂ©es sous Metz, qui faisaient prĂ©sager une lutte acharnĂ©e se prolongeant jusqu'en plein hiver, le comitĂ© dĂ©cide de donner Ă  la souscription un caractĂšre de perma- nence. A cet effet, il convoque la population française pour le 22 aoĂ»t, Ă  la salle Mozart. Nous voudrions reproduire la physionomie de cette rĂ©union mĂ©morable et eu rappeler les incidents touchants; mais nous sommes obligĂ©s de nous borner. M. Touchard prĂ©side. Dans un discours qui remue vivement l'Ăąme de ses auditeurs, il retrace les diverses jDĂ©ripĂ©ties de la campa- gne qui vient de commencer d'une maniĂšre si lamentable. Trop Ă©loignĂ©s, dit-il, pour prendre part Ă  cette guerre de gĂ©ants, notre devoir est de venir en aide aux familles de ceux qui meurent pour Ja patrie. La lutte sera longue peut-ĂȘtre, et l'hiver s'approche Il faut organiser une souscription mensuelle qui restera ouverte pendant toute la durĂ©e de la guerre. DĂ©jĂ  un patriote a fait l'offre au Co- mitĂ© de souscrire pour cent dollars par mois, jusqu'au rĂ©- tablissement de la paix. "C'est lĂ , messieurs, dit le prĂ©si- dent en terminant, une noble et gĂ©nĂ©reuse pensĂ©e adoptons-la; imitons l'exemple de ce vrai iiatriote. Et une fois de plus, prouvons ainsi Ă  la France, prouvons au monde entier que, quelque Ă©loignĂ©s qu'ils soient de leur patrie, les Français ne se sĂ©parent jamais d'elle, et que, si Ă  l'heure du triomphe, ils s'associent Ă  sa gloire, cette gloire que des revers passagers ne sauraient ternir, 226 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. ils sont aussi avec elle et plus que jamais avec elle, au mo- meut du danger. Vive la France !" M. Touchard, invite ensuite les personnes qui ont des observations Ă  prĂ©senter, Ă  prendre la parole. Personne ne rĂ©pond. Au bout d'un court silence, M. Schemmel se lĂšve et dit "monsieur le prĂ©sident, je m'inscris pour dix dol- lars par mois". Ces simples paroles sont comme le signal d'un assaut gĂ©nĂ©ral de gĂ©nĂ©rositĂ©. Des voix retentissent de tous, cĂŽtĂ©s, lançant des noms et des chiffres. Le comitĂ© rĂ©- clame l'honneur de figurer en tĂȘte de la liste. 383 person- nes viennent s'inscrire Ă  sa suite; plusieurs pom- 200 dollars par mois. La moindre somme est 50 cents. Beau- coup souscrivent en leur nom, et au nom de leurs femmes et de leurs enfants. Des Ă©trangers, prĂ©sents Ă  la rĂ©union, se font Ă©galement inscrire un Wurtembergeois pour 20 dol- lars par mois, un Bavarois pour $1, et un Irlandais, M. Oul- lahon, pour $10. Le total des souscriptions mensuelles re- cueilhes pendant la soirĂ©e est de $4,360. Dans le cours de la sĂ©ance, plusieurs propositions sont faites, afin de grossir la souscription mensuelle qui doit marcher parallĂšlement avec la souscription gĂ©nĂ©rale. M. Renaud demande qu'on s'entende avec les correspondants du consulat pour faire de la propagande dans les localitĂ©s de l'intĂ©rieur. M. Alexandre AYeill propose, au nom des dames françaises, l'organisation d'une Foire ou Bazar. M. Pioche Ă©met l'idĂ©e d'une reprĂ©sentation théùtrale. M. Franconi, enfin, demande qu'une quĂȘte soit faite, sĂ©ance tenante. Toutes ces propositions sont adoptĂ©es, l'une aprĂšs l'autre, par acclamation. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 227 Pour clore la soirĂ©e, M. Bonnet chante la Marseillaise que les assistants rĂ©pĂštent en chƓur. Les dames françaises, sous la prĂ©sidence de Mme Emeric, se mettent immĂ©diatement Ă  l'Ɠuvre pour or'j-a- niser la Foire projetĂ©e. Quant Ă  la reprĂ©sentation, elle se borne Ă  un simple concert, et a lieu Ă  Metropolitan Théùtre. A vrai dire, elle n'a Ă©tĂ© imaginĂ©e que pour servir d'intro- duction ou de lever de rideau Ă  V encan, qui doit ĂȘti'e le vĂ©- ritable clou de la soirĂ©e. Ces dames avaient ret;u une masse d'objets de valeur pour ĂȘtre vendus aux enchĂšres. Ils con- sistaient en chaĂźnes, bagues, colliers, Ă©ventails, caisses d'eau de Vichy, plantes rares, tableaux, photographies, pendu- les, volumes prĂ©cieux etc. Il y avait m3me un vĂ©locipĂšde. Ces objets mis Ă  l'encan, rapportent des prix insensĂ©s. Citons, comme exemple, le passage suivant du compte- rendu de la vente. 10. bis — Une bouteille d'eau de noyaux de Phalsbourg, offerte par M. LĂ©on Weill, Phalsbourgeois; achetĂ©e par M. Sylvain Cahn, §125; remise en vente par l'acquĂ©reur, achetĂ©e par Mme Alexandre Weill, §30; remise en vente par l'acquĂ©reur, achetĂ©e par M. Grisar, consul de Belgique, §60; ofterte, par l'acquĂ©reur, Ă  M. LĂ©on Weill, qui la re- met en vente, achetĂ©e par M. Aron §60; remise en vente par l'acquĂ©reur, achetĂ©e par M. Emeric, §60. On vend jusqu'au marteau de l'encanteur, que M. Pioche achĂšte moyennant 50 dollars, et qu'il ott're A, M. Schwob qui avait bien voulu accepter l'emploi de commissaire-prise ur. 228 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Les encliĂšres produisent la somme de $5,379, Ă  la- quelle il faut ajouter $ bĂ©nĂ©fices du concert. On ne s'arrĂȘte pas lĂ . Chacun continue Ă  chercher les moyens les plus ingĂ©nieux pour augmenter le chiffre de la souscription. Une personne, signant Honneur ci Pairie, of- fre, sous ph cachetĂ©, un Hvret de Caisse d'Epargnes, reprĂ©- sentant un peu plus de 300 dollars, pour ĂȘtre mis en lote- rie. Cette loterie produit 1,160 dollars. Nom du gĂ©nĂ©reux donateur M. Marc de Kirwan. Le 2 septembre, un habitant de Sau JosĂ© propose de parier 200 vaches de prix contre 8,000 dollars, que les Prus- siens seront, sous peu de jours, battus et chassĂ©s de France, i Le 3 septembre, le Courrier publie ce pari et le len- demain 4, — Ă©pouvantable ironie du destin — tous les jour- naux font paraĂźtre un supplĂ©ment avec la dĂ©pĂȘche suivante "jSTew-York, 2 septembre. Le roi Guillaume annonce que l'empereur Louis NapolĂ©on s'est rendu hier," "Mac Mahon est blessĂ©." La nouvelle paraĂźt d'abord si extraordinaire, que per- sonne n'y veut ajouter foi, mais bientĂŽt forcĂ© de se rendre Ă  l'Ă©vidence, on se sent comme Ă©crasĂ© par la foudre! Pourtant, peu Ă  peu, on se reprend Ă  espĂ©rer, et c'est la nouvelle de la proclamation de la rĂ©publique qui relĂšve les courages. Expliquons-nous. A l'Ă©tranger, les Français, en gĂ©nĂ©ral, ne font pas de 1 — C'est par voie d'affiches placardĂ©es, Ă  JosĂ© et Ă  San Francisco, que cette offre a Ă©tĂ© faite. SOUSCRIPTION NATIOXALE 1870-71. 229 politique de parti. Tar patriotisme, ils s'attachent au gou- vernement Ă©tabli. C'est ainsi qu'en Californie, sans ĂȘtre impĂ©rialistes de conviction, ils s'Ă©taient ralliĂ©s, en grande majoritĂ© Ă  l'empire. A dĂ©faut de libertĂ©, ils voyaient dans ce rĂ©gime, illustrĂ© parla brillante Ă©popĂ©e de Na^DolĂ©on I, une garantie de la grandeur nationale. Mais lorsqu'arriva le moment des Ă©preuves; lorsqu'on vit que le colosse n'a- vait que des pieds d'argile et croulait sous le poids Ă©cra- sant de ses fautes et de ses crimes; lorsque surtout ou apprit la conduite si peu digne et si peu hĂ©roĂŻque de Louis- jSTapolĂ©on, en face de son vainqueur Ă  Sedan; alors la vĂ©ritĂ© Ă©clata, sombre et dĂ©solante, aux yeux des impĂ©rialistes les plus obstinĂ©s, et il se fit dans leurs Ăąmes comme un dĂ©chire- ment. Avec la proclamation de la rĂ©publique une nouvelle lueur d'espĂ©rance vint Ă©clairer l'horizon. La rĂ©publique avait, elle aussi, sa lĂ©gende glorieuse. AttaquĂ©e, en 1792, par l'Europe coahsĂ©e, elle avait trouvĂ© dans le patriotisme de ses enfants, dans l'intrĂ©pide dĂ©vouement de ses volon- taires, dans le gĂ©nie organisateur de Carnot les moyens de vaincre avec Ă©clat. Pourquoi n'en serait-il pas de mĂȘme de la nouvelle RĂ©publique 't VoilĂ  le travail intellectuel, ou, si l'on veut, le phĂ©no- mĂšne psychologique qui s'accomplit au sein de notre colo- nie. C'est par patriotisme qu'elle Ă©tait, en grande partie, impĂ©rialiste, c'est encore par patriotisme qu'elle est deve- nue sincĂšrement rĂ©pubhcaine. Voici, du reste, comment s'exprime, Ă  ce sujet, le Courrier, qui avait toujours Ă©tĂ© un ferme soutien de l'em- pire. 230 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. "Ce que nous avons dit, au dĂ©but de la guerre, nous le rĂ©pĂ©tons aujourd'hui. Quand l'ennemi est Ă  nos portes, toute provocation Ă  des discussions intĂ©rieures est un cri- me. Ce que nous demandions Ă  nos adversaires politiques, nous sommes dĂ©cidĂ©s Ă  le faire Ă  notre tour. ISTotre con- cours est acquis d'avance au gouvernement, quel qu'il soit, qui tient, en face de l'Ă©tranger, le drapeau de la France.... "Si la RĂ©publique doit sauver la France, tous tant que nous sommes, orlĂ©anistes, lĂ©gitimistes ou bonapartistes, marchons avec la RĂ©publique, et aprĂšs, quand le danger sera passĂ©.... eh bien ! nous travaillerons Ă  la consolider sur des bases durables." Les adhĂ©sions au nouveau gouvernement arrivent de tous cĂŽtĂ©s. Le poĂšte-ouvrier Cauwet, impĂ©riahste enthousiaste, publie une lettre dont voici un passage "Marchander son concours au gouvernement, nĂ© de l'immense malheur de la France, est un crime. "Il faut se rallier Ă  lui, mĂȘme les yeux pleins de lar- mes que donnent la honte et le dĂ©sespoir. "En jetant son Ă©pĂ©e sous les pieds d'Attila II,- l'em- pereui' nous a dĂ©gagĂ©s de cette fidĂ©litĂ© sans serment que nous, NapolĂ©oniens, tenions Ă  honneur de lui garder dans les dĂ©faites. "Aujourd'hui, si humbles que nous soyons, ce ^"ater- loo dĂ©shonorĂ©, ce Poitiers, moins la bravoure du roi, nous a fait libres. "Les dynasties sont des choses mortes. — La France seule survit. — Ni Bonaparte, — ni Chambord, — ni d'Or- lĂ©ans ! Je me rallie Ă  la RĂ©publique et je m'incline de- vant elle." Le comitĂ© de la souscription ne prit pas l'initiative du mouvement qui porta la population française Ă  se dĂ©clarer SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 231 en faveur du gouvernement de la rĂ©publique. Se tenant eu dehors et au-dessus des divisions d'opinions, fidĂšle d'ail- leurs Ă  l'admirable devise Tout pour la Patrie, qu'il avait adoptĂ©e, il reprĂ©sentait, avant tout, l'unanimitĂ© du patriotisme. Aussi laissa-t-il, avec raison, les initiatives politiques Ă  la colonie elle-mĂȘme. Il y eut deux groupes de manifestants Au Mecha- nics' lustitute, se rĂ©unirent, le 11 septembre, un certain nombre de rĂ©publicains de la veille, sous la prĂ©sidence de M. Lafaix, On y discuta un projet d'adresse au gouverne- ment de hi DĂ©fense Nationale. Ce projet ne fut adoptĂ© que quelques jours plus tard. Il exprimait, dans les termes les plus chaleureux, les sentiments de dĂ©vouement des signa- taires, au nouvel ordre Ă©tabli. L'assemblĂ©e vota aussi des remercĂźments au prĂ©sident des Etats-Unis, pour avoir reconnu si promptement et si cordialement, le gouverne- ment provisoire de la RĂ©publique française. Le 15 septembre, paraĂźt un appel adressĂ© aux Patrio- tes Français "Ă  ceux qui, ne pouvant verser leur sang pour la France, ont ouvert leurs bourses pour ses blessĂ©s, Ă  ceux qui sont Français avant d'ĂȘtre hommes de parti, aux rĂ©publicains de la veille comme aux rĂ©publicains du lendemain ; — tous sont conviĂ©s Ă  se grouper autour du gouvernement nouveau." L'appel est signĂ© des noms suivants A. jSTolf, A. Bourgoing, E. Thomas, A Schroder, A. des Farges, J. Emeric, E. DubĂ©dat, II. Videau, P. A. Laroche, P. Koth, Jules Mayer, J. Piuet, E. G. Lyons, M. de Kirvvau, II. 232 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Payot, E. Marque, J. Rotli, Robert Roy, Cli. Potron, A. Schwob, Prosper May, S. Lion. La rĂ©union, annoncĂ©e clans cet appel, a lieu Ă  la salle des Gardes Lafayettc, le samedi soir, 17 septembre, sous la prĂ©sidence de M. Pinet. Plusieurs discours patriotiques y sont prononcĂ©s, tous trĂšs modĂ©rĂ©s de ton au point de vue politique, i-es orateurs, en gĂ©nĂ©ral, rappellent nos gloires passĂ©es pour y puiser des espĂ©rances dans l'avenir. Le sen- timent commun Ă  tous, peut se rĂ©sumer ainsi "Vive la France!" d'abord, puis, "Vive la RĂ©publique!" Un Lor- rain, ancien rĂ©publicain, a des paroles amĂ res contre T em- pire qui vient de tomber si honteusement; il voudrait arra- cher de notre histoire la page infĂąme consacrĂ©e Ă  ce rĂšgne. Un autre orateur proteste contre ces expressions ; il trouve qu'il y a de bonnes et belles choses Ă  mettre en regard des mauvaises. Il proteste surtout, au nom de notre armĂ©e, qui s'est couverte de gloire en CrimĂ©e et en Italie. L'assemblĂ©e vote la dĂ©pĂȘche suivante pour ĂȘtre trans- mise, par le cĂąble, au gouvernement de la DĂ©fense Natio- nale "Les Français de Californie vous admirent, ils ont foi en vous, sauvez la France !" Une collecte faite parmi les assistants produit $468. L'arrivĂ©e au pouvoir des hommes qui, jusqu'au der- nier moment, s'Ă©taient opposĂ©s Ă  la guerre, avait fait espĂ©- rer une paix prochaine et honorable ; mais les exigences outrĂ©es du vainqueur rendant tout accord impossible, on comprit qu'il s'agissait de lutter maintenant pour TintĂ©- SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 233 gritĂ© et l'honneur m3mc de Li patrie. La guerre allait donc se poursuivre plus acharnĂ©e que jamais. Les Fran- çais-californiens qui voulaient s'engager comme volontai- res, pressĂšrent de nouveau le comitĂ© de leur en fournir les moyens. En attendant une dĂ©cision Ă  cet Ă©gard, plusieurs jeunes gens partirent Ă  leurs propres frais. O MM. Gaston Verdier, Parisien, et LĂ©on Weill, Phalsbourgoois, s'embar- quent dans les premiers jours de septembre. M. Baudry, ancien sous-ofiicier, les suit quelques jours plus tard. M. Victor Mathieu, de la compagnie Lafayette, vend son Ă©ta- blissement de mĂ©canicien pour se procurer l'argent nĂ©ces- saire Ă  son voyage. Puis, c'est un Breton, M. Antoine Laine, de Paimpol CĂŽtes- du-Xord, dont on annonce le dĂ©part. Sa mĂšre lui avait Ă©crit cette lettre digne d'une Romaine "Tes trois frĂšres m'ont quittĂ©e, ils se sont enga- gĂ©s et vont combattre les Prussiens. J'espĂšre que tu feras comme eux." M. Cauwet part, Ă  son tour, adressant une lettre trĂšs touchante Ă  ses amis de Californie. En voici un passage qui la rĂ©sume "O Californie ! Profond et doux attachement ! Au revoir ou adieu, moitiĂ© de mon cƓur! OĂč vais-jeĂŻ Goutte d'eau, je retourne Ă  lOcĂ©an. Fils jierdu, je retourne Ă  ma mĂšre Soldat dĂ©sillusionnĂ© d'un Em]ire dĂ©shonorĂ©, je vais servir la RĂ©publique. " Sedan a Ă©tĂ© le chĂątiment de ceux qui ont aimĂ© l'hom- me. A chacun de prendre sa part dans l'expiation. "O Californie, vaillante et adorĂ©e! O cƓurs pĂ©tris, comme ta terre, avec de l'or, au revoir ou adieu !" 1 — Kous citons les noms de ceux qui nous ont Ă©tĂ© signalĂ»s. 234 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Nous trouvons aussi, sur la liste des partants, les noms de MM. Michel Moritz et F. Lautheaume ; mais nous devons une mention toute spĂ©ciale Ă  un autre volontaire, dont la presse parisienne s'est occupĂ©e. Dans la RĂ©publique Française du 4 fĂ©vrier 1873, on lit,, en effet, la lettre suivante " Monsieur, "M. d'AudrifFret-Pasquier, dans la derniĂšre sĂ©ance de l'AssemblĂ©e de Versailles, a exaltĂ© la conduite de l'un des membres de la famille d'OrlĂ©ans pendant la guerre de la DĂ©fense Nationale. Veuillez, par contre, Ă ^ l'iionneur des gens de peu, opposer la simple histoire d'un cuisinier Ă  celle de Robert-le-Fort. "Victor Thomas, Français habitant San Francisco, oĂč il gagnait 100 dollars par mois, quitte cette ville Ă  la \\on- vcUe^de nos dĂ©sastres, dĂ©barque au Havre d'oĂč il se dirio-e sur Valencieunes, et s'y engage dans le 65e, aprĂšs avoir remis entre mes mains sa petite fortune et ses derniĂšres volontĂ©s. "Il n'avait iamais maniĂ© un fusil, mais son zĂšle et son courage le fout bientĂŽt distinguer. Il est nommĂ© caporal, puis sergent, fait la campagne de Picardie et reçoit, dans le ventre, Ă  la bataille de Saint-Quentin, une balle qu'on ne peut extraire. "Il guĂ©rit cependant, et la guerre terminĂ©e, revient Ă  Valencieunes, retire son dĂ©pĂŽt et me dit adieu. Puis, sans plus de bruit, se rembarque pour la Californie, emportant de France, en Ă©change de plus de 4,000 francs qu'il avait perdus, sa capote militaire reprisĂ©e au trou de la balle et la balle aussi. "AgrĂ©ez, etc. " DUFOXT, " Es-pi6sident de la Commission municipale Jo Valonciojnos." SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71, 23$ Dans le courant da mois de septembre, une de nos aimables compatriotes, madame AmĂ©lie Mezzara, femme du sculpteur de ce nom, partit pour offrir ses services aux blessĂ©s. DĂ©jĂ , pendant la guerre de sĂ©cession, elle avait accompli la mĂȘme tĂąche de dĂ©vouement dans les ambulan- ces amĂ©ricaines. En rĂ©compense de son gĂ©nĂ©reux courage, elle reçut aprĂšs la guerre, une croix de bronze de la SociĂ©tĂ© de Secours aux blessĂ©s, une mĂ©daille en or des Dames de la SociĂ©tĂ© de la CrĂšche française, et une autre mĂ©daille en or du gouvernement français. LA FOIRE FETE DES BLESSÉS. Pendant que les hommes cherchent Ă  cimenter leur union sur le terrain commun du patriotisme, les dames se mettent rĂ©solument Ă  l'Ɠuvre gĂ©nĂ©reuse qu'elles ont acceptĂ©e. Elles se rĂ©unissent, le 15 septembre, Ă  la salle des Gardes Lafayette. Une cinquantaine d'hommes assistent Ă  la rĂ©union. On dĂ©cide d'ouvrir, Ă  partir du 22 septembre et et pour une durĂ©e de cinq jours, une foij'e ou bazar dans l'immense pavillon qui s'Ă©levait alors sur la Union Plaza. On nomme un comitĂ© de Dames directrices, composĂ© de Mesdames Emeric, prĂ©sidente ; Alex. Weill, vice-prĂ©- sidente ; A. Blochman, trĂ©soriĂšre ; et M. Ăź^olf, secrĂ©taire. On organise aussi des commissions spĂ©ciales sous les titres suivants finances, rĂ©ceptions, bufĂźet, dĂ©cors, enchĂš- 236 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. rcs et loteries, fleurs et musique. Un comitĂ© d'hommes est adjoint aux dames. Enfin on fixe le prix des billets d'entrĂ©e Ă  50 cents pour les grandes personnes, et Ă  25 pour les enfants. Le 22 septembre, au soir, le Pavillon, Ă©lĂ©gamment dĂ©corĂ©, s'ouvre au public. A VentrĂ©e de la salle, on a Ă©tabli un bureau de poste et de tĂ©lĂ©graphe, dirigĂ© par Mme Sorbier et Mlle Dolet, assistĂ©es de M. Stoupe. Tlusieurs jeunes filles y sont atta- chĂ©es comme messagĂšres et portent des lettres, des dĂ©pĂȘ- ches, voire mĂȘme d'anonymes billets doux aux messieurs qui se promĂšnent dans le pavillon. Le port est de cinquan- te cents au profit des blessĂ©s. A cĂŽtĂ© de ce bureau, se trouve un grab box, panier ouvert qui contient de petits carrĂ©s de papier numĂ©rotĂ©s. Chaque numĂ©ro correspond Ă  un numĂ©ro semblable que porte un des objets dĂ©posĂ©s dans la stalle. Le numĂ©ro qu'on retire du panier, fait gagner un des objets Ă  l'Ă©talage. Mesdames Bazin et Ebers prĂ©sident Ă  ces opĂ©rations. Plus loin, un magasin de confiserie est tenu par Mme David Cahn. Vient ensuite une cantine placĂ©e sous la direction de Mme Melville, assistĂ©e de Mlle Elisabeth LĂ©vy, Française, et de Miss Lucy Eobinson, AmĂ©ricaine. En continuant Ă  circuler, on arrive devant un Ă©lĂ©gant pavillon de verdure, dans lequel on admire un fort joli groupe de jeunes AmĂ©ricaines, dont quelques-unes appar- tiennent au plus grand monde. — On y vend des bouquets. ImmĂ©diatement aprĂšs ce temple, plein de parfum. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 237 s'Ă©lĂšve un autre temple Ă©galement consacrĂ© Ă  la dĂ©esse Flore, et desservi par plusieurs de nos jeunes et gracieu- ses compatriotes. Mesdames Ăźklerlo et Lion y veillent Ă  la direction des affaires. Un peu plus loin, Mlle Ilallier, artiste lyrique, de pas- sage Ă  San Francisco, tient une vitrine de bijouterie. Plus loin, ou volt le bazar de M. Schwob. Des objets de prix y sont entassĂ©s et attendent d'ĂȘtre mis aux enchĂš- res. Au centre de la salle, s'Ă©lĂšve une fontaine. En avant de cette fontaine, sont placĂ©es quatre vitri- nes contenant des bijoux, destinĂ©s Ă  ĂȘtre gagnĂ©s eu loterie. On y remarque deux montres l'une y a Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e par un Français, et l'autre, enrichie de diamants, par un AmĂ©- ricain. Les deux donateurs ont voulu garder l'anonyme. Mesdames Alexandre Weill et Joseph Aron, sont les gar- diennes de ces trĂ©sors. Au fond de la salle, Ă  gauche, se trouve un autre ba- zar, et tout Ă  cĂŽtĂ©, un petit stand de cigares tenu par Mlle Mathilde Blum; puis successivement, on voit une table, dite Phalsbourg ci LibertĂ©, prĂ©sidĂ©e par Mme Emeric; une tĂŻiib\Q Ă Q soda icater tenue par Mme A. Gros; une table de roulette, par Mme E. Raas et Mlle C. LĂ©vy; une table des photographies de Strasbourg, par Mlles Ilortense Blum et autres; des Billiards confiĂ©s Ă  la direction de M. J. Aron. Enfin vient le restaurant, desservi jar vingt-deux da- mes ou jeunes filles, assistĂ©es d'un grand nombre de jeunes gens. Seize ou dix-huit tables, sont dressĂ©es lĂ , couvertes de victuailles, de glaces, de bouteilles de vins fins et de li- 238 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. quciirs de choix. Le service se fait avec un ordre et un en- train remarquable sous la direction de Mmes LĂ©opold Calni et DubĂ©dat. L'orclicstre, dirigĂ© par M. Eeiter, et composĂ© de 60 musiciens, occupe une estrade au fond de la salle. La soirĂ©e est ouverte par la .Marche Nuptiale de Mendels- sohn. Tuis commence le cours des opĂ©rations sĂ©rieuses de la Foire, c'est-Ă -dire, la vente. D'intervalle en intervalle, celle-ci est interrompue par l'exĂ©cution des diverses parties du programme de la soirĂ©e discours, rĂ©citations, chants patriotiques. La salle est excessivement animĂ©e. Il n'y a pas lĂ  que des Français. Des Ă©trangers de toute nationalitĂ© s'y sont donnĂ© rendez-vous, les uns attirĂ©s par la curiositĂ©, les au- tres par la sympathie. Entre autres objets destinĂ©s Ă  ĂȘtre vendus aux enchĂš- res, nous aimons Ă  en signaler deux, qui nous paraissent avoir un intĂ©rĂȘt particulier. Une superbe canne Ă  pomme d'or, offerte par l'honorable Philip A. Eoach, homme po- litique bien connu Ă  San Francisco, et Irlandais de nais- sance. Cette canne avait Ă©tĂ© faite avec le bois du navire Cadmus, sur lequel Lafayette Ă©tait arrivĂ© Ă  New-York, le 15 aoĂ»t 1824. Un bouton d'or, offrande d'un pauvi^e Français, ancien soldat et malade Ă  la Maison de SantĂ©. Ce modeste bijou avait Ă©tĂ© achetĂ©, au prĂ©cĂ©dent encan, par M. de Kirwan avec l'intention de le rendre au vieux brave. Malheureu- eement celui-ci mourut dans l'intervalle. M. de Kirwan, SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 239 sincĂšrement affligĂ©, Ă©crit alors au comitĂ© une lettre trĂšs touchante qu'il termine par ces mots "Ne vouclriez-vous pas me consoler un peu? Vous pouvez le faire en mettant de nouveau en vente le pauvre petit bouton d'or dont, Ă  mon tour, comme hĂ©ritier, je fais l'offrande, dans la pensĂ©e de donner ainsi, >ar le rĂ©sultat que j'espĂšre voir obtenir, une consolation d'outre-tombe Ă  l'ame immortelle du bon patriote dĂ©cĂ©dĂ©." Remis en vente, le bouton est adjugĂ© au prix de deux cents dollars Ă  M. G. Dussol. Si, pendant les soirĂ©es, on s'efforce de rĂ©unir le plus de fonds possible par des moyens aussi ingĂ©nieux les uns que les autres, les matinĂ©es ne sont pas non plus infructueuses. Le buffet, restant ouvert en permanence, les membres du comitĂ© y viennent prendre leur lunch avec leurs amis. C'est ainsi que le 24 septembre, ils se trouvent rĂ©unis, au nombre de douze, Ă  dĂ©jeuner au Pavillon. Au dessert, l'un d'eux propose d'affirmer, par un acte substantiel, les sym- pathies des convives pour le nouveau gouvernement fran- çais. Chacun comprend Ă  demi-mot; on s'empresse d'Ă©crire un chiffre sur un bout de papier, et on le jette dans un cha- peau que l'auteur fait circuler autour de la table. RĂ©sultat de cette petite manifestation 12,000 dollars. jSTous disons douze mille dollars, ou plus de soixante mille francs! AussitĂŽt on envoie la dĂ©pĂȘche suivante " Au GOUVKKNEMENT PROVISOIRE, ToURS, FrANCE. "L'Ă©nergie seule peut sauver la France. Recevez un envoi de GO, 000 francs pour continuer Ă  dĂ©fendre l'hon- neur national. A bientĂŽt d'autres sommes. "Vive la France ! "Les Français de Californie." 240 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Deux jours aprĂšs on reçoit la rĂ©ponse que voici " Le Gouvernement Français aux Français de Jaliformc. "La France reconnaissante, vous remercie de votre don patriotique. . ,, F 1 ,. Tours, 25 septembre 18/0." Nous croyons devoir dĂšs Ă  prĂ©sent, appeler, l'attention des lecteurs sur la dĂ©pĂȘche du comitĂ©, qui indique que la somme de 12,000 dollars recueillie pendant le dĂ©jeuner n'Ă©tait plus destinĂ©e aux familles des soldats tuĂ©s ou bles- sĂ©s, mais bien Ă  la dĂ©fense nationale. C'est le point de dĂ©- pai-t d'une nouvelle manifestation patriotique. Le 27 septembre, antre Ă©pisode du mĂȘme genre Dix ou douze Français, les mĂȘmes sans doute, dĂ©jeu- naient encore au Pavillon. Au dessert, -c'est toujours en ce moment que les grandes idĂ©es surgissent avec ou sans toasts,-quelqu'un propose d'imposer $50 dollars d'amende au profit du fonds des blessĂ©s, Ă  quiconque essaiera de faire un speech. RĂ©sultat de la proposition $1,050. Si nous ne donnons pas les noms des convives, c'est qu'ils n'ont point voulu les laisser publier. D'aprĂšs le rapport officiel de la trĂ©soriĂšre du comitĂ©, Mme iMatbilde Blochman, le produit net de la Foire s'est Ă©levĂ© Ă  $51, y compris $17,453 provenant des ven- tes aux enchĂšres. Ces $51, furent immĂ©diatement envoyĂ©s en France, au nom des dames françaises, pour les familles des soldats tuĂ©s ou blessĂ©s. Jusqu'alors, Ă  l'exception des $12,000 du dĂ©jeuner, toutes les remises faites par le co- SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 241 mitĂ©, avaient eu cette destination. Par Ă©gard pour le pays neutre qui leur accordait l'hospitalitĂ©, nos compatriotes s'Ă©taient eflbrcĂ©s de se tenir, dans leurs manifestations na- tionales, sur un terrain purement humanitaire. Mais, lors- qu'on apprit que l'ennemi, implacable dans ses exi- gences, refusait Ă  la RĂ©publique des conditions de paix honorables, on se dĂ©gagea de cette rĂ©serve et on dĂ©cida la crĂ©ation d'un nouveau fonds, celui de la guerre ou de la dĂ©fense nationale. Le dĂ©jeĂ»ner, dont nous avons parlĂ©, en fournit l'occasion et les premiĂšre moyens. AHn de stimuler le zĂšle de la population, en faveur de cette souscription, M. Touchard publia le 2 octobre, un appel dont voici la conclusion et le rĂ©sumĂ© "La Patrie est en danger ! C'est elle qui, par la bou- che de Jules Favre, vous adresse ces simples et touchan- tes paroles La France accepte la lutte, elle compte sur ses enfants!" L>Ă©jĂ , quelques jours auparavant, une dame qui vou- lait couvrir sa belle action du voile discret de l'anonyme, avait Ă©crit au comitĂ© la lettre suivante " San Francisco, 30 septembre 1870. "Messieurs, "J'ai l'honneur de vous adresser, ci-joint, une parure de valeur dont je vous prie de disposer Ă  votre conve- nance, au profit de votre caisse pour la dĂ©fense. "Je me permets de vous suggĂ©rer l'idĂ©e d'une loterie qui, je crois, produirait le rĂ©sultat le plus dĂ©sirable. "Je me sĂ©pare d'un souvenir bien cher, mais ce sacri- fice, relativement si petit, je le fais sans regret, puisqu'il s'agit de contribuer Ă  la dĂ©fense de l'honnenr de mon pays. "Que puis-je faire plus encore ! jSTe sont-elles pas di- 242 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. ffiies d'envie, celles de nos sƓurs en France, dont le dĂ©- vouement soulage tant de misĂšres, guĂ©rit tant de blĂ©s- sures ''Ici du moins, faisons ce que nous pouvons, ne recu- lons devant aucun effort, pour remplir notre devoir en- vers notre patrie bien aimĂ©e. "Kous tous, Messieurs, nous apprĂ©cions votre patri> tique initiative, et nous espĂ©rons que votre noble exemple donnera un nouvel Ă©lan aux sentiments gĂ©nĂ©reux de nos compatriotes. ^, -,^ "TJNE Française. Cette lettre Ă©tait accompagnĂ©e d'une magnifique pa. rure, montĂ©e en diamants et en perles, d'un considĂ©- rable. Mise en loterie, elle produisit ^3,000. Racine a dit "Il u'est point de secret que le temps ne rĂ©vĂšle." Eh bien, le temps a fait son Ɠuvre et nous ne croyons pas commettre d'indiscrĂ©tion, quatorze ans aprĂšs l'Ă©vĂ©ne- ment, en disant que cette gĂ©nĂ©reuse Française qui a laissĂ©' tant de bons et beaux souvenirs dans notre colo- nie, est Madame Alexandre Weill. De toutes parts, arrivent aussitĂŽt des encouragements et des promesses de concours. De Brighton, Mme Routier Ă©crit une lettre remplie des sentiments du plus ardent pa- triotisme. L'avocat amĂ©ricain, M. John B. Felton s'inscrit pour une somme mensuelle de $250 pendant quatre mois. Les deux souscriptions, du reste, marchent de pair. A Sacramento, nos compatriotes organisent une Foire, Ă  l'exemple de San Francisco. Le comitĂ©, nommĂ© Ă  cette oc- casion, se compose de MM. B. Dennery, prĂ©sident; F. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 243 Chevalier et W. P. Coflertj, vice-prĂ©sidents; A. Lobe, se- crĂ©taire, et Thomas Guineau, trĂ©sorier. A ces messieurs, 011 adjoint un comitĂ© de dames dont pkisieurs sont amĂ©ri- caines. On peut voir par les nombreux faits, citĂ©s dans ce rĂ©cit, que si les journaux du pays Ă©taient presque unani- mement hostiles Ă  la France, il n'en Ă©tait pas tout-Ă -fait ainsi des AmĂ©ricains eux-mĂȘmes. Ceux-ci se montraient gĂ©nĂ©reux en maintes circonstances, et quelques-uns tĂ©moi- gnaient hautement de leurs sympathies pour notre cause. Nous avons mĂȘme remarquĂ© que dans les petites localitĂ©s, ces sentiments de vieille amitiĂ© pour notre pays Ă©taient plus rĂ©pandus que dans les grandes villes. Ainsi, Ă  Vallejo, les AmĂ©ricains, rĂ©unis en assemblĂ©e publique, adoptĂšrent les rĂ©solutions suivantes "Il est rĂ©solu que nous considĂ©rons les membres de la RĂ©publique française comme nos frĂšres, que nous nous en- gageons Ă  lui donner notre appui de tout notre cƓur, que nous approuvons l'action de notre gouvernement en recon- naissant promptement la RĂ©publique. "De plus, nous nous engageons, nous, nos fortunes et notre honneur sacrĂ©, Ă  soutenir notre gouvernement dans chaque ettbrt qu'il fera pour maintenir la canse du gouver- nement rĂ©publicain." A San Francisco, les propriĂ©taires du Lick House, MM. Lawlor et C^^^ en apprenant l'arrivĂ©e prochaine des dames de Sacramento, dĂ©lĂ©guĂ©es par le comitĂ© de la Foire, leur offrent gracieusement l' pour toute la durĂ©e de leur sĂ©jour en ville. M. John Shannon, de Folsom, homme politique in- 244 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. fluent, annonce aux dames françaises de Sacramento, que lui et ses amis de sa localitĂ©, dĂ©sirant donner une marque de sympathie Ă  leur noble entreprise, se proposent de prendre un train spĂ©cial et de se rendre en masse Ă  la Foire, samedi 29 octobre. Un incident de ce Bazar Parmi les objets offerts pour ĂȘtre vendus aux enchĂš- res, se trouve un portrait de Bazaine dont on vient d'ap- prendre la trahison. Mme B. Dennery, prĂ©sidente, — Française de cƓur, sinon de naissance — se saisit du portrait en s'Ă©criant "Il ne vaut rien ici, il s'est vendu assez cher Ă  Metz!" et dĂ©chirant l'image, elle en jette les morceaux Ă  terre et les piĂ©tine aux applaudissements de la foule. La Foire de Sacramento rapporte $5,000. Des artistes français, de DĂ©troit Michigan, envoient au comitĂ© de San Francisco deux portraits, l'un Ă  l'huile et l'autre Ă  l'aquarelle, D pour ĂȘtre vendus Ă  cent dollars piĂšce, au profit de la souscription. Noms des artistes Paul Louvrier et M. Gambier. Nos compatriotes, Ă©tablis dans l'Etat de Nevada, sui- vent l'exemple des Californiens. Les dames de Grass Val- ley donnent un bal qui produit net $850. Richfield Cari- boo envoie $953. La petite ville d'Austin, $420 en deux listes; des personnes de toutes les nationalitĂ©s y ont contri- buĂ©, mĂȘme des Allemands. 1— Les portraits Ă©taient ceux de Gambetta et de Jules Favre. Le premier a Ă©tĂ© acquis par M. Alexandre Weill et l'autre dĂ©core la salle de rĂ©unions du ComitĂ© de la SociĂ©tĂ© Française de Bienfaisance Mutuelle. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 245 On a aussi des nouvelles du Mexique et de Panama. Partout les Français fout leur devoir. Le Courrier publie uue lettre de MM. LĂ©on Weill et Gaston Yerdier, datĂ©e du Mans. "Les soldats, disent-ils entre autre choses, n'ont pas de haine contre les Prus- siens Il est mĂŽme incroyable qu'il n'y ait pas plus d'animositĂ© contre des troupes qui, tous les jours, commet- tent des excĂšs sans nombre." Capitulation de La capitulation de Metz, accomplie dans des circons- tances faites pour dĂ©truire les plus robustes espĂ©rances, n'arrĂȘte point l'Ă©lan patriotique en Californie. Une rĂ©union, prĂ©sidĂ©e par M. Pinet, a lieu le 30 octo- bre. Les orateurs discutent la situation de la France, pri- vĂ©e de sa derniĂšre armĂ©e, et avant de savoir que Gambetta avait flĂ©tri Bazaine dans une proclamation immortelle, ils dĂ©clarent Thomme de Metz, traĂźtre Ă  la patrie. AprĂšs les discours, on rĂ©dige une adresse au gouvernement, dans la- quelle on lit ces mots "Un marĂ©chal de F empire n'est ni l'armĂ©e ni la nation, la RĂ©publique sauvera la France !" Une quĂȘte termine la soirĂ©e, et iroduit $1,632. Entre temps, les souscriptions poursuivent leur cours sans interruption, A San Francisco, l'Ă©glise française fait, Ă  chaque office, des collectes lucratives. 1 — 2T octobre 18T0. 246 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. La petite ville de Nevada organise un bal, une reprĂ©- sentation et une tombola, sous les auspices des daines fran- çaises. RĂ©sultat 2,300 dollars, envoyĂ©s par M. FĂ©lix Gil- let, au comitĂ© central de San Francisco. La petite ville de Sonora donne une soirĂ©e qui rap- porte 1725. Ce sont les AmĂ©ricains qui contribuent le plus Ă  ce rĂ©sultat, les Français Ă©tant peu nombreux. De leur cĂŽtĂ©, un grand nombre de jeunes patriotes re- viennent Ă  l'idĂ©e de rentrer en France, comme volontaires. Le Courrier fait Ă  ce sujet l'observation suivante "Ce ne sont pas les hommes qui doivent manquer en France. Avec dix mille dollars, qu'il nous faudrait pour ex- pĂ©dier cent volontaires, par exemple, le gouvernement ar- mera cinq cents et peut-ĂȘtre mille concrits, qui n'attendent que des fusils pour marcher." Ce langage sensĂ© irrite l'ardeur gĂ©nĂ©reuse des jeunes patriotes. Ils ne demandent de secours disent-ils, que pour se rendre Ă  New-York; de lĂ , le consul les rapatriera. Le comitĂ© soumet la question, par dĂ©pĂȘche, au gouver- nement de Tours, et reçoit la rĂ©ponse suivante, qu'on peut lire, exposĂ©e dans un cadre, Ă  la BibliothĂšque française "Tours, 13 novembre 1870. "Aux Français de Californie, ''Gambcita, ministre de U IntĂ©rieur et de la Guerre, membre du gouvernement de la RĂ©publique française, au ComitĂ© Central de Californie, Ă  San Francisco. "Salut et FraternitĂ©!" "Je vous remercie, citoyens, pour votre gĂ©nĂ©reux don de cinquante mille francs oĂŽerts Ă  la RĂ©publique. f» Nous 1 — Le ComitĂ© faisait des remises de 50 Ă  fra de la souscription rentraient dans la caisse du trĂ© ,000 francs, au fur et Ă  mesure que les fonds 'isorier. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 247 accepterions volontiers votre oĂ»ve de volontaires, mais j'ai la satisfaction de vous annoncer que l'Ă©lan patriotique est assez grand chez nous, pour que nous n'ayons pas besoin d'hommes; les secours en argent seront toujours bien ac- cueillis, surtout quand ils viennent d'AmĂ©rique." "Gambetta." Cette dĂ©pĂȘche, publiĂ©e le 15 novembre, tranche la question des volontaires, mais le comitĂ© s'en sert aussi pour stimuler le zĂšle des souscripteurs, dans l'intĂ©rĂȘt des fonds affectĂ©s Ă  la dĂ©fense nationale. Ce mĂȘme jour, meurt Ă  San Francisco un vieux brave, ĂągĂ©e de 85 ans, M. Elie Alexandre, Alsacien, mĂ©daillĂ© de Ste HĂ©lĂšne, lieutenant des Gardes Lafayette, qui avait Ă©tĂ© promu officier Ă  la fin de la campagne de France en 1815. Les obsĂšques du vĂ©nĂ©rable vĂ©tĂ©ran sont l'occasion d'une grande dĂ©monstration patriotique. Sur sa tombe, le rabbin, M. Elkan Cohn, Allemand de naissance, prononce un discours en français duquel nous croyons devoir dĂ©ta- cher ce court passage "M. Alexandre Ă©tait non seule- ment un honnĂȘte homme, dans toute l'acception du mot ; mais il Ă©tait, en mĂȘme temps, un grand patriote. Il eut la douleur d'apprendre les malheurs qui accablent aujour- d'hui sa patrie, et la mort l'a frappĂ© trop tĂŽt, pour qu'il puisse voir la France reprendre le rang qu'elle mĂ©rite d'oc- cuper, Ă  tant de titres, parmi les nations de l'Europe. " Le consul-gĂ©nĂ©ral de France, M. Breuil, rend Ă©gale- ment hommage Ă  la mĂ©moire du vieux soldat. AprĂšs avoir rappelĂ© ses Ă©tats de services, il raconte qu'il avait de- mandĂ© pour lui la croix de la lĂ©gion d'honneur, mais que 248 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. sa deraaude n'a pu aboutir Ă  cause des Ă©vĂ©nements si dou- loureux amenĂ©s par la guerre. Les offrandes Ă  la patrie continuent d'affluer de toutes parts. A Denver Colorado, les quelques Français de cette ville ont organisĂ© une Foire qui produit 1,300 dollars. Tous les habitants se sont fait un plaisir de contribuer au succĂšs de l'Ɠuvre. M. Etienne Michel, de San JosĂ©, envoie au comitĂ© 50 dollars gagnĂ©s Ă  un Prussien qui avait pariĂ© que Paris se- rait pris le 20 novembre. MM. Delmas et Sourisseau, de la mĂȘme ville, en- voient aussi, chacun, une somme Ă©gale, provenant d'une source semblable. Mazatlan Mexique rĂ©unit $1, La compagnie italienne, Garibaldina, offre au comitĂ© $136, tiers du produit net d'un festival, et destinĂ©s aux blessĂ©s. Honolulu envoie $100. Ce n'est pas sa premiĂšre re- mise. Comme il n'y avait, Ă  cette Ă©poque, qu'une vingtaiue de Français aux Ăźles Sandwich, il couinent d'attribuer Ă  la cĂ©nĂ©rositĂ© des Ă©trangers, une bonne partie des oiĂŻi-andes. Revenons Ă  la dĂ©pĂȘche de Gambetta. Nous avons dit que le comitĂ© avait dĂ©cidĂ© de s'en ser- vir pour donner une nouvelle impulsion Ă  la souscription. Cette tĂąche lui fut rendue d'autant plus facile que la teneur de la dĂ©pĂȘche avait relevĂ© bien des courages. Elle attes- tait, en effet, que la situation n'Ă©tait point dĂ©sespĂ©rĂ©e, que SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 249 ]e gouvernemeut Ă©tait rĂ©solu Ă  poursuivre Ă©uergiquemeut la lutte et que, si l'argent lui faisait dĂ©faut, les hommes ne manquaient pas. C'est donc de l'argent qu'il fallait se pro- curer. Aussi le comitĂ© se mit-il aussitĂŽt Ă  l'Ɠuvre avec une ardeur nouvelle. "^ Le 25 novembre, M. Beleour, chancelier du consulat de France, met Ă  la disposition du comitĂ© une somme de 830 dollars, provenant d'une petite propriĂ©tĂ© qu'il vient de vendre. C'est le premier fruit portĂ© par la dĂ©pĂȘche de Gambetta; mais cette dĂ©pĂȘche avait fait germer dans un cƓur gĂ©nĂ©reux une idĂ©e qui allait produire une riche mois- son. Étrennes Ă  la Patrie. Le 16 dĂ©cembre, le Courrier pubhe un article adressĂ© Ă  M. Emile Marque, rĂ©dacteur du journal et membre du ComitĂ© Central. Cet article est signĂ© Un Enfant de la Gironde. Dans un langage plein de cƓur, l'auteur anonyme rappelle qu'il "est d'usage immĂ©morial, Ă  l'occasion du renouvellement de l'annĂ©e, de laisser, coĂ»te que coĂ»te, un libre cours Ă  notre gĂ©nĂ©rositĂ©, pour donner sous forme de jirĂ©sents, Ă  tous ceux qui nous sont chers, des tĂ©moignages de notre affection et de notre estime. Eh bien ! ne pour- rions-nous, dit-il, comme preuve de notre dĂ©vouement Ă  U — Jusqu'alors le ComitĂ© n'avait, pour ainsi dire, qu'une existence provisoire. Le 19 no- vembre 1S70, il procĂšde Ă  sa constitution dĂ©finitive, sous le nom de ComitĂ© Central delĂ  Souscription Nationale. Le nouveau bureau fut composĂ© ainsi qu'il suit. MM. Touchard, prĂ©sident; Pioche et Alex. WelU, vice-prĂ©sidents; MahĂ©, trĂ©sorier; L. Nolf et E. Marque, secrĂ©taires. 250 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. notre mĂšre-patrie, qui doit, certes, primer toute autre affection dans nos cƓurs, dĂ©tourner Ă  son irofit, sinon en totalitĂ©, au moins en partie, le cours de cette gĂ©nĂ©rosi- tĂ©?".... Et l'auteur propose d'ouvrir une nouvelle souscrip- tion pour le fonds de la guerre, sous le titre Étrexnes a LA Patrie ! En mĂȘme temps, il prie M. Marque de remet- tre au comitĂ© la somme de cent dollars, jointe Ă  la lettre, pour ĂȘtre inscrite sur cette liste spĂ©ciale. Ici encore, nous nous permettrons d'invoquer le fameux vers de Racine. Du reste, tout le monde, Ă  San Francisco, sait aujourd'hui que 1' "Enfant de la Gironde " n'est autre que M. Marc de Kirwan. Son idĂ©e fait fortune. De toutes parts pleuvent les adhĂ©sions. Une personne, signant Un Français de cƓur, Ă©crit au Courrier, pour dĂ©clarer qu'elle s'associe aux sentiments o-Ă©nĂ©reux du promoteur des Étrennes Ă  la l'atrie, et elle envoie $20. M. ĂźTarjot, artiste, adresse au comitĂ© un bon pour un portrait en buste, Ă  condition que le prix fixĂ© par la per- sonne Ă  peindre sera versĂ© au fonds de la DĂ©fense Natio- nale. Le comitĂ© accepte pour sMi compte le bon, et dĂ©cide de faire faire le portrait de son prĂ©sident. Une Française, dont nous regrettons de ne pouvoir rĂ©vĂ©ler le nom, et qui signe Une Parisienne, offre au comitĂ© une parure, "souvenir bien cher, - dit-elle dans sa lettre, - et qui le deviendra bien plus encore, puisque j'ai le boulieur de pouvoir venir en aide Ă  ceux qui sourtreut. ' SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 251 Les boulangers fniucais qui ont l'habitude, Ă  l'Ă©poque de la FĂȘte des Rois, d'oftrir Ă  leurs pratiques le gĂąteau renfermant la fĂšve traditionnelle, dĂ©cident que cette annĂ©e, ils verseront au fonds des blessĂ©s ou de la DĂ©fense Natio- nale, la somme destinĂ©e aux gĂąteaux en question. Ils fixent cette somme, pour chacun d'eux, Ă  50 dollars. Les signataires de cet engagement sont MM. Gie- nouillcau frĂšres, F. GuĂ©nin, J. Maillies et Ch" , AndrĂ© Ilourgassan, François Jallu, B. Duterte, Boudin et 0*^ , E. Cardinet, BĂ©raud, FĂ©hx FĂ©rot. Mais le comitĂ©, lui aussi, saisit la balle au bond. Il convoque la population pour le 31 dĂ©cembre, Ă  Mozart Hall, rue Post. M. Touchard, qui prĂ©side la rĂ©union, donne d'abord lecture du compte-rendu des sommes encaissĂ©es par le trĂ©- sorier jusqu'Ă  cette Ă©poque. Puis, il ajoute "Les remises ont Ă©tĂ© faites au ministre des affaires Ă©trangĂšres, quand il s'est agi de secours Ă  faire parvenir aux fĂźimilles des soldats tuĂ©s ou blessĂ©s sur le champ de bataille ; et au ministre de la guerre, quand il s'est agi de la dĂ©fense nationale. Chaque envoi a Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ© d'un tĂ©lĂ©gramme adressĂ© Ă  l'un ou Ă  l'autre ministre, et si le coĂ»t du tĂ©lĂ©gramme ne figure point dans les comptes qui vous ont Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©s aujourd'hui, c'est que cette dĂ©pense a Ă©tĂ© couverte par les membres du ComitĂ©, qui en ont fait leur afiaire personnelle, dĂ©sireux pi'ils Ă©taient que les fonds parvinssent intacts Ă  leur destination resiective." Ces explications donnĂ©es, M. Touchard arrive Ă  l'ob- jet principal de la rĂ©union. Dans une chaleureuse allocution, il dĂ©veloppe la belle et gĂ©nĂ©reuse pensĂ©e Ă©mise par un "Enfant de la Gironde." 252 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. "Ne craignez pas, dit-il, dannoiicer Ă  vos parents, Ă  vos amis qu'ils ii'out pas d'Ă©trennes Ă  attendre de vous cette annĂ©e.... "Et vos enfants ! Ah ! ne nĂ©gligez pas cette occasion de dĂ©poser dans leurs cƓurs le germe de l'amour de la pa- trie ; bĂ©nissez-les, ces ĂȘtres chĂ©ris, laissez-les s'abreuver dĂšs leurs plus tendres annĂ©es Ă  la cou^je sacrĂ©e du patrio- tisme." C'est sous l'impression de ce discours, que la souscrip- tion s'est ouverte. Elle produit, sĂ©ance tenante, $20, La moitiĂ© eu a Ă©tĂ© souscrite par une douzaine de nos com- patriotes, les mĂȘmes, probablement, qui avaient pris part aux mĂ©morables dĂ©jeuners du PaAdllon. Mais, dans cette circonstance encore, par un honorable sentiment de dĂ©li- catesse, ils dĂ©cident que le journal, tout en publiant les noms des souscripteurs aux Etrennes, s'interdira de men- tiomier le montant de la somme souscrite par chacun individuellement. Close le 14 janvier, la souscription aux Etrennes pro- duit $23, DĂ©pĂȘche du comitĂ© au ministre de la guerre Ă  Bor- deaux " 30 DĂ©cembre. "Etrennes des français de Californie "A LA FRANCE. " Cent mille francs pour la DĂ©fense Nationale, "Vite la Feaxce! "Vive la EĂ©pcelique!" SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71 253 RĂ©ponse ^^ Gambetta Ă  G. Touchard, COMITÉ CENTRAL, SAN FKANCtSCO. "Au nom de la France, de la RĂ©publique, de notre hĂ©roĂŻque Paris, merci Ă  nos frĂšres d'outre-mer! Salut Ă  VOUS tous, qui veillez et agissez incessamment pour le salut de la Patrie ! L'annĂ©e qui se lĂšve, ouvre l'Ăšre dĂ©fini- tive de la libertĂ© et de la grandeur nationale. Que d'un bout Ă  l'autre de l'univers, toute bouche française acclame cette renaissance ! "Vive la RĂ©publique ! "Salut et FraternitĂ©. "BORDEAUX. "LÉON GamBETTA." 13 Janvier — Frank Pixlej, directeur de V Argo7iant, Ă©crit de Bruxelles, d'oĂč il suivait le cours des Ă©vĂ©nements, une sĂ©rie de lettres publiĂ©es Ă  San Francisco, et trĂšs sym- pathiques aux Français. 17 Janvier — Un Phalsbourgeois, habitant San Fran- cisco, gague Ă  un Prussien un panier de vin de Champagne. Il le met en vente au profit des victimes du bombarde- ment de sa ville natale. Le Prussien avait pariĂ© que Paris serait pris avant le premier janvier. La vente Ă  l'encan de ce vin, faite au CiifĂ© Français, rapporte $ En outre, une souscription particuliĂšre est ouverte chez M. Alex. Weill, en faveur de Phalsbourg. 20 Janvier — M. Tony Gordon, qui vient d'arriver l — ArrivĂ©e Ă  San Francisco le 31 dĂ©cembre 1S70, Ă  9 heures 15 minutes du matin. 254 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. de France, a l'idĂ©e dans trois maisons un tronc destinĂ© Ă  recevoir des offrandes pour la dĂ©fense nationale. 28 Janvier — On apprend u'Ă  Guatemala, oĂč se trouvent une quarantaine de Français, deux souscriptions ont produit ensemble ^2,897. Des Belges et des Suisses y ont contribuĂ©. 29 Janvier — Un cigare, mis aux enchĂšres dans un dĂźner d'amis au Restaurant de Paris, Ă  San Francisco, rap- porte Fin Janvier — M. Constant Meyer, de Los Angeles, envoie une nouvelle somme de $161, recueillie dans cette ville ; $101 proviennent de la loterie d'un fusil de chasse donnĂ© par M. L. Loeb, Strasbourgeois. Le Courrier pubhe une lettre arrivĂ©e, par ballon, de Paris assiĂ©gĂ©, et adressĂ©e au Consul de France. Sur l'adresse, une main inconnue avait Ă©crit en allemand les lignes suivantes, dont nous donnons la tra- duction " Peuples insensĂ©s, nous Ă©gorgerons-nous toujours pour le plaisir et l'orgueil des rois ? " Gloire et conquĂȘtes signifient crimes ; dĂ©faite signi- fie haine et dĂ©sir de vengeance. " Une seule guerre est juste et sainte celle de l'In- dĂ©pendance. "Paris dĂ©fie l'ennemi. La France se lĂšve tout entiĂšre. Mort aux envahisseurs !" SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 255 Capitulation de Paris.'" AprĂšs sept mois d'investissement, aprĂšs avoir Ă©puisĂ© toutes ses ressources et mangĂ© sou dernier morceau de pain de misĂšre, Paris cĂšde enfin Ă  cet ennemi plus terrible, plus inexorable que les armĂ©es les plus puissantes et les plus cruelles la Faim ! La reddition de Sedan et de Metz n'avait fait qu'exas- pĂ©rer les courages et exalter les esprits ; mais la chute de Paris, c'Ă©tait — on le croyait d'abord — l'anĂ©antissement de toutes les espĂ©rances ! La fatale nouvelle circula Ă  San Francisco dĂšs le len- demain. Le Courrier annonce l'aifreux Ă©vĂ©nement dans des termes d'une douleur et d'une amertume extrĂȘmes. " Quoi ! — s'Ă©crie-t-il — en cinq mois, la France n'a pas rĂ©uni assez d'hommes pour chasser 400,000 Alle- mands ! — Paris a vainement attendu que la province vĂźnt Ă  son secours. Il en fallait un milhon ! Elle ne s'est pas levĂ©e en masse ! "Elle l'eĂ»t fait, il y a cinquante ans; mais aujourd'hui, les vieux n'ont plus assez de force, et les jeunes — c'est la mort dans l'Ăąme que nous le consta- tons — les jeunes n'ont plus assez de cƓur !" Et un long et morne silence se fait dans le journal et dans la colonie, silence qui trahit d'une maniĂšre poignante la dĂ©sespĂ©rance gĂ©nĂ©rale. La France gisait Ă  terre, haletante, Ă©puisĂ©e, perdant son sang par mille blessures. La guerre paraissait termi- 1 — 28 janvier 1S71. 256 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. nĂ©e. Le monde civilisĂ© pouvait maintenant, sans dĂ©sobli- ger la Prusse, parler d'humanitĂ© et tendre une main secou- rable Ă  Paris, blessĂ© et mourant de faim, Ă  la France ravagĂ©e, livrĂ©e Ă  la merci d'un vainqueur sans pitiĂ©. Les Etats-Unis furent des premiers Ă  envoyer des vivres Ă , Paris et aux dĂ©partements aĂŽamĂ©s. A San Fran- cisco, YEi-ening Bulletin fit, dĂšs les premiers jours de fĂ©vrier, un appel en faveur de cette Ɠuvre d'iiumanitĂ©, et la Chambre de commerce, prenant l'atiaire en main, nom- ma un comitĂ© de cinq membres, prĂ©sidĂ© par M. C. A. Low, chargĂ© de recueillir des souscriptions pour le Frencli lielief La souscription, close le 22 avril suivant, atteignit le chiflre de 111,072.2 De sou cĂŽtĂ©, la population française ne resta pas iuactive. Revenue du morne abattement oĂč l'avait jetĂ©e la capitulation de Paris, elle se sentit tressaillir jusqu'au plus profond des entrailles, cĂ  l'annonce de l'Ă©pouvantable dĂ©- tresse de notre pays natal. Il ne s'agissait plus de lutte dĂ©- sespĂ©rĂ©e Ă  soutenir — l'armistice Ă©tait signĂ©, — mais de ve- nir en aide, Ă  ceux qui mouraient de faim lĂ -bas I C'est au nom de la fraternitĂ© française, que cette fois le comitĂ© de la souscription nationale, vient demander Ă  nos compatriotes de nouveaux sacrifices. Une rĂ©union a lieu, le 14 fĂ©vrier, Ă  Mozart ILdl SĂ©ance tenante, on recueille $12,041. Vu l'urgence du cas, on y 1 — Fonds de secours pour les Français. 2 — A New York, le 12 mars, les souscriptions pour le French Relief Fund s'Ă©levaient Ă  $nS,S50. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. , 257 ajoute $8,000 pris sur le fonds des blessĂ©s. En mĂȘme temps, on permet Ă  chaque souscripteur de dĂ©signer la ville ou telle partie de la France, Ă  laquelle il dĂ©sire que son oflraude soit envoyĂ©e. Pour distribuer ces secours, on nomme un comitĂ©, formĂ© d'anciens rĂ©sidents franyais en Californie, alors Ă©ta- blis Ă  Paris. Ce comitĂ© est composĂ© de MM. Simon La- zard, Gustave Kaindler et le Dr. Celle. DĂ©pĂȘche adressĂ©e Ă  ces messieurs, le 18 fĂ©vrier "J. M. Lazard, Lime Chambers sireet, London. "Souscription des Français 110,000 francs. Distribuez en France 40,000 francs en secours aux familles pauvres des tuĂ©s et blessĂ©s; en provisions, aux nĂ©cessiteux; 6,000 fr. en semences aux fermiers; 2,000 Ă  l'ambulance Monod-Mezzara. Attendez lettre pour les 37,000 franca restant. "G. ToucHARD, PrĂ©sident." La lettre, en question, donnait les indications suivan- tes sur l'emploi Ă  faire des 37,000 francs. Environs de Paris, 17,000 francs; Paris, 550; envi- rons de Metz, 7,500; Phalsbourg, 2,100; dĂ©partements des bords de la Loire, 1,000, etc. 500 francs devaient ĂȘtre dis- tribuĂ©s Ă  des familles dĂ©signĂ©es par Gambetta. Le montant total des sommes recueillies parmi les Français-californiens, dans le but spĂ©cial que nous venons d'indiquer, a atteint $18,726. San JosĂ© y a contribuĂ© pour $2,300. Voici le passage d'une dĂ©pĂȘche, adressĂ©e par le gou- 258 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. vernement au consul-gĂ©nĂ©ral de France Ă  San Francisco, accusant rĂ©ception des derniers envois de fonds i' " Versailles, 11 avril 1871. " Monsieur, "J'ai reçu la dĂ©pĂȘche que vous m'avez fait l'honneur de m'Ă©crire sous le n° 28.... J'ai Ă©tĂ© profondĂ©ment touchĂ© de la gĂ©nĂ©rositĂ© avec laquelle les. Français de votre rĂ©si- dence ont rĂ©pondu au nouvel appel qui leur a Ă©tĂ© adressĂ© parle comitĂ© de souscription nationale. En ajoutant en- core aux versements dĂ©jĂ  si considĂ©rables qu'ils avaient prĂ©cĂ©demment effectuĂ©s, nos nationaux se sont acquis les titres les plus honorables Ă  la reconnaissance du pays, et je vous prie de les remercier, au nom du gouvernement, de leur gĂ©nĂ©reuse et patriotique assistance. "Jules Favre," Ăź^ous sommes arrivĂ© Ă  la fin de la partie de l'histoire des grandes souscriptions en Califor- nie. Avant d'en reproduire le compte-rendu officiel, il nous reste Ă  citer les quelques faits suivants Tout en prodiguant son or Ă  la patrie, notre colonie a gĂ©nĂ©reusement rempU ses devoirs d'humanitĂ© envers les incendiĂ©s de Chicago, ceux de la Pointc-Ă -Pitre Guade- loupe, les familles des martyrs de Bazeilles, les Suisses habitant Paris pendant le siĂšge, etc., pour lesquels des souscriptions spĂ©ciales avaient Ă©tĂ© ouvertes. Le 6 juillet, la population française de San Francisco a Ă©tĂ© profondĂ©ment attristĂ©e par la mort de M. Sylvain Cahn, ĂągĂ© de 34 ans et frĂšre de M. David Cahn. Membre 1 — On voir Ă  la BibliothĂš lue de la Ligue Nationale Française deux tableaux soi- gneusement dressĂ©s par M. de Kirwan, indiquant la date de chaque remise et celle des rĂ©cĂ©pissĂ©s. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71 259 du comitĂ© central de la souscription, il Ă©tait un de ceux qui avaient le plus largement contribuĂ© Ă  toutes les Ɠu- vres de patriotisme, et l'on peut dire que les malheurs de sou pays ont hĂątĂ© sa fin prĂ©maturĂ©e. Dans la premiĂšre quinzaine du mois d'aoĂ»t, la colo- nie adresse une pĂ©tition aux membres de la Commission des grĂąces, Ă  Versailles, en faveur de condamnĂ© Ă  mort pour participation aux affaires de la Commune. Les pĂ©titionnaires dĂ©clarent s'incliner devant l'autoritĂ© de la loi et reconnaĂźtre la culpabilitĂ© du chef des troupes confĂ©dĂ©rĂ©es ; mais ils invoquent, en sa faveur, sa jeunesse, son patriotisme ardent et l'eftroyable dĂ©sordre moral qui avait Ă©garĂ© tant d'esprits, en France, Ă  la suite de nos nombreuses catastrophes. La supplique se tei-mine ainsi "Xe permettez pas qu'aprĂšs neuf mois, le souvenir de nos malheureuses discordes civiles se rĂ©veille au bruit d'une exĂ©cution miUtaire." Compte-Re-Vdu du TrĂ©sorier de la Souscription Xationale en Californie. Le 13 octobre 1871, le comitĂ© central se rĂ©unit pour entendre la lecture du Rapport du TrĂ©sorier. Nous en reproduisons la plus grande partie " Lorsqu'Ă©clata Ă  Paris l'insurrection qui suivit de si prĂšs la ratification, par l'assemblĂ©e nationale, des prĂ©limi- naires du traitĂ© de paix, le comitĂ© central de la souscrip- tion nationale, qui considĂ©rait dĂ©jĂ  sa mission comme terminĂ©e, crut devoir s'ajourner indĂ©finiment, remettant Ă  260 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. lin moment plus propice l'envoi des sommes qui restaient au civdit des diffĂ©rentes sonscri[tions. Il eĂ»t Ă©tĂ©, en effet, imprudent dans l'Ă©tat de dĂ©sorganisation oĂč se trouvaient, Ă  cette Ă©poque, les pouvoirs constituĂ©s, d'expĂ©dier de nou- veaux fonds, alors qu'on n'avait pas encore reçu de nou- velles du dernier envoi. Aujourd'hui que l'ordre est rĂ©tabli, qu'un gouverment rĂ©gulier fonctionne en France, le comitĂ© central a pensĂ© que les raisons qui l'avaient dĂ©cidĂ© Ă  ne pas se dessaisir des fonds qu'il avait en main, n'existaient plus, et que le moment Ă©tait venu de rendre ses comptes Ă  la population." Voici le relevĂ© des sommes encaissĂ©es par le trĂ©sorier Souscription ijour les familles des soldais tuĂ©s et blessĂ©s M Listes diverses de Francisco et de l'intĂ©rieur. .*44,>75 88 Souscriptions mensuelles 28,!3'J 25 Ventes nux enchĂšres Ă  la reprĂ©sentation théùtrale. 5, 00 BĂ©nĂ©fice de la ReprĂ©sentation t55 70 Produit net de la Foire, organisĂ©e par les Dames Françaises de San Francisco 51,034 50 Produit du bal des Dames Françaises de Grass Valley '. 850 00 Loterie d'un livret de la Caisse d'Epargnes 1,1G0 00 Produit d'une soire'e patriotique, organisĂ©e par les Dames Françaises de Sonora 752 10 Produit de la tombola de Nevada 2,435 50 " Mokelumne Hill 00 Solde du produit de la Foire, reçu juqu'Ă  ce joiir. . 184 05 Total pour les blessĂ©s $ 98 Souscription jjour la DĂ©fense Nationale. Listes diverses de San Francisco et de l'intĂ©rieur. .25, 378 35 Loterie d'une parure en diamants .... 3,000 00 Etrennes Ă  la Patrie 23,698 10 Total pour la DĂ©fense 52,076 45 A reporter, $ 189,378 43 1 — Ce compte-Rendu ne donne pas les sommes envoyĂ©es par chaque localitĂ©. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 261 Souscription pour les victimes de la guerre A^^ Report, $189,378 43 Souscriptiou Ă  Sau Francisco et daus riutĂ©rieur. ..$1,42C 50 Produit d'un concert Ă  Sau JosĂ©' 2, .300 00 Total 18,726 50 Souscription spĂ©ciale pour Phalsbourg. Reçue jusqu'au 13 octobre 1 080 00 Total gĂ©nĂ©ral des sommes encaissĂ©es par le trĂ©sorier.. $209, 184 93 Sommes envoyĂ©es en France jusqu'au 13 octobre. . . . 200,214 50 Solde en caisse au 13 octobre 1871 $ 2,970 43 Cette somme de $2, se dĂ©compose ainsi Pour les familles des soldats tuĂ©s et blessĂ©s 6G7 48 " les victimes de la guerre invasion 1,22G 50 " la DĂ©fense nationale 1,075 45 Total Ă©gal $ 2,970 43 Le comitĂ© dĂ©cide que les $ appartenant aux fonds des familles et les $1, appartenant Ă  celui des victimes de l'invasion, c'est-Ă -dire $1, seraient envoyĂ©s immĂ©diatement en France la premiĂšre somme au ministre de l'intĂ©rieur, et la seconde au comitĂ© califor- nien de Paris. Ces deux sommes, ajoutĂ©es au grand total $206, ci-dessus, forme la totalitĂ© des remises faites par le comitĂ©, soit $208, En ce qui concerne les $1, formant le i-eliquat du fonds de la dĂ©fense nationale, le comitĂ© est d'avis de laisser Ă  une assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Français, le soin d'en 1 — C'est-Ă -dire, de l'invasion, pir suite de bombardements, rĂ©quisitions, etc. 262 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. dĂ©signer l'emploi. Enfin, il dĂ©cide de faire dresser un inventaire des objets non vendus aux enchĂšres, et puis il s'ajourne indĂ©finiment. Ajoutons ce dĂ©tail, tout en l'honneur du comitĂ©, que les dĂ©penses de tĂ©lĂ©graphes, d'impressions, etc., se montant Ă  la somme de 11, ont Ă©tĂ© payĂ©es par ses membres individuellement. Il n'est pas sans intĂ©rĂȘt de savoir ce que les Français, dispersĂ©s dans difliĂ©rentes parties de l'AmĂ©rique, ont fait pour la France Ă  cette Ă©poque de terribles Ă©preuves. Les chiflres suivants Ă©taient connus Ă  San Francisco lorsque le comitĂ© central a clos ses comptes ; mais ils ne sont pas complets. D'aprĂšs le Trait-iV Union, journal françisis de Mexico, le total des sommes versĂ©es entre les mains du comitĂ© de cette ville, Ă©tait de 37, vers le 1" du mois de mars,i^ et la souscription continuait. Le Bazar, ouvert par les Français de la Nouvelle-Or- lĂ©ans, a produit ;63, ; le chiffre total de la souscrip- tion dans la capitale de la Louisiane devait atteindi'e $100,000. Le Bazar, organisĂ© Ă  New-York, a rapportĂ© $85, et l'on pensait pouvoir rĂ©unir dans cette ville la somme de $135,000. Le Bazar de Philadelphie a produit $16,000; celui de Newark 2,000, et continuait ses opĂ©rations. A Washington, un Bazar a Ă©tĂ© ouvert le 9 janvier. 1 - L'article du TraUrd^ Union se trouve reproduit dans le CourrUr du 25 de ce mois. SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 263 A Boston, on avait aussi organisĂ© une foire du mĂȘme genre, mais on n'en connaissait pas encore le rĂ©sulat. Faisons jemarquer que partout les Françaises, se sont signalĂ©es, par leur zĂšle et leur dĂ©vouement, et que partout elles ont trouvĂ© un gĂ©nĂ©reux concours parmi les dames amĂ©ricaines. Le Courrier de San Francisco estime, d'aprĂšs les rensei- gnements qui lui Ă©taient parvenus, que les dons patriotiques de toute nature, recueillis aux Etats-Unis, pouvaient ĂȘtre Ă©valuĂ©s Ă  un million de dollars. A Ilonolulu, un bazar, avait Ă©tĂ© ouvert sous la direc- tion de Mme Bal lieu, femme du ministre de France, assis- tĂ©e d'un comitĂ© de dames presque toutes Ă©trangĂšres. AmĂ©- ricaines et Irlandaises, et d'un comitĂ© d'hommes, composĂ© du vice-chancelier, du colonel Hartwell et du directeur des douanes. Le total des sommes recueillies, aux Ăźles Sandwich, a Ă©tĂ© de 19,411 fr. 25. La paix et les Alsaciens-Lorrains. Tant que les armĂ©es se disputaient la victoire, on pou- vait se faire des illusions sur l'issue de la guerre; mais la paix conclue, au prix qu'on sait, on se laissa aller au dĂ©cou- ragement. La nouvelle des conditions imposĂ©es Ă  la France jeta la colonie dans la consternation la plus profonde. Les Alsa- ciens et les Lorrains, assez nombreux Ă  San Francisco, se 264 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. sentaient particuliĂšrement atteints dans leurs sentiments les plus intimes et les plus patriotiques. En apprenant le sort rĂ©servĂ© Ă  leurs provinces natales, ils furent vĂ©ritable- ment saisis d'horreur; mais comme ils Ă©taient sincĂšrement convaincus que le bon droit ne peut manquer de triompher tĂŽt ou tard, si sa cause trouve des dĂ©fenseurs courageux et persĂ©vĂ©rants, ils comprirent qu'ils avaient pour le moment un double devoir Ă  remphr protester et se prĂ©parer aux revendications de l'avenir. Dans une rĂ©union qui eut heu le 17 juin 1871, ils nommĂšrent une commission composĂ©e moitiĂ© d'Alsaciens et moitiĂ© de Lori-ains, avec mission de rĂ©diger un projet de protestation contre le traitĂ© conclu Ă  Francfort, le 10 mai prĂ©- cĂ©dent. Ce projet, soumis Ă  une assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale,, prĂ©si- dĂ©e par M. Alexandre Weill, 28 du mĂȘme mois fut adoptĂ© Ă  l'unanimitĂ©. En voici les principaux passages "]*Tous soussignĂ©s. Alsaciens et Lorrains, rĂ©sidant en Californie. '‱' ConsidĂ©rant '' Que notre sol natal a Ă©tĂ© violemment arrachĂ© Ă  la France, que la responsabilitĂ© des Ă©vĂ©nements qui nous ont sĂ©parĂ©s de la mĂšre-patrie, doit retomber sur ceux-lĂ  seuls qui en ont Ă©tĂ© les instigateurs; que le gouvernement de la liĂšpublique, rĂ©duit Ă  l'impuissance par la coupable imprĂ©- voyance de l'empire, s'est vu iontraint d'accepter des con- ditions qui lui Ă©taient imposĂ©es le couteau sur la gorge; " Juc cĂ©der Ă  la force est toujours un acte de nĂ©ces- sitĂ©, jamais de volontĂ©; "Que nĂ©s libres, nous avons le droit de disposer de nos destinĂ©es; " Que noti-e nationalitĂ©, Ă©tant notre bien naturel, est inaliĂ©nable; \ SOUSCRIPTION NATIONALE 1870-71. 265 " Qu'un gouvernement n'est lĂ©gitime que par le fait du consentement des gouvernĂ©s; " Jue par les voix de leurs reprĂ©sentants Ă©lus le 28 fĂ©- vrier 1871, les Alsaciens et les Lorrains ont proclamĂ© leur rĂ©solution de rester Français atout jamais; '' Que le vote du Parlement de Berlin, incorporant l'Alsace et la Lorraine Ă  l'empire germanique, malgrĂ© l'opposition des habitants de ces provinces, est un outrage flagrant Ă  nos sentiments les plus cliers et une insulte Ă  la dignitĂ© humaine; "DĂ©clarons solennellement " Que nous protestons de toute l'Ă©nergie de notre cƓur contre le traitĂ© de spoliation signĂ© Ă  Francfort le 10 mai 1871. "Et qu'aujourd'hui, comme hier, comme toujours, nous ne reconnaissons d'autre patrie que la France, notre noble et bien-aimĂ©e France. "Vive la France une et indivisible! "Vive la RĂ©publique, l'unique salut de la Patrie!" Beaucoup d'Alsaciens et de Lorrains, Ă©tabhs sur di- vers points de la Californie, adhĂ©rĂšrent Ă  cette manifesta- tion. Mais l'assemblĂ©e du 28 juin, ne se borna pas Ă  des protestations platoniques; le prĂ©sident donna aussi lecture d'un certain nombre d'articles faisant partie d'un projet d'organisation d'une SociĂ©tĂ©, destinĂ©e Ă  aflirraer par un acte solennel et durable la rĂ©solution de tous de travailler Ă  l'Ɠuvre de revendication des provinces perdues. Ce fut lĂ  lorigine de la Ligue Nationale Française dont nous racon- terons l'histoire dans un chapitre spĂ©cial. SIXIEME PARTIE iiiouscription Nationale 1872 LA LIBERATION DU TERRITOIRE Les femines'd'Alsace et de Lorraine — Premiers incidents de la souscrip- tion sur lĂ  cĂŽte du Pacifique — Le comitĂ© central — Une note gaie — ComitĂ©s Ă  Sacramento, San JosĂ© et Los Angeles — Menus faits — Les anneaux de fer — La Foire Ă  Union Hall — Aspect de la salle — La Flore — Tableaux vivants, scĂšnes et incidents divers — DĂ©jeĂ»ner aux truites — Les Alsaciens-Lorrains — La Rançon de la France — Un dis- cours de M. Pinet — M. Uhoufieuvi reste chez lui. ... — Pique-nique Ă  Los Angeles — San JosĂ© fait grand — La souscription doit-elle ĂȘtre continuĂ©e?— Compte-rendu — La souscription dans d'autres i^arties de l'AmĂ©rique et dans les Ăźles du Pacifique — Le montant vrai des deux souscriptions nationales en Californie — L'option. A peine cinq mois s'Ă©taient Ă©coulĂ©s depuis la clĂŽture de la souscription dont nous avons exposĂ© les dĂ©tails, qu'une nouvelle souscription s'ouvrit en Californie. Cette fois le signal du mouvement patriotique Ă©tait parti de l'Al- sace et de la Lorraine. On sait que le territoire français ne devait ĂȘtre Ă©vacuĂ© par l'ennemi qu'aprĂšs le versement des cinq milliards d'in- demnitĂ©. Or, il fallait des annĂ©es pour payer cette rançon Ă©norme et pendant ce temps, subir la prĂ©sence abhorrĂ©e de l'envahisseur. 268 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Nos sƓurs d'Alsace et de Lorraine coiityiirent alors l'idĂ©e gĂ©nĂ©reuse de provoquer une manifestation nationale, destinĂ©e Ă  hĂąter le moment de la dĂ©livrance. MalgrĂ© la mi- sĂšre oĂč se trouvait plongĂ© leur pays ravagĂ© par l'ennemi, et malgrĂ© les difficultĂ©s et les dangers d'une jjareille entre- prise, des dames de Strasbourg, Mulhouse, Phalsbourg, Bischviller, Sainte-Mari e-aux-Mines, etc., rĂ©unirent des sommes importantes et, comme on Ă©tait Ă  la fin de l'annĂ©e 1871, elles les envoyĂšrent Ă  Paris, Ă  titre d'Ă©trenncs, avec l'expression touchante de leur ardent attachement [lour la France. Un journal prussien, fondĂ© en Alsace, eut l'infamie de baver sur ces nobles femmes les plus brutales et les plus grossiĂšres insultes. L'initiative prise par les Alsaciennes et les Lorraines produisit en France une profonde et universelle sensation, qui se propagea rapidement sur tous les points du globe, habitĂ©s par des Français. Le 27 fĂ©vi'ier 1872, le Courrier, dans un article inti- tulĂ© Denier Ă  la France annonce que l'Ɠuvre de la souscrip- tion des Femmes de France est en pleine voix d'organisa- tion; mais le lendemain une dĂ©pĂȘche de Paris dĂ©clare que le gouvernement, dĂ©sirant garder sa libertĂ© d'action et fai- sant d'ailleurs peu de fond sur l'efficacitĂ© d'une souscrip- tion volontaire, se montre opposĂ© au mouvement. Cette attitude du gouvernement rend la colonie fort perplexe. Elle attend de nouveaux renseignements; mais un accident, survenu au tĂ©lĂ©graphe transcontinental, la prive pendant quelque temps, de toute communication ra- SOUSCRIPTION NATIOXALE 1872. 209 pide avec l'Europe. Enfin Ă  l'arrivĂ©e des journaux de Pii- ris, on apprend non-seulement, que la souscription n'est point arrĂȘtĂ©e, mais qu'appuyĂ©e par la presse et par des hommes influents de ^tous les partis, elle trouve la plus grande faveur auprĂšs du public. Ces dĂ©tails aussitĂŽt connus en ville, une foule de nos compatriotes sollicitent M. Touchard, de 'Ă©prendre les me- sures nĂ©cessaires pour l'ouverture d'une souscription ana- logue cĂ  celle dont les nobles filles d'Alsace et de Lorraine ont pris l'initiative." M. L. M. Gautier Ă©crit pour proposer une souscription Ă  5 cents par jour, ou $ par mois, soit $18 par an. II es- time qu'on obtiendra ainsi 4,000 signatures eu Californie, ce qui ferait $75,000 ou 360,000 francs. Cette proposition n'a pas de suite; mais le chifĂŻre qu'elle laisse entrevoir, comme rĂ©sultat, ou l'obtiendra par d'autres moyens. Un vieux Français de Virginia City, M. A. Gavaud 3crit Ă  M. Touchard " Permettez Ă  un ouvrier, qui a plus de soixante ans, ie vous remettre deux mois de son travail, pour la dĂ©li- t^'ance de notre bien aimĂ©e patrie. "Oh! voyez-vous, monsieur, c'est, qu'aprĂšs le grand Ar^-hitecte de l'Univers, il n'y a rien au-dessus de la France. "Ci-joint un chĂšque de cent dollars sur Wells, Fargo et C'^." M. Escalier de la mĂȘme ville, envoie Ă©galement $158, H'oduit d'une souscription faite Ă  la hĂąte et qui doit ĂȘtre ĂźontinuĂ©e. 270 LES FRANÇAIS ExV CALIFORNIE. L'ancien comitĂ©, prenant en main la direction du mou- vement, se rĂ©unit le 2 mars et convoque la population pour le 7, Ă  Pacific Hall. Une invitation spĂ©ciale est adressĂ©e aux dames. La rĂ©union a lieu le jour dĂ©signĂ©. M. Touchard ouvre la sĂ©ance. Dans un discours, souvent applaudi, il fait l'his- torique de la nouvelle souscription qui, commencĂ©e en Al- sace et en Lorraine, est en train de faire le tour du monde. Il termine en ces termes "O France, notre bonne mĂšre, nous t'avons aimĂ©e lorsque tu Ă©tais grande et puissante, lorqu'on t'uppellait la belle France; aujourd'hui que le vent de l'adversitc a soufflĂ© sur toi et t'a fait courber la tĂȘte, aujourd'hui qu aux yeux des indiffĂ©rents, tu n'es plus que la pauvre France, nous t'aimons encore davantage. Ăźs^otre amour a grandi avec tes infortunes, et s'il nous Ă©tait donnĂ© de mourir pour prouver notre dĂ©vouement Ă  la cause sacrĂ©e, le dernier cri qui s'Ă©chapperait de notre poitrine, serait encore un en d'amour pour toi, ĂŽ patrie bien aimĂ©e 1 " M. Touchard, propose aux assistants d'Ă©lire un nou- veau comitĂ©. On nomme l'ancien par acclamation. Le prĂ©sident donne ensuite lecture des lettres qu'il a reçues de Virginia City; elles produisent une vive im- pression, et les assistants ont hĂąte de suivre un si noble exemple. On souscrit, sĂ©ance tenante, pour ^11,464 ^de dons, plus ^2,001 de souscriptions Ă  payer mensuellement pendant six mois; ce qui fait une somme additionnelle de plus de 12,000 dollars. En tout, prĂšs de 24,000. En outre, les dames se dĂ©clarent prĂȘtes Ă  rĂ©organiser une Foire. Avant de se sĂ©parer, on dĂ©cide de faire frapper deux mĂ©dailles en or, et de les envoyer aux prĂ©sidentes des co- SOUSCRIPTION NATIONALE 1872. 271 mitĂ©s de Strasbourg et de Metz, qui avaient pris l'initia- tive de cette nouvelle souscription. En un clin d'Ɠil, on rĂ©unit, Ă  cet effet, parmi les assistants, la somme de ^191. Le comitĂ© se met rĂ©solument Ă  l'Ɠuvre. Ayant perdu plusieurs de ses membres, partis ou dĂ©cĂ©dĂ©s, il se complote eu s'adjoignant MM. Joseph Aron, Pi net, H. Barroilbet, GenĂšve, Fleury, Gensoul et Gautier. M. Scellier est nommĂ© vice-['rĂ©sident, en remplacement de M. Pioche. Des offres de concours arrivent de divers cĂŽtĂ©s, Ă©ma- nant de nos artistes français MM. Planel, Touaillou, et le jeune Litchenberg, ce dernier. Polonais d'origine. M. Grisar, consul de Belgique, Ă©crit au comitĂ© "Per- mettez Ă  un ami dĂ©vouĂ© de la France, d'apporter son obole au rachat de la patrie. A^euillez m'inscrire pour un don de 50 dollars et une souscription mensuelle de $20." Un Irlan- dais, M. P. A. Canavau envoie 25 dollars. Le rehquat de la prĂ©cĂ©dente souscription, s'Ă©levant Ă  $1, est versĂ© dans la caisse de la nouvelle. ^^ Des comitĂ©s se forment dans les principaux centres du pays. 1 — Notons un inci lent qui a jetĂ© un Ă©clair de gaitĂ© sur la situation. Pt-ndant la prĂ©cĂ©denta souscription, il y avait eu comme un assaut de libĂ©ralitĂ©s entre les Français des deux cotĂ©s des Montagnes Rocheuses. Pour la souscription actuelle, nos cnnipatriites des Etats dv l'Atlantuiue avait-nt pu prendre les devants, grĂące Ă  l'accidr-nt survenu au tĂ©lĂ©ffrujihe, dont nous avons parlĂ©. Le numĂ©ro du 12 fĂ©vrier 1S72. du Courrier des ICtais- Unis, publiĂ© Ă  New-York, et adressĂ© Ă  son correspondant, M. Henry Payot de San Francisco, portait en marge un dessin reprĂ©sentant un bonbonime qui, d'une niain faisait le geste bien connu du gamin de Paris, et de l'autre montrait le chiffre de ^8,S00 dĂ©jĂ  souscrits Ă  New-York. Comme lĂ©gende, on lisait ces mots Say, old lioy, how i» that for hight "HĂ© ! mon vieux, qu'en dit s vous ? " y\. Payot attendit, pour rĂ©pondre, l'issue de la rĂ©union du 7 mars qui, on le sait, avait produit prĂšs de $24,000. Alors il fit exĂ©cuter une lithogra>liie, et en expĂ©dia 200 exem- plaires au Courrier Ati New- York, avec priĂšre de les vendre au profit de la souscription. Cette litliograghie reprĂ©sentait la Californie tenant en main une corne d'abondance d'oĂč s'Ă©chappai>-nt des Ilots de piĂšces d'or, tandis que d'autres piĂšces se livraient Ă  une danse dĂ©sordonnĂ©e. Comme lĂ©gende, il y avait ces mots adressĂ©s Ă  qui de droit; Say, younffster. can you do beilerf Try! " HĂ© ! mon petit, pouvez-vous mieux faire? essaye» ! " 272 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Celai de Sacvamento est composĂ© de MM. E. Blum, prĂ©sident; J. Routier et B. Dennery, vice-prĂ©sideuts; A. Dennery, trĂ©sorier; A. Lobe, secrĂ©taire. Daus une rĂ©union des Fran;ais de la ville, le 17 mars, Ă  Music Hall, on sous- crit 1500. A San JosĂ©, le comitĂ© se compose de Mmes John Au- zerais, E. Auzerais, Girot, LeliĂšvre, Waldeufel et L. Lion; — et de MM. A. Lagarde, A. Delmas, John Auze- rais, A. Friant, A. Strauss et H. Michel. Dans une rĂ©union gĂ©nĂ©rale tenue le 17 mars, les rĂ©sidents français souscri- vent prĂšs de $5,000 avec l'espoir d'arriver Ă  doubler cette somme. Enfin Ă  Los Angeles, un meeting français a lieu Ă  la mĂȘme date, sur un appel signĂ© F. A. MƓrenhout, Domi- nique Maumus, Ăźs"athan Cahn, Joseph liogues, Joseph Coblentz, J. Humbert, Jean-Marie Vignes, EugĂšne Meyer, X. Behasgnc, Aug. Bouelle, F. Guiol, Ed. Cahen, TliĂ©oph. VachĂ©, P. N. Roth, Constant Meyer, Henri PĂ©nĂ©lon, L. Loche, L. Loeb, Pierre Clos et A. Le- masne. Dans cette rĂ©union, on nomme le comitĂ© suivant MM. MƓrenhout, vice-consul, prĂ©sident honoraire; de Cazeaux-" Mondran, prĂ©sident; EugĂšne Meyer, trĂ©sorier; P. X. Koth, secrĂ©taire. Quant Ă  San Francisco, les dames, conformĂ©ment Ă  la dĂ©cision prise par l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale du 7 mars, se rĂ©unissent, le 14, Ă  la saUe des Gardes Lafayette. Elles nomment un comitĂ© composĂ© de Mme Alexandre Weill, prĂ©sidente; Mmes LĂ©op. Cahn et Mezzara, vice-prĂ©sidentes; SOUSCRIPTION NATIONALE 1872. 273 Mme Joseph Aron, trĂ©soriĂšre, et Mmes E. Raas et F. God- chaiix, secrĂ©taires. Un comitĂ© d'hommes est chargĂ© d'assister ces da- mes. Ou dĂ©cide l'ouverture d'un nouveau bazar devant du- rer cinq jours, Ă  partir du 6 mai. On projette aussi de don- ner une reprĂ©sentation dramatique, un concert avec ta- bleaux vivants et un bal en calicot calico bail. La reprĂ©sentation a lieu Ă  Maguire's OpĂ©ra House, le 7 avril. Elle comprend deux piĂšces Le Vicomte de LĂ©toriĂš- res et un Tigre du Bengale. Le produit net est de $1,200. 13e tontes parts, arrivent des offrandes en espĂšces et en nature, les derniĂšres destinĂ©es aux loteries et aux en- cans de la foire. Une vieille dame de Stockton, Mme Cliicard Lor- raine envoie, en son nom, une Ă©pingle en or, un crĂȘpe de Chine et une seconde Ă©pingle en or, au nom de sa pe- tite fille. M. Gouge, Ă©conome Ă  la Maison de SantĂ©, Ă  San Francisco, verse $224, produit d'une souscription faite dans cet Ă©tablissement. Il donne, en outre, sa montre avec la chaĂźne, toutes deux en or. Mme Vignotte, de Truckee, envoie $38 recueillis dans cette localitĂ©; les dames françaises de Grass Valley, $120. M. Menu, de San Francisco, offre un pistolet de cava- lerie enlevĂ© Ă  SolfĂ©rino, far un de ses amis, lientenant au 2'ne voltigeurs de la garde. Mme JosĂ©phine Pinson, de Winnemucca Nevada envoie le montant d'une collecte $180. 274 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. M. A. Kahn, rĂ©unit Ă  Petaluma, ^17. M. Victor Amy, Ă  Snelliugs, $ et M. Loustalot, Ă  Austin, $363. Les Français, de Truckee, oftrent d'expĂ©dier un pa- nier de belles truites du Lac Talioe, pour le buffet du bazar. La petite ville de Sonora envoie $ et plusieurs objets pour ĂȘtre utilisĂ©s Ă  la Foire. M. CrĂ©pin, du m&me lieu, donne une montre, cinq bagues, une croix, trois pai- res de boucles d'oreilles, une parure complĂšte, trois bro- ches, un cachet Ă  breloques, etc. Los Angeles adresse au comitĂ© un chĂšque de $1, Virginia City envoie deux lingots d'argent va- lant ensemble $ M. J. L. Sai use vain, de Los Angeles, fait don de deux caisses de son meillem- vin de Cucamongo. M. J. F. Ardau, d'Eureka Nevathi envoie $ montant d'une souscription. Les Gardes Lafayette donnent, le 21 avril avec le concours des McMahon Grenadiers, des Freuch Zouaves, et de la SociĂ©tĂ© Thilarmonique, une grande fĂȘte qui rap- porte $1, au profit de la souscription. M. Canavan. capitaine des Grenadiers, offre, en outre, pour le mĂȘme ob- jet, mie fort belle croix richement ornĂ©e. Dans un but semblable, M. Pavot met en vente cin- quante exemplaires d'une lithographie interdite en France et reprĂ©sentant en charge, l'entrĂ©e triomihale de Guillau- me Ă  Berhn. MM. Piuet et Payot s'emparent d'une idĂ©e nĂ©e en Alsace. LĂ , les femmes ont imaginĂ© de se parer d'un an- SOUSCRIPTION NATIONALE 1872. 275 neau en fer, symbole de deuil, d'oppression et de haine Ă  l'oppresseur. Ces deux messieurs s'entendent avec quelques amis et font fabriquer 4,000 de ces anneaux commĂ©moratifs qu'ils adressent Ă  la prĂ©sidente de la Foire. Ăźs"ous relevons le passage suivant de leur lettre d'envoi "Ces anneaux qui n'ont d'autre valeur que celle que nos cƓurs français peuvent y attacher, sont en fer. D'un cĂŽtĂ©, ils portent le mot patrie, et de l'autre le millĂ©sime 1872. "L'anneau de fer n'a pas seulement pour but d'ac- croĂźtre la somme des dons Ă  la patrie; mais elle doit su]- toiit fixer la date mĂ©morable oĂč tout un peuple se lĂšve pour la libĂ©ration de son territoire. "Puisse ce simple anneau devenir un emblĂšme d" union entre tous les enfants de la France, en leur rap- pelant sans cesse le sentiment de leur devoir envers elle et les sacrifices spontanĂ©s qu'ils se sont imposĂ©s pour la rĂ©demption de la patrie." Madame AVeill, dans sa rĂ©ponse, s'exprime ainsi " Comme vous, Messieurs, nous comprenons qu'il s'agit lĂ , non-seulement de grossir le fonds de la souscription nationale, mais encore et surtout de consacrer, par un signe durable cette Ă©poque de dĂ©sastres, de sacrifi- ces et d'espĂ©rances. " Xous portons dĂ©jĂ  Ă  nos doigts une alhance bien chĂšre ; dĂ©sormais nous placerons au-dessus de la bague d'or l'anneau de fer, alliance indissoluble entre tous les hommes et toutes les femmes de France qui ont Ă  cƓur de relever notre patrie si souvent outragĂ©e depuis ses mal- heurs. " Cet anneau sera Ă©galement comme le symbole du cercle de fer, autour duquel se groupent tous les patriotes animĂ©s de la ferme volontĂ© de rĂ©sister aux ennemis de la France, soit au-dedans, soit au dehors." 276 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. La Foire a Union Hall. Aspect de la salle — Le Pavillon oĂč s'Ă©tait tenue la premiĂšre Foire, ayant Ă©tĂ© dĂ©moli, le comitĂ© des Dames ins- talle le nouveau Bazar Ă  Union Hall, la plus vaste et la plus belle salle de la ville. MM. Huerne et Mezzara la dĂ©corent avec beaucoup de goĂ»t. Les murs sont ornĂ©s d'at- tributs peints Ă  fresques. Des drapeaux, des guirlandes de feuillage, des Ă©cussons aux couleurs nationales, le tout dis- posĂ© de la façon la j^lus ingĂ©nieuse, donne Ă  la salle un aspect superbe. Au-dessus du rideau, qui voile la scĂšne — entre un drapeau français et un drapeau amĂ©ricain — on voit un large Ă©cusson au milieu duquel ressort, en lettres d'or, le mot FRANCE. Au-dessus, sur une banderolle, est inscrite en lĂ©gende, la devise du comitĂ© de la souscription nationale TOUT FOUR LA PATRIE! A droite et Ă  gauche de ce vaste Ă©cusson, on a groupĂ© trois Ă©cussons de moindres dimensions, disposĂ©s ainsi ALSACE MULHOUSE, STEASBOUEG LOEEAINE JIETZ, PHALSBOURG Chacun de ces Ă©cussons est entourĂ© d'une guirlande et surmontĂ© d'un crĂȘpe. Enfin, Ă  l'autre extrĂ©mitĂ© de la salle, trois petits bal- cons, qui s'avancent au-dessus du bufict et de la buvette, disparaissent sous trois trophĂ©es de drapeaux aux couleur» de toutes les nations, celles de l'Allemagne exceptĂ©es. Les stands stalles ou comptoirs, tenus par les dames, SOUSCRIPTION NATIONALE 187-2. 277 sont Ă©tablis des deux cĂŽtĂ©s de la salle, sous les galeries. Il y en a dix eu tout, cinq de chaque cĂŽtĂ©. Voici l'ordre dans lequel ils sont rangĂ©s A l'entrĂ©e de la salle, un bureau de poste, confiĂ© Ă  Mlle L. Haussmann. A cĂŽtĂ©, le stand avec les objets destinĂ©s Ă  ĂȘtre vendus et ceux composant les lots de la tombola. Mme PignĂ© Dupuytren y prĂ©side, assistĂ©e de Mmes Brisac, Shotwell et Mlle Stevens. Plus loin, une presse, manƓuvrĂ©e par M. P. Chaigneau, avec l'aide de Mlles Chaigneau et Carrau. Elle sert Ă  imprimer des cartes de visite pour les amateurs Plus loin encore, le stand des bonbons, tenu par Mmes Godchaux et LĂ©vy. Puis, une vaste table, oĂč se vendent des tableaux, des gravures et des photographies, sous la direction de Mlles Hortense Blum, Mever, Haussman et Posa Mever. / Puis enfin, un [avillon Ă  l'aspect exotique, couvert d'hiĂ©roglyphes, dans lequel Mme P. Masson rĂ©vĂšle aux curieux les secrets de l'avenir. De l'autre cĂŽtĂ© de la salle, se trouve le comptoir pour les ventes Ă  l'encan. Il est sous l'active surveillance de Mesdames LĂ©opold Cahn, Merle et H. Perrier. Entre au- tres objets, on y remarque les deux petits lingots d'argent de Virginia et les dix caisses de vin de Cucamongo, envoyĂ©es par Mmes Paul et Michel Sainsevaiu. Viennent ensuite les deux stands de fleurs, dont l'un est prĂ©sidĂ© par Mme Jfuerne et l'autre par Mmes A. Gros 278 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. et Cobb. Ces dames sont assistĂ©es d'un essaim de jolies femmes Mmes Godchaiix, Knox, Chevalier, et Mlles Lawton, Sweeuy, Polastri, Manning, Fleury, Cobb, Jones et Branger. Puis apparaĂźt la Fontaine de Soda, tenue par Mmes Thomas, Lyons et Potron. Puis enfin le stand des cigares, oĂč Mmes MoĂŻse Cerf et Lewis, Mlles Benjamin et Landis dĂ©bitent des puros Ă  la foule des amateurs. Au fond de la salle, se trouvent le buffet et la buvette, celle-ci prĂ©sidĂ©e par Mme DubĂ©dat et desservie par Mmes Eger, Bocqueraz, Vve Cahn, et Mlles Boullet, Tridon, Ozanne, Anna Putnam, Bertha Bloch, Lea et AnaĂŻs Hahii. Le buffet a pour prĂ©sidentes Mmes Videau et J. Roth. Ces dames sont secondĂ©es par Mmes Jules Meyer, vice-prĂ©sidente, Mendessole, Sajous, Biaise, Pasquale, Ro- sine Goldsmith, Mlle Schoemakers, et par MM. Roullier, Fox, Loisot, Good, Cardinett et St-Julieu fils. Hommes et dames font aussi le service des deux salons rĂ©servĂ©s au restaurant, oĂč l'on arrive par un passage mĂ©nagĂ© entre le buflet et la buvette. Les jeunes personnes, attachĂ©es au restaurant ou char- gĂ©es de vendre des fleurs dans la salle, portent gĂ©nĂ©rale- ment le costume pittoresque des Alsaciennes. Contigu au restaurant, est un vestiaire, confiĂ© aux bons soins de Mme Marque et de M. Hippolite Blum. Une annexe du buffet, hors de la salle principale, sert de fumoir. M. J. Aron y tient, un magnifique assortiment. de ciç^ares. SOUSCRIPTION NATIONALE 1872. 279 Mais renti'ons dans la grande salle. En avant des stands, du cĂŽtĂ© gauche est installĂ©e une roulette, tenue par Mme liaas, Mlles LĂ©vy et Hajdenf eldt. Il j a aussi une petite roulette, dirigĂ©e par Mme P. Fleury, assistĂ©e de Mme et de Mlle Rouiller. De l'autre cĂŽtĂ©, lui faisant face, se trouvent le Puits de JRcbecca avec Mlle Annie Kaiser pour reprĂ©senter l'hĂ©- roĂŻne biblique, et le Grah box, exploitĂ©e par Mmes Ebers, Boullet, Mlles Jennie Sawyer et Laura Gensoul. A quelques pas de lĂ , Mme Melville dĂ©bite, dans une tente, de [letits verres de Sazerac. Un pas plus loin, Mme Pauline Verdi cr vend des rosettes et des dĂ©corations, et Mlle PignĂ©-Dupuytren, de petits drapeaux tricolores con- fectionnĂ©s de ses propres mains. Enfin, prĂšs de la scĂšne, au milieu de la salle, se dresse une grande table demi-circulaire, prĂ©sidĂ©e par Mme Alexandre TVeill, assistĂ©e de Mmes J. Aron et Merle. C'est lĂ  que se vendent, Ă  raison de 50 cents piĂšce les an- neaux de fer dont nous avons parlĂ© et les mĂ©dailles com- mĂ©moratives offertes par MM. Scellier et LeliĂšvre.^'' Dans les espaces, restĂ©s libres de l'immense salle, la foule circule, compacte et animĂ©e, au milieu d'un bruit in- cessant de conversations tenues dans tous les idiomes ima- ginables oĂč, toutefois, domine la langue fj'ançaise. Les hom- mes s'arrĂȘtent aux diffĂ©rents comptoirs, achĂštent un peu 1 — Ces mĂ©dailles Ă©taient en nickel, de la grandeur d'un drml-dollar, mais plus Ă©paisses. D'un cĂŽtĂ©, Ă©iait gravĂ©e l'fflicie de la RĂ©publique française, avec la devise Tout pour la Patrie et le millĂ©sime 1872. De l'autre, Ă©galement, en exergue, on lisait les mots Sous- cription nationnle et, entre deux branches de lautiers, l'inscription suivante Qui donne Ă  la Fiance prĂȘte d Dieu. 280 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. au hasard, des objets qui y sont Ă©talĂ©s, causent un instant avec les aimables vendeuses et font place Ă  de nouveaux clients. De temps en temps, ils sont accostĂ©s par desjeunes filles, travesties eu Alsaciennes, qui leur apportent une lettre, une dĂ©pĂȘche d'une personne inconnue, ou bien leur otirent des fleurs ou un cornet de bonbons. Un soir, une des plus gracieuses d'entre elles prĂ©- sente un bouquet Ă  un gentleman amĂ©ricain qui l'ac- cepte. Mais lorsciu'il veut payer, il s'aperçoit qu'il a dĂ©- pensĂ© tout le contenu de sa bourse. Un instant il hĂ©site, puis, souriant, il dĂ©pose dans la corbeille de la jeune fille sa montre en or avec la chaĂźne, salue et s'Ă©loigne vivement pour n'avoir ias Ă  donner son nom. l^-re SoirĂ©e, 6 Mai — A sept heures et demie, la musi- que de la SociĂ©tĂ© Philarmonique joue un morceau d'ou- verture, puis M. Touchard monte sur la scĂšne et prononce un discours. Prenant pour thĂšme l'amour de la patrie qu'il ne faut pas confondre, dit-il, avec l'amour des conquĂȘtes et de la gloire militaire, il s'Ă©crie "Ennemi de la libertĂ©, l'amour de la gloire n'a jamais enfantĂ© que le despoti^^me et l'oppression. " Il jette ensuite un coup d'oeil sur la situation de la France "jadis si belle, si fiĂšre, si florissante, aujourd'hui dĂ©vastĂ©e par la guerre, soumise aux humiliations de 1 oc- cupation Ă©trangĂšre, et par une brutale et douloureuse hu- miliation, sĂ©parĂ©e de ses deux plus belles et fidĂšles pro- vinces." Enfin, l'orateur parle de l'anneau de fer. " C'est, dit-il, notre ordre de chevalerie Ă  nous. Qu'il soit le signe de SOUSCRIPTION NATIONALE 187'2. 281 ralliement et de reconnaissance de tous les Français, chez qui l'absence n'a en rien diuiinuĂ© rattachement pour le sol natal " Les intermĂšdes, annoncĂ©s pour cette premiĂšre soi- rĂ©e, consistent en deux tableaux vivants, un duo de vio- lon et piano i>ar le jeune Litchenberg et le professeur Scott, plus un duo chantĂ© par M. et Mme Bianclii. Le tableau reprĂ©sente la France, l'Alsace et la Lor- raine La France personnifiĂ©e par Mme Joseph Aron, en costume de RĂ©publique, la Lorraine, par Mme Joseph Godchanx et l'Alsace par Mlle Bertha Bloch, toutes deux portant le costume national. Le second tableau reprĂ©sente un groupe militaire, au centre duquel on voit le marĂ©chal Mac-Mahon, blessĂ©, re- cevant les soins d'une ambulanciĂšre en costume de l'em- ploi. Mlle Gratz personnifie cette derniĂšre figure. 2^me SoirĂ©e, 7 Mai — Le programme comprend une piĂšce allĂ©gorique en vers, intitulĂ©e, France^ Alsace et Lor- raine^ par M. AimĂ© Masson. Les rĂŽles sont ainsi distribuĂ©s France, Mme Armand; Alsace, Mlle Elise Schumaker; Lorraine, Mlle Bernard. La piĂšce, imprimĂ©e, se vend en grand nombre dans la salle, au profit de la souscription. Les tableaux vivants ont pour titres, le premier BĂ©ce du soldai, reprĂ©sentant au premier plan un Zouave endormi, et au second plan, en pleine lumiĂšre, le rĂȘve c'est l'Ă©pouse qui lit Ă  la vieille mĂšre et Ă  l'enfant une let- tre do Tabsent. Le second tableau a un caractĂšre comique, et est inti- tulĂ© Les Droits de la Femme. Quatre maris s'occupent 282 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. avec le plus grand sĂ©rieux des dĂ©tails intimes du mĂ©nage, tandis que leurs femmes s'amusent Ă  jouer aux cartes, Ă  boire de la biĂšre et Ă  fumer des cigares. Puis vient un duo de piano par les sƓurs Laemlin, et un solo de violon par M. Planel fils. Dans la matinĂ©e de ce jour avait eu lieu au restau- rant de r Union Hall, un dĂ©jeuner auquel assistaient quel- ques dames. Au dessert, on eut l'idĂ©e de mettre en vente, Ă  la criĂ©e, les truites qu'on venait de recevoir des Fran- çais de Truckee. RĂ©sultat de l'opĂ©ration A cette somme il faut ajouter environ 400 dollars, provenant de la vente d'une boĂźte de 25 cigares, ofterts par Mme Jules Cerf, plus une certaine somme, montant des amendes imposĂ©es aux convives, convaincus d'avoir perpĂ©trĂ© un calembour quelconque. Ce mĂȘme jour, Ă©tait entrĂ©e en rade la frĂ©gate fran- çaise La Florr, portant le pavillon du contre-amiral de La- pelin, qui arrivait avec son Ă©tat-major gĂ©nĂ©ral. La frĂ©gate, Ă©tait commandĂ©e par le capitaine de vaisseau Juin, et ve- nait de Honolulu. L'Ă©quipage se composait de 426 officiers et marins. Cette arrivĂ©e fut pour la colonie un sujet de joie patriotique et contribua beaucoup Ă  relever l'Ă©clat de la Foire. SĂšme SoirĂ©e, 8 Mai — Concert auquel prennent part Mmes Tojetti, Sawyer, Lyons, Turney, Metitio et Schu- maker. 4;"'e Soirke, 8 mai — Mme E. G. Lyons cbante le grand air Bobcrt, toi que faune! Les Zouaves français, en grande tenue exĂ©cutent des exercices militaires. Un tableau SOUSCRIPTION NATIONALE 1872. 283 vivant, composĂ© par M. Narjot, est mis eu scĂšne par M. Charonnat et reprĂ©sente un campement de BoliĂ©miens. Nouveau dĂ©jeuner le matin; il rapporte prĂšs de 500 dollars; un autre, qui a lieu le lendemain, en produit de 6 Ă  700, grĂące Ă  quelques paquets de cigarettes, mis aux eu- cliĂšres. L'un de ces paquets, achetĂ© par M. Scellier moyen- nant 210 dollars, est offert par lui Ă  M. Karjot; celui-ci ac- cepte; mais, comme condition, demande Ă  faire le portrait d'une personne indiquĂ©e par l'aclieteur. M. Scellier dĂ©si- gne Mme Alexandre "Weill, prĂ©sidente du comitĂ© des Da- mes françaises. 5Ăšme SoirĂ©e, 10 Mai — Dans la matinĂ©e de ce jour, an- niversaire du triiitĂ© de Francfort, les Alsaciens et les Lor- rains font en corps leur dĂ©claration d'option en faveur de la France. iSTous donnons plus loin les dĂ©tails de cette scĂšne poignante et mĂ©morable. Le soir, Ă  la Foire, Ă  8 heures et quart, aprĂšs le mor- ceau d'ouverture jouĂ© par la SociĂ©tĂ© Philharmonique, M. A. L. LeUĂšvre monte sur la plate-forme et rĂ©cite aux applau- dissements de l'assemblĂ©e, une piĂšce de vers de sa composi- tion, intitulĂ©e Amiit, Pendant et AprĂšs. ImprimĂ©e aux frais de l'auteur, la piĂšce se vend dans la salle au profit de l'Ɠuvre. A peine, M. LeliĂšvre a-t-il terminĂ© sa rĂ©citation, qu'un roulement de tambour se fait entendre, et l'on voit entrer dans la salle, marchant deux de front et escortĂ©s par les Gardes Lafayette, les Alsaciens et les Lorrains de San Francisco. Ils font le tour de la salle, au milieu de l'Ă©mo- tion de la foule qui Ă©clate en applaudissements, et s'Ă©carte 284 LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. sur leur passage; i^uis ils montent sur l'estrarle oĂč l'auteur de ce livre, rĂ©cemment revenu de France, prend la parole en leur nom, Nous nous permettons de citer quelques pas- ssages de son discours, parcequ'ils nous semblent traduire assez fidĂšlement les sentiments particuliers qui animaient en ce moment, et qui animeront toujours nos fn-res d'Al- sace et de Lorraine, "Il y a un an, Ă  pareil jour, quelques diplomates rĂ©u- nis Ă  Francfort, dĂ©cidaient, au mĂ©pris du droit le plus sacrĂ© des peuples — celui de s'appartenir— -que 1" Alsace et une portion de la Lorraine cesseraient d'ĂȘtre françaises et feraient dĂ©sormais partie du nouvel empire germanique. "Ce jour lĂ . Messieurs, l'humanitĂ© et la civilisation durent se voiler la face, car une nouvelle VĂ©nĂ©tie venait de naĂźtre. "Pourtant ne maudissons pas ceux de nos compatrio- tes qui eurent le triste courage de signer ce traitĂ© barbare. Ils obĂ©issaient Ă  une nĂ©cessitĂ© fatale, et pleuraient, comme nous, sur cet aftreux dĂ©chirement de la patrie vaincue et humiliĂ©e. Mais nous, les plus cruellement atteints, uous, les enfants des deux malheureuses provinces sacrifiĂ©es, nous avons bien le droit de venir ici aujourd'hui, 10 mai 1872, protester contre l'horrible marchĂ© que cette date nĂ©faste nous rappelle, et dĂ©clarer hautement et solennelle- ment que nous ne reconnaissons d'autre drapeau, que le glorieux drapeau de la grande rĂ©volution de 1879, d'autre patrie que celle qui a abritĂ© notre enfance et Ă  laciuelle nous avons vouĂ© un Ă©ternel amour. "Oh! pour comprendre tout ce qu'il y a d'atroce dans cette monstruositĂ© trop glorifiĂ©e par l'histoire, et qui a nom conquĂȘte, il faut avoir vu les hordes ennemies envahir nos foyers; les populations fuir Ă©pouvantĂ©es comme Ă  l'ap- proche d'une avalanche; la misĂšre se rĂ©pandre dans les campagnes Ă©puisĂ©es par les rĂ©quisitions et les exigences implacables de l'envahisseur; les ruines s'amonceler dans SOUSCRIPTION NATIONALE 1872. 285 les villes sous l'action foudroyante d'une artillerie irrĂ©sisti- ble; les nit-res trembler pour la vie do leurs fils et l'hon- neur de leurs filles; et enfin — sigMie douloureux et particu- lier de tous les peuples soumis Ă  un joug intolĂ©rable — l'Ă©- migration, cet exil volontaire ou plutĂŽt forcĂ© des masses, devenir le mot d'ordre de toutes les classes de la sociĂ©tĂ©. "Vous, Français, nos compatriotes et nos frĂšres, qui, au milieu des dĂ©sastres de la patrie, avez du moins la su- prĂȘme consolation de savoir que les lieux oĂč vous ĂȘtes nĂ©s et oĂč respirent les Otres chers Ă  vos cƓurs, ne sont point devenus la proie de l'ennemi, jugez de notre dĂ©sespoir quand nous songeons Ă  nos malheureuses provinces natales. " Pour nous, hĂ©las! le charme tout puissant qui entou- rait notre berceau n'existe plus! Ces souvenirs si doux, si Ă©mouvants, si sacrĂ©s que nous rappellent nos premiers jeux, nos premiĂšres affections, nos premiers efltorts dans la vie; ces souvenirs pieux auxquels se mĂȘle l'image vĂ©nĂ©rĂ©e et chĂ©rie d'un pĂšre, d'une mĂšre et de tant d'ĂȘtres qui nous ont si profondĂ©ment aimĂ©s; ces souvenirs sont aujour- d'hui profanĂ©s par l'idĂ©e que l'ennemi est lĂ , toujours lĂ , s'im[Osant partout, bien que partout odieux, partout mĂ©- prisĂ©. " Mais dĂ©tournons nos regards attristĂ©s de cette som- bre vision. Xous ne voulons pas vous atfiiger de notre dou- leur. Xous ne voulons pas abattre vos courages! Ăź^on! non! Nous avons confiance dans l'avenir. L'Alsace et la Lor- raine ne disent pas comme la Pologne, dont elles parta- gent aujourd'hui le sort Dieu est trop haut, et la France est trop loin. Xon! non! la France est tout prĂšs de nous, elle nous couve de son eil et Dieu lui-mĂȘme sou- rit Ă  notre bon droit " O France! tu sortiras du creuset oĂč tes fautes et tes malheurs t'ont jetĂ©e, plus forte, plus belle, plus libre et plus glorieuse que jamais, et nous reverrons ton dra- peau sauveur, flotter de nouveau sur les murs de ces deux villes, si grandes par leur patriotisme, si saintes par leur martyre, Metz et Strasbourg, Ă  jamais rĂ©unies et unies Ă  leur iatrie bien-aimĂ©e la France!" 286 LES FRANÇAIS ExV CALIFORNIE. AprĂšs uu intervalle de repos, le rideau de la scĂšne se lĂšve sur un tableau qui a pour titre V EspĂ©rance de la France. Il reprĂ©sente la France, personnifiĂ©e par Mme J. Aron, courbĂ©e sur son Ă©pĂ©e et regardant un ange, figurĂ© par Mlle Dingeon, qui lui montre du doigt la jeune gĂ©nĂ©ration pressĂ©e autour d'elle. Le tableau qui vient ensuite — La Eançox de la France — produit un effet vraiment extraordinaire. C'est un groupe de trois figures. La "France," sous les traits de Mme Aron, est au centre, et tient un drapeau Ă  la main. A ses cĂŽtĂ©s, 1' "Alsace et la Lorraine " — personnifiĂ©es par Mme J. Godchaux et Mlle Bertha Bloch — dĂ©po- sent Ă  ses pieds l'offrande qui, dans le monde entier, va ĂȘtre le signal de la souscription nationale. Autour de ce groupe principal, on voit des marins, des zouaves et des soldais de la ligne, l'arme au bras et dans des attitudes diverses. A l'aspect de ce tableau qui rappelle d'une maniĂšre saisissante l'amour des femmes d'Alsace et de Lorraine pour la France, une Ă©motion indicible s'empare des assis- tants. Les applaudissements Ă©clatent avec tant d'Ă©nergie et de persĂ©vĂ©rance que l'on est obligĂ© de montrer le tableau une seconde fois. Tout Ă  coup, l'Alsace et la Lorraine descendent de la plate-forme, puis elles s'avancent et jettent leur offrande dans une urne placĂ©e sur le devant de la scĂšne, et portant l'inscription suivante Donnez ! donnez ! C'est pour la France ! SOUSCRIPTION NATIONALE 1872. 287 Alors se fait une poussĂ©e gĂ©nĂ©rale en avant. C'est Ă  qui dĂ©posera son obole. Instinctivement, la foule, eonfon- flue jusqu'Ă  ce moment, se forme eu ligne, l'amiral le Lapelin eu tĂȘte. Elle gravit rapidement les marches qui conduisent sur la plate-forme et, imitant l'exemple don- nĂ© par la Lorraine et l'Alsace, chacun dĂ©pose son offrande pour la rançon. Pendant ce temps, la musique joue Mourir 'pour la Pairie! que l'assistance rĂ©pĂšte en chƓur. Enfin le rideau retombe, et l'on trouve dans l'urne la somme de $822. Î^I. Bonnet clĂŽt la soirĂ©e par le chant devenu si popu- laire de Y Alsace- Lorraine 6'"e SoiRKE — Pour le 11 mai, dernier jour de la Foire, on a adoptĂ© le programme suivant A 11 heures dii inatiu, luucli servi dans la grande salle. Dans l'aprĂšs-midi, danses de caractĂšre, exĂ©cutĂ©es par de jeunes enfants. Morceau pour violon et piano, jouĂ© par le jeune Touaillon et sa sƓur. Morceau pour piano exĂ©cutĂ© par Mme Fabian. De 1 Ă  4 heures, tirage de la loterie. Puis, quadrilles dansĂ©s par des enfants. Le soir, bal, dit Calico bail A minuit, souper, auquel sont invitĂ©s l'amiral de Lapelin et les officiers de la Flore. — Au dessert, toasts patriotiques. Cette fĂȘte, d'une semaine entiĂšre, a eu pour Ă©pilogue une reprĂ©seutatiou théùtrale, donnĂ©e par des amateurs, le lundi suivant, 13 mai. La soirĂ©e a laissĂ© un si agrĂ©able souvenir que nous croyons devoir reproduire intĂ©grale- ment le programme du spectacle 288 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. MAGUIRE'S OPERA MOUS Mme E. Reiter - - Directrice M. E. Charonnat - - RĂ©gisseur gĂ©nĂ©ral M. C. Duciuesnay - Sous-RĂ©gisseur. GRANDE REPRÉSENTATION DRAMATIQUE au bĂ©nĂ©fice de J^/L KAXCON DE FRAXCE Par des amateurs de San Francisco Lundi soir, - - - 13 Mai 1872. DANS UNE CAVE Vaudeville en 1 acte. Budoyer, propriĂ©taire ^i- Lelievre TaucrĂšde, rentier ^I- 8 15 Concert du 25 aoĂ»t "'-'' ^*' Produit net de la Foire 23,241 70 Total pour San Francisco j56,417 32 Sommes recrues de l'intĂ©rieur de la Califormel V^^'Ă -Ă  60 Grand total $08,820 92 I ^X — A'oir le tableau Ă  la fin du volume. SOUSCRIPTION NATIONALE 1872. 295 L'Etat de Nevada a contribuĂ© $1, savoir Austin, $392; EurĂȘka, 115,75 ; Pioche City, $350; Minerai Hill, $37; Virginia, $278; Winnemucca, $ L'OrĂ©gon a envoyĂ© $ dont $ de Port- land, et $10 de Clark's Creek. Tahiti, $1, Total des sommes reçues par le comitĂ© de San Fran- cisco de Tahiti et de divers Ă©tats et territoires de la cĂŽte du Pacifique exceptĂ© la Californie, c'est-Ă -dire, du Mon- tana $ de l'Arizona $ de l'Utah $ de la Basse-Californie $ de la Colombie Britanni- que $ Ci S 4,155 78 Californie 68,820 92 Reliquat du compte de la DĂ©fense Nationale, attribuĂ© au compte de la Rançon de la France 1,298 10 IntĂ©rĂȘts reçus 192 25 Vente d'anneaux de fer. 111 00 Total des recettes $74,578 05 Total des envois faits au PrĂ©sident de la RĂ©publique $73,575 11 Les dĂ©penses s'Ă©tant Ă©levĂ©es Ă  $616 94 il restait en caisse une solde de 1 386 00 Ces deux sommes re'unies 1,002 94 Total e'gal Ă  celui des recettes $74,578 05 En ajoutant les $73, aux $208, — montant de la souscription nationale de l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente — on 1 — Ce reliiiat fut versĂ© plus tard dans la Caisse du Bureau d'Aide et de Placement, créé par la Ligue Nationale Française. 296 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. obtient la somme totale, inscrite sur le petit tableau sus- pendu dans une des salles de la BibliothĂšque de la Ligue Nationale Française, et que nous avons fait figurer sur la deuxiĂšme page de ce chapitre, c'est-Ă -dire $281, Si considĂ©rable que soit cette somme, elle n'est pas complĂšte. M. Marc de Kirwan, a eu soin de tenir aussi exacte- ment que possible, note de tous les faits relatifs aux deux souscriptions^ nationales. Il a bien voulu nous envoyer, de Bordeaux qu'il habite aujourd'hui, des dĂ©tails que nous n'avions pu nous procurer ici mĂȘme. D'aprĂšs un tableau, trĂšs soigneusement dressĂ© par lui Ă  notre intention, il con- vient d'ajouter aux 281, d'autres remises s'Ă©le- vant Ă  $19, et dont voici le dĂ©tail 27 juillet 1870 — Pour le premier drapeau, pris par uu soldat du 73Ăšme de ligne * 500 00 7 dĂ©cembre 1870 — A LĂ©on Gambetta, ministre de l'intĂ©rieur par Saeramento 5-000 00 16 octobre 1871 — Deux envois particuliers pour les blessĂ©s 1,000 00 14 novembre 1871 — BĂ©nĂ©fice de change 00 1er fĂ©vrier 1872 — A Alex. Weill, pour Phalsbourg, par San Francisco 2-656 40 18 octobre 1872 — Au PrĂ©sident de la RĂ©publique, par San JosĂ© 9,348 25 Total * 65 En ajoutant cette somme aux $281, on arrive au total d'ensemble de $301, ou fr. 1,626, SOUSCRIPTION NATIONALE 187'J. 297 Ce n'est [las tout. Bien d'autres Umh ont Ă©tĂ© expĂ©diĂ©s en France, soit juir de petits comitĂ©s, soit par des indivi- dus isolĂ©s. On se l'appelle aussi que diverses sommes avaient Ă©tĂ© recueillies l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente pour les incen- diĂ©s de Chicago, de la Pointe-Ă -Pitre Guadaloupe etc. Entin, pour se faire une idĂ©e complĂšte des sacrifices que s'est imposĂ©s la colonie, on doit Ă©galement tenir compte des innombrables dons en nature, offerts pour ĂȘtre vendus aux enchĂšres ou destinĂ©s aux loteries. Dans une lettre, de remercĂźments, Ă©crite le 16 novem- bre 1872, par M. BarthĂ©lĂ©my St. Hilaire Ă  M. Touchard, nous remarquons le passage suivant "Je puis vous assurer que notre pays, si malheureux, se relĂšve de ses ruines avec une rapiditĂ© vraiment mer- veilleuse, et le message de M. le PrĂ©sident de la RĂ©publi- que pourra vous montrer clairement comlien les rĂ©sultats obtenus sont dĂ©jĂ  satisfaisants, et quelles justes espĂ©rances ils doivent nous donner pour l'avenir. Si Dieu nous con- serve M. Thiers encore quelques annĂ©es, la France aura repris son rang dans le monde et recouvrĂ© tous les biens que le rĂ©gime impĂ©rial lui avait fait perdre." Nous terminons l'histoire de cette seconde souscrip- tion nationale en Californie par les quelques dĂ©tails qui suivent A New-York et dans les environs, d'aprĂšs le Courrier les Etats - Unis citĂ© par le Courrier de San Francisco le 18 mai 1872, la souscription s'Ă©levait Ă  ^28, Le Trait d' Union de Mexico, du 14 aoĂ»t, annonçait que les 3,000 Français qui habitent le Mexique avaient re- cueilU 60,000 dollars. 298 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Au Japon, Ă  la date du 1 juin 1872, le comitĂ© de Yo- kohama avait obtenu les rĂ©sultats que voici A Yokohama, $6,523; Ă  Yokoska, $1,584; Ă  Yeddo, $511,15; Ă  Tomyoka, $345; Ă  Osaka et Hiogo, $410 total, $9, A ShangUaĂŻ, dit le Nouvelliste de cette ville, Ă  la date du 10 juin, la souscription s'Ă©levait Ă  $4, "Ce chif- fre," ajoute la feuille, "reprĂ©sente la cotisation de 84 per- sonnes, c'est-Ă -dire de toute la communautĂ© française de ShanghaĂŻ, car nous ne croyons pas que l'on puisse citer trois rĂ©sidents français dont les noms ne figurent pas sui- cette liste." Enfin le 10 juin, le Courrier de San Francisco an- nonce qaĂŻi Tahiti, le produit total de la souscription — y compris les dons du gouvernement et des administra- tions, de l'artillerie et de la marine, ainsi qu'un don de 2,500 francs d'un Anglais, M. Stewart — Ă©tait de 15,960 fr. 50. L'OPTION. Revenons de quelques mois en arriĂšre. Le 10 mai 1872, Ă  dix heures du matin, les Français de San Francisco, originaires des pro^'inces annexĂ©es, s'Ă©- taient rĂ©unis au nombre de trois cents environ, rue Mont- o-omery en face de la salle d'armes des Gardes Lafayette. AprĂšs s'ĂȘtre mis en ligne, ils se rendirent au consulat de SOUSCRIPTION NATIONALE 1872. 299 France, prĂ©cĂ©dĂ©s du drapeau tricolore qu'on avait serrĂ© Ă  la hampe et recouvert d'un long crĂȘpe noir. Le consul gĂ©nĂ©ral s'avança au devant des arrivants, et, les premiĂšres salutations Ă©changĂ©es, M. Alex. "Weill, au nom de ses compatriotes, prononça les paroles suivantes "Monsieur le consul gĂ©nĂ©ral, "Les Alsaciens et les Lorrains de San Francisco ont choisi ce jour, anniversaire de la date funeste oĂč la France vaincue s'est vue forcĂ©e de signer un traitĂ© odieux qui lui arrachait deux de ses plus chĂšres provinces, pour venir protester contre cette violation de la" libertĂ© humaine. Le vainqueur, non content de nous avoir ruinĂ©s, nous force en- core Ă  nous prononcer pour une nationalitĂ©, et nous fait l'injure de nous demander si nous voulons rester Français ! Ăźf 'a-t-il donc pas semĂ© assez de haine ? I^e croit-il pas avoir assez fait sentir Ă  ces deux nobles provinces la honte de la dĂ©faite ĂŻ Que lui faut-il donc ? S'imagine-t-il qu'il soit eu son pouvoir de nous arracher du cƓur l'amour que nous ressentons pour notre patrie malheureuse '{ " Qu'il se souvienne que bien avant la signature de cet horrible traitĂ©, uiie dĂ©putation de notables d'Alsace et de Lorraine s'est rendue Ă  Bordeaux pour protester contre la sĂ©paration, et que chaque homme, sans exception dans le pays, a approuvĂ© cette protestation. Aujourd'hui nous ne pouvons plus que protester solennellement contre l'in- terpellation donnĂ©e par M. de Bismarck au traitĂ©, en memi- çant de chasser de leurs foyers tous ceux ui auront l'au- dace de vouloir rester Français. Cette interprĂ©tation inhu- maine est, en effet, bien digue de l'homme qui n'a pas craint d'Ă©mettre la maxime cynique que la force prime le droit. "Pour nous qui sommes ici, c'est comparative- ment une chose aisĂ©e que de venir signer un document par lequel nous dĂ©clarons notre intention de rester Fran- çais. xVlais lĂ -bas, cette dĂ©claration entraĂźne l'expulsion; la 300 LÉS FRANÇAIS EN CALIFORNIE. faire, c'est s'exposer Ă  ĂȘtre chassĂ© de la terre natale, Ă  abandonner le pays, la famille, tout ce qui est cher. La France est impuissante encore, elle doit se soumettre; mais l'Europe qui voit froidement le retour de ces barba- ries, est complice du crime qui se commet. "Enfin nous venons remplir un triste devoir; nous ve- nons opter puisqu'il le faut. Souvenons-nous que les rircon- tances nous conseillent la prudence et le calme. Montrons- nous dignes de notre histoire. Soyons unis, patients, hon- nĂȘtes, industrieux. Amassons de l'or et jetons-le Ă  ces Prussiens, jusqu'au jour oĂč nous pourrons acquitter une autre dette "ÎTous allons, monsieur le consul, apposer nos signa- tures, Ăź^ous vous prierons, en mĂȘme temps, de transmettre au gouvernement français l'expression des sentiments qui nous animent, et " Ici la voix de l'orateur est coupĂ©e par ses sanglots. L'Ă©motion gagne tous les assistants. On voit des pleui-s couler de tous les yeux. Au bout de quelques instants, M. Ereuil, lui-mĂȘme, vivement impressionnĂ©, rĂ©pond ainsi "Je suis bien touchĂ©, monsieur, des nobles senti- ment que vous venez d'exprimer, en votre noni comme au nom des Alsaciens et des Lorrains rĂ©sidant Ă  San Fran- cisco. "Mon cƓur bat Ă  l'unisson du vĂŽtre, et je suis per- sonnellement heureux de recevoir de vous cette dĂ©clara- tion qui conserve Ă  la France ses plus dignes enfants." L'impression produite par ces discours Ă©tait profonde. Les larmes aux yeux, les optants signĂšrent, l'un aprĂšs l'au- tre, la dĂ©claration exigĂ©e par le traitĂ© de Francfort. M. Belcour, chancelier du consulat, avait fait faire, Ă  ses frais, une magnifique plume en or, et l'avait mise Ă  la disposition des signataires. Autour du manche Ă©tait SOUSCRIPTION NATIONALE 1872. 301 enroulĂ©e l'inscriptiou suivante Alsace — Lorraine — Hon- neur — Patrie — FidĂ©litĂ©. Ce bijou, prĂ©cieux Ă  tant de titres, fut vendu le soir mĂȘme Ă  la Foire, et otlert Ă  Mme Alexandre "Weill, prĂ©sidente du comitĂ© des dames françaises, par M. Scellier, l'acquĂ©reur. SEPTIÈME PARTIE Ligne Xatioiiale Française. Origine de la Ligue— Son but — Conseil d'administration et ComitĂ© exĂ©cutif — AdhĂ©rents sur la cote du Pacifique— La Ligue et les immi- grants d'Alsace-Lorraiue — Propagande faite par la Ligue en France — Hommage Ă  M. ĂŻhiers — Lettre de cet homme d'Etat — Sa mort — Nouvelles questions mises au concours par la Ligue — Almanach de la Ligue — PĂ©tition Ă  l'assemblĂ©e nationale — Part prise par la Ligue aux Ă©lections en France — Triomphe du parti rĂ©publicain — Jules Simon et les Français de San Francisco — Almanach des Ă©lecteiars — M. GrĂ©vy Ă©lu pre'sid'eut— La Ligue nationale et les sociĂ©tĂ©s patrioti- ques en France— La mission qii'elle continue Ă  poursuivre — Bureau d'aide et de placement — La BibliothĂšque française— Faits divers — Liste des consiils de France Ă  San Francisco — Conclusion. L'idĂ©e d'une Ligue de dĂ©livrance a germĂ© en Cali- fornie, comme ailleurs, dans l'Ăąme meurtrie des Alsaciens- Lorrains. A San Francisco, c'est au sein mĂȘme du comitĂ© cen- tral qu'elle prit naissance. M. Alex. Weill, vice-prĂ©sident et originaire de Phalsbourg, la formula en sĂ©ance, vers la fin du mois de fĂ©vrier 1871, dans les termes suivants "Tout indique que nous marchons Ă  la paix. A quelles conditions, cette paix sera-t-elle signĂ©e ? C'est ce que per- sonne ici, ne saurait dire; mais il est probable que nous au- rons Ă  payer une forte indemnitĂ© et que, de plus, nous de- vrons abandonner nue partie de notre territoire. Dans ces Î04 Llii". FRANÇAIS KN CALIFORNIE. ODuditious, jt> ]n>posemis que le ooiuito »le lu siu^'riptiou lUilionule, iu lieu de se distiouilre rouipKteuient. se tnius- foriuĂ t on un iomitr [utrioti^ue jui ]>renilrait linitiativo lie la t'ornuition d'une asiso.iiition Ă  laquelle i' mttadier tous les Fninvais rAnuriquo. l'ne ; ciatiou, si elle est V>ien dingv-e, pourmit. il me semiĂče. taiit> be;iueoup pour la ivucĂ©utnition de uoti*e malheureux pays. CĂŽtte proposition fut adoptie Ă  ruuauiiuite. Ou nomma nujue luie i-ommission iK»ur Ă©tudier la question; mais riusurreetiou comuuuialiste de i'aris eu fit reuvoyer la solution Ă  un luouient plus favorable. La mĂȘme idĂ©e, sous des formes diverses, se prĂ©senta ;l l'esprit tVautres Alsaciens et Lt»rraiiis. M. Constant .\leyor. r>trasbourgeois, Ă©crit de Los An- geles au Courritr de Sun Fraticisco^ daus les premiers jiuirs du mois d'avril 1871 ‱' Eu lisant dans votre estimable journal les remai>ues du Journal dex DĂ©nats^ uue maintenant il nous fallait trois choses .ei%-}ri'ram-c mids que la troisiĂšme ne l>ouvait ĂȘtre ni>mmte dans les cirronstauces actuelles, je me suis ilemandĂ© commetit, nous autres Franvais. vivant "hors de notre i»atrie, nous pourrions contribuer Ă  rĂ©aliser le troisiĂšme objet que le Journal des Dchat>' nose indi- quer. " Formons dos comitt's, faisons Ăźles souscriptions {.rendant trois ans [>our aider Ă  payer ou Ă  amortir la dette de la i^uerre. Eu agissant ainsi, nous serons sans dcitf quaud viendra le moment d'accomplir le troisiĂšme oi;..! jue le Journal des DĂ©bals uose nommer et qui est Ă©crit en lettres de feu daus le cƓur de chaque Frauvtds. * Le mĂȘme journal contient, Ă  la date du 9 avril, une lettre signĂ© L...., Lorrain uiuexĂ©. Le signataire ^uj-le de la folle espĂ©rance des Prussiens de germaniser la Lorniine. Eu attendant la re\-anche, il pro.>ose, aux Alsaciens et aux LXUri NATIONALE FBAN?heiit de cette furideut etiti'e eux. le 17 juin, dunt* lu r''umou leuue ur le>* iWan- , ,^,,^ ^i ,.^^ Lorrains, duu»^ la aile de»' ai'deĂź^ LafuNette, t convoquĂ©e pour uoaiiuer une coumiiiittiou, ;har;aĂ©e d^ lĂ©djjiçer la protentaliou coutre le traitĂ© de Francfort, WL Alexatidj'e Weill met le projet de fondation d'une Li^ue Ăč l'ordre du jour, il demande que la ;mjLnn*Hioii dĂ©jĂ  nom- mĂ©e .S"-* ." f- "d'Ă©tablir len bu*4et d'une lS^ eli* lu rĂ©dutĂźtiou dĂ©linitiAre de^ Htatut Ă  une commission com}»o»*Ă©e de Frauuytren; trĂ©so- rier, Joseph Aron; secrĂ©taires, Marc de Kirwan et E. Mar- que — Membres du conseil A. E. LeliĂšvre, Em. Raas, H. Hotiman, Joseph Godcliaux, J. Pinet, David Cahn, MoĂŻse Cerf, Michel Moritz, Florent Hotier. En ce moment, le nombre des adhĂ©rents Ă©tait de 441. Le conseil essaie de se mettre en relations avec d'au- tres villes des Etats-Unis. II Ă©crit Ă  New-YoĂŻ-k, Ă  la jSTou- velle-OrlĂ©ans, Ă  Mexico, etc. Le 26 septembre, il Ă©crit Ă  Paris pour se mettre en communication avec des hommes politiques influents, et les prier de constituer un comitĂ© exĂ©cutif de la Ligue. Ce comitĂ© se forme dans les premiers jours du mois de fĂ©vrier 1872, et se compose de MM. Cliarles Fauvety, homme de lettres ; Georges Coulon, avocat ; Alf. Ollive, nĂ©gociant ; Ch. Cazot, dĂ©putĂ© ; Maurice Engelhardt, avo- cat ; de Liouville, avocat; jST. Leven, avocat; Scheurer- Kestner, dĂ©putĂ©; et Elie Lazard, banquier. M. Charles Fauvety, nommĂ© prĂ©sident de ce comitĂ©, a continuĂ© Ă  remplir ces fonctions jusqu'Ă  ce jour avec le plus grand dĂ©vouement. Le comitĂ© exĂ©cutif s'occupa sĂ©rieusement de sa mis- sion. Son premier soin fut d'aviser aux moyens de mettre Ă  exĂ©cution les projets de propagande patriotique de la Ligue. Il s'arrĂȘta Ă  l'idĂ©e de fonder un journal. La Ligue se rendant aux raisons qui avaient dĂ©termiuĂ© ce choix, 310 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. vota la somme de cinq mille francs, Ă  condition que chaque numĂ©ro contiendrait deux colonnes de matiĂšre concernant spĂ©cialement l'Alsace et la Lorraine. La feuille devait s'appeler La RĂ©publique; mais le sentiment qui poussait la Ligue Ă  mettre de cĂŽtĂ© tout esprit de parti dans une Ɠuvre qui exigeait, avant tout, le concours du plus grand nombre possible de citoyens, animait Ă©galement le comitĂ© exĂ©cutif. Quoique composĂ© de vieux rĂ©publicains, il prĂ©fĂ©ra le titre de patriote avec le sous-titre "Moniteur Hebdomadaire du Suftrage Uni- versel " Ă  celui de la rĂ©publique, proposĂ© de prime abord. Cependant, dans sa sĂ©ance du 18 fĂ©vrier, il revint sur sa dĂ©cision, et substitua le mot rĂ©jjuhlicain au mot lululo- madaire dans le sous-titre du journal. D A la fin du premier exercice, qui expirait le 30 avril 1872, la Ligue avait 765 adhĂ©rents, dont 62 membres Ă  vie. Les adhĂ©sions Ă©taient venues de trente-huit localitĂ©s diffĂ©rentes de la Cahfornie, il en est mĂȘme arrivĂ© d'autres pays du Pacifique. Californie — San Francisco en a fourni 475 ; Los Angeles, 52 ; Eldorado, 24 ; San Luis Obispo, 20 ; Oak- land 15 ; Colusa, 7 ; Cerra Gordo, 5 ; Truckee, 4 ; Marti- nez, 3 ; Mission San JosĂ©, 3 ; Santa Cruz, 3 ; St-Helena, 3 Walnut Grove, 3 ; Sacramento, 3; les autres, 2 ou 1. Colombie Britannique — Victoria, 33 ; 1 aie, 3. 1 — Le Patriote fut poursuivi, condamnĂ© sous le rĂ©gime du 24 mai, et se transforma en Oaeeite des Paysans. LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 311 Nevada — Virgiiiia, 30 ; Opliir Canon, 1. Arizona — Prescott, 2. Idaiio — Boise City, 2. Mexique — Mazatlan et Hermosillo, 23. OrĂ©gon — Prairie City, 6 ; Salem, 1. France — Paris, 9; Bordeaux, 2; Tliann, 1. Tahiti — Papeete, 2. Les recettes dans la mĂȘme pĂ©riode, toutes dĂ©penses dĂ©duites, se sont Ă©levĂ©es Ă  7, Aux Ă©lections du mois de mai 1872, le conseil d'ad- ministration a Ă©tĂ© maintenu presque en entier. En voici la composition PrĂ©sident Alex. Weill ; vice-prĂ©sidents G. Tou- chard et J. Pinet ; trĂ©sorier MoĂŻse Cerf ; secrĂ©taires E. Marque et Daniel LĂ©vy. Membres du conseil PignĂ©-Bupuytren, Marc de Kirwan, A. LeliĂšvre, E. Raas, H. HofFman, J. Godchaux, David Cahn, M. Moritz et F. Hofter. Le 5 aoĂ»t, la Ligue apprend qu'un de nos compatrio- tes, M. de Murphy, a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  Colmar, Ă  trois mois d'emprisonnement, pour avoir soutHetĂ© un Alsacien, renĂ©- gat, qui avait acceptĂ© de la Prusse, des fonctions judiciai- res. Elle vote, en son honneur, un diplĂŽme de membre Ă  vie de la SociĂ©tĂ©. A la rĂ©union mensuelle du 2 septembre, lecture est donnĂ©e du discours d'adieux prononcĂ© Ă  Colmar par M. Isaac LĂ©vy, Grand Rabbin de cette ville. M. LĂ©vy voulant rester Français, avait donnĂ© sa dĂ©mission des hautes fonc- 312 LES FRANÇAIS EX CALIFORNIE. tions qu'il occupait, et avait acceptĂ© un poste bien infĂ©rieur Ă  Vesoul. Les sentiments de patriotisme, exprimĂ©s dans ce discours, le courage de l'orateur qui exprimait pour la France l'amour le plus ardent, dans une ville devenue allemande, touchĂšrent profondĂ©ment les ligueurs. Une lettre de fĂ©licitations fut adressĂ©e Ă  M. LĂ©vy en leur nom. Dans la mĂȘme rĂ©union, on s'occupe Ă©galement du sort des nombreux Alsaciens et Lorrains que l'option allait forcer de quitter leur pays. Plusieurs de ces exilĂ©s pou- vant venir chercher un asile en CaUfornie, M. Stoupe demande au conseil d'administration d'Ă©tudier les moyens de venir en aide Ă  ceux qui ari-iveraient sans ressources. ISTous faisons connaĂźtre plus loin la suite qui a Ă©tĂ© donnĂ©e Ă  cette [roposition. L'attitude prise par la Ligue Ă  l'Ă©gard du mouve- ment d'Ă©migration qui se dessina dans les dĂ©partements annexĂ©s aprĂšs l'option, atteste, selon nous, une grande clairvoyance politique de sa part. Elle avait prĂ©vu, qu'en s'exilant, les Alsaciens et les Lorrains feraient place nette aux Allemands et favoriseraient les projets de germanisa- tion de M. de Bismarck. Aussi at-elle eu soin de rĂ©server particuliĂšrement ses secours Ă  ceux qui, en Alsace et en Lorraine mĂȘme, auraient Ă  souffrir du rĂ©gime prussien. En envoyant au comitĂ© exĂ©cutif, le 18 juin 1872, une somme de 2,500 francs, destinĂ©e aux Alsaciens et aux Lorrains, le conseil d'administration de San Francisco lui Ă©crit ceci '' ĂźTotre but, en crĂ©ant ce fonds de secours, n'Ă©tait pas de pousser Ă  l'Ă©migration de nos malheureux compatrio- LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 313 tes; mais, par des secours judicieusement distribuĂ©s dans les pays annexĂ©s, d'y entretenir le patriotisme, de les en- courager Ă  supporter patiemment le joug odieux de l'Ă©tran- ger jusqu'au jour, ardemment dĂ©sirĂ©, de la dĂ©livrance. C'est donc Ă  ceux qui restent attachĂ©s au sol et qui y per- pĂ©tuent le culte de la France, que nous voulons tendre une main fraternelle." Dans une lettre du 27 septembre suivant, le conseil d'administration revient sur ce sujet. Le 13 janvier 1873, en envoyant une nouvelle somme de 2,500 francs Ă  Paris, le secrĂ©taire s'exprime ainsi, au nom du conseil "Nous attachons une trĂšs grande importance Ă  ce point. Nous sommes persuadĂ©s, que des distributions fai- tes sur les lieux, que des rapports constants, }iersistants de confraternitĂ© nationale avec les populations annexĂ©es, au- ront pour ettet de neutraliser les moyens employĂ©s par le gouvernement prussien pour les germaniser. Le conseil en est tellement convaincu qu'il m'a chargĂ© de vous prier de vouloir bien examiner Ă  nouveau cette question importante. Si nous tendons ainsi la main aux patriotes alsaciens et lorrains restĂ©s fidĂšles au sol natal, nous ne fermons pas les yeux sur les infortunes des annexĂ©s qui viennent cher- cher un asile sur la cĂŽte du Pacifique, car nous avons ouvert pour eux, sous le patronage de la Ligue, un bureau d'aide et de placement." Voici l'exposĂ© sommaire des opĂ©rations de la Ligue pendant l'exercice 1872-1873 A la nouvelle de l'exode eu masse des Alsaciens et des Lorrains, aprĂšs l'o[tion du l^i- octobre, la Ligue en- voya aussitĂŽt 2,500 francs au comitĂ© exĂ©cutif de Paris, l'informant en mĂȘme temps qu'elle tenait encore une som- me pareille Ă  sa disposition pour ĂȘtre, en cas de besoin, distribuĂ©e aux Ă©migrĂ©s. Elle vote Ă©galement 300 francs eu 314 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. faveur d'un instituteur de Mulhouse, expulsĂ© de l'Alsace pour avoir publiĂ© une feuille patriotique. Dans le courant de cette annĂ©e, dĂ©sirant accomplir la seconde partie de sa mission, elle mit au concours les trois questions suivantes qui lui paraissaient d'un intĂ©rĂȘt plein d'actualitĂ©. 1° De la nĂ©cessitĂ© de l'instructiou gratuite, obligatoire et laĂŻque. 1 2° Du service militaire obligatoire pour tous et des avantages matĂ©riels et moraux qui doivent en rĂ©sulter. 3° Des dangers de l'indiffĂ©rance en matiĂšre politique et des moyens d'y remĂ©dier. Un prix de 500 francs Ă©tait dĂ©cernĂ© Ă  l'auteur du meilleur travail sur chacune de ces questions. Le nombre des manuscrits reçus s'Ă©leva Ă  71. Paris en fournit la moitiĂ©, et les dĂ©partements le reste. Los trois mĂ©moires auxquels on dĂ©cerna les prix, fu- rent pubUĂ©s au nombre de 25,000 exemplaires, sous forme de brochures, et distribuĂ©s gratuitement eu France dans les campagnes oĂč le besoin de l'instruction se fait le plus vivement sentir. 1873-1874 — Aux Ă©lections de la Ligue du mois de mai 1874, le conseil d'adraiuistrion fut composĂ© de la ma- niĂšre suivante PrĂ©sident, M. Pinet; vice-prĂ©sidents, Marc de Kirwan et Dr. PignĂ©-Dupuytren; trĂ©sorier, E. Raas; secrĂ©taires, Daniel LĂ©vy et Jules Weill. Membres du conseil MM. 1 — M. Alex. Weill, qui avait proposĂ© cette question, offrit 100 dollars destinĂ©s Ă  l'insti- tuteur français qui Ă©crirait le meilleur mĂ©moire sur ce sujet, plus 50 dollars pour cou- vrir les frais de publication. LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 315 Alex. Weill, MoĂŻse Cerf, P. Fleury, L. M. Gautier, A. Dolet, J. Godcliaux, CarrĂšre, E. Marque et G. VĂ©nard. HoMiMAOES A M. TiiiEiis — Le 24 juin, le conseil dĂ©- cide d'envoyer une adresse Ă  l'illustre homme d'Etat qui avait mĂ©ritĂ© le titre de LibĂ©rateur du territoire, et que l'AssemblĂ©e nationale, aveuglĂ©e par ses passions rĂ©action- naires, venait de renverser du pouvoir. Une assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Français a lieu, le 9 juil- let, Ă  Mercantile Library Hall, sous la prĂ©sidence de M. Pinet. AprĂšs avoir exposĂ© en quelques mots l'objet de la rĂ©union, le prĂ©sident code la parole Ă  M. Daniel LĂ©vy. L'orateur s'attaclie Ă  faire ressortir les immenses ser- vices rendus Ă  notre pays, par M. Tliiers, pendant sa longue et glorieuse carriĂšre politique; la sagacitĂ© qu'il avait mon- trĂ©e en combattant la dĂ©claration de la guerre; le dĂ©voue- ment extraordinaire qu'il avait manifestĂ©, lui vieillard de 75 ans, allant en plein hiver solliciter les puissances neu- tres eu faveur de la France; l'Ă©nergie avec laquelle il s'Ă©tait mis, aprĂšs la paix, Ă  rĂ©parer les dĂ©sastres de la guerre, et Ă  travailler au relĂšvement de la patrie, etc. C'est pour rendre un hommage public de notre res- pect, de notre reconnaissance et de notre admiration Ă  cet illustre patriote, ajoute l'orateur, que nous nous sommes rĂ©uids ici ce soir. Voici la fin du discours " Kst-il nĂ©cessaire de m'Ă©tendrc davantage sur ce su- jet pour obtenir votre cordiale adhĂ©sion ;\ la manifestation 316 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. dont la Ligne nationale a pris l'initiative ? Ăźsoni je croirais faire injure Ă  vos sentiments de Français en insistant. "Je me bornerai Ă  vous dire pour terminer soyons dignes du grand citoyen dont nous sommes tiers; soyons dignes de la France qui, par sa noble conduite a reconquis les sympathies du monde civilisĂ©; soyons enfin dignes de nous-mĂȘmes qui, par notre patriotisme, avons fait respec- ter le nom de notre pays Ă  l'Ă©tranger; et xiroclamous^ bien haut que nous, Français de Cahfornie, nous ne connaissons pas l'ingratitude, et que nous savons honorer les bienfai- teurs de notre patrie." Puis lecture est donnĂ©e de l'adresse suivante, rĂ©digĂ©e par M. E. Marque " J. monsieur Adolphe Thkrs, ^^ .Membre de V AssemblĂ©e Nationale. " Monsieur, "Les soussignĂ©s, citoyens français rĂ©sidant en Califor- nie, osent vous prier de vouloir bien accepter le modeste prĂ©sent qui accompagne cette lettre, comme un faible tĂ©- moignage du respect et de l'admiration qu"ils ressentent pour votre personne. "Puisqu'une majoritĂ© de l'assemblĂ©e nationale n'a pas craint de donner au pays l'exemple de l'ingratitude en vous obligeant de quitter le pouvoir que vous exerciez si dignement, ils regardent comme un devoir de joindre leurs voix Ă  toutes celles qui se sont Ă©levĂ©es pour protester contre le vote anti-patriotique du 24 mai. "La France n'a pas ratifiĂ© l'action de cette majoritĂ© Ă©phĂ©mĂšre. Elle ne saurait oubher les immenses services que vous lui avez rendus. Elle ne saurait oublier que c'est surtout Ă  vos efforts courageux qu'elle doit le rĂ©tablisse- ment de l'ordre, la rĂ©organisation de ses finances et de son armĂ©e, et qu'elle devra, le 5 septembre prochain, la libĂ©ra- tion anticipĂ©e de son territoire. LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 317 " Quant Ă  nous, Français, jui habitons un ]» liljre, nous nous souviendrons toujours que si la RĂ©publique de- vient, comme nous l'espĂ©rons, la forme dĂ©finitive du gou- vernement de notre patrie bien-aimĂ©e, l'honneur doit en revenir, en grande paitie Ă  votre loyautĂ©. "Les Français de Californie." On nomma ensuite une commission chargĂ©e de dĂ©si- gner l'objet le plus convenable Ă  ottVir Ă  M. Tliiers. La souscription, ouverte Ă  San Francisco et dans l'intĂ©rieur pour faire face aux dĂ©penses, produisit .$1,T4L65. La commission dĂ©cida de consacrer cette somme Ă  la confection d'un album contenant l'adresse et les signatures des adhĂ©rents. Les couvertures de rallum, fabri[uĂ©es avec des ]ois de Californie et magnifique- ment ornĂ©es de matiĂšres prĂ©cieuses — or et ai'gent — ti- rĂ©es des mines du [uiys, offraient un aspect Ă  la fois riche et Ă©lĂ©gant.''^ L'adresse Ă  ^L Thiers, }ubliĂ©e par la presse en France, fut naturellement bien accueillie ]ar les rĂ©iubli- cains et fort critiquĂ©e [»ar les monarchistes. M. HervĂ© y consacra un long article dans lequel le coryphĂ©e de la ]»resse orlĂ©aniste accusait les signataires d'ignorer les mƓurs i»olitiques d'un pays libre. L'album fut prĂ©sentĂ© Ă  M. Thiers, le novemlre, en prĂ©sence d'un grand nombre de ses amis, entre autres MM. Jules Simon et BarthĂ©lĂ©my St. Ililaire, par une pel "A la nouvelle du vote du 25 fĂ©vrier 1875, nous avons tous Ă©prouvĂ© un soulagement inexprimable. La France, aprĂšs cinq annĂ©es d'un rĂ©gime Ă©nervant, sortait enfin du provisoire poui- se constituer en RĂ©pubhque. "Mais les partis n'abdiquaient point encore, et le gou- vernement lui-mĂȘme se montrait hostile aux institutions nouvelles. Rien ne paraissait solidement fondĂ©. Ce qu'un vote de l'assemblĂ©e avait fait, un autre vote pouvait Je dĂ©faire. Il fallait un acte de volontĂ© du peuple souverain pour donner Ă  l'Ɠuvre fragile de ses mandataires une base inĂ©branlable et une autoritĂ© suprĂȘme. Cet acte vient de s'accomphr. La nation s'est prononcĂ©e solennellement en faveur de la constitution rĂ©imblicaine. "La Ligue nationale qui appelait de tous ses vƓux le triomphe des idĂ©es qu'elle dĂ©fend dans la mesure de ses forces, est heureuse de pouvoir enfin donner suite Ă  la - Ce n'est pas sans difficultĂ© et sans danger que cette Ɠuvre de propagande s accom- plit. Le gouvernement s'y montra trĂšs hostile. P usieurs agents charges de la d j^U bu- tion de la brochure furent molestĂ©s et arrĂȘtĂ©s. L'un d'eux eut a subir une condamna- 1 tio"n."La"LÎsĂ»ĂȘiui envoya SOO francs pour rinderaniser. LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 329 dĂ©cision \>v\se par elle, dĂšvs le mois de mars 1875, de con- vier notre population Ă  une manifestation itublicpie en l'honneur de la RĂ©publique dĂ©finitivement constituĂ©e et consacrĂ©e par le suttrage universel. "Mais dĂ©sireuse, avant tout, de donner Ă  cette mani- festation un caractĂšre d'unanimitĂ©, reflet des sentiments fraternels qui animent nos compatriotes Ă  San Francisco, le conseil d'administi-ation de la Ligue prie instamment messieurs les sociĂ©taires, et les rĂ©sidents français en gĂ©nĂ©- ral, de se rendre Ă  la rĂ©union devant avoir lieu jeudi, 24 fĂ©vrier, Ă  la salle des Lafayette." Dans cette rĂ©union fort nombreuse, prĂ©sidĂ©e par M. de Kirwan, prĂ©sident de la Ligue, il est dĂ©cidĂ© de nommer une conmiission chargĂ©e de rĂ©diger un projet d'adresse aux prĂ©sidents des deux Chambres, et de le proposer Ă  l'adoption d'une assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale, convoquĂ©e pour le 8 mars, jour mĂȘme de l'ouverture du Parlement en France. L'assemblĂ©e du 8 mars a eu lieu Ă  Dashaway Hall avec un certain apparat. Nos deux compagnies militaires y assistaient en grande tenue de service, ainsi qu'un grand nombre de dames. L'OrphĂ©on Français et la SociĂ©tĂ© Phil- liarmonique ont grandement contribuĂ© Ă  relever la solen- nitĂ© de la soirĂ©e. M. de Kirwan ouvrit la sĂ©ance en faisant un exposĂ© de la situation en France et des Ă©vĂ©nements politiques qui avaient amenĂ© un si heureux changement ; puis il cĂ©da la parole Ă  M. Pinet, qui prononça un Ă©loquent discours dont voici la pĂ©roraison "Je m'aierçoi8, Messieurs, que j'ai beaucoup abusĂ© de vos moments. Permettez-moi ce^jendant, en terminant, de payer avec vous un tribut aux trois illustres citoyens 330 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. qui, parmi un grand nombre d'autres, dont la dĂ©mocratie s'honore Ă  juste titre, ont le plus contribuĂ©, par leurs lumiĂšres et leur ardent amour de la patrie, Ă  fonder ce gouvernement rĂ©publicain dont nous fĂȘtons en ce moment l'heureux avĂšnement. Vos bouches viennent de nommer Gambetta, dont l'indomptable Ă©nergie conserva l'honneur de la France, Thiers, le UbĂ©rateurde son territoire, Jules Simon qui l'aurait arrachĂ© Ă  l'ignorance, si les ennemis acharnĂ©s de la raison et de la lumiĂšre lui en avaient laissĂ© le temps, "De i^areils hommes. Messieurs, sont un grand sujet de consolation pour un peuple ; et, quoi qu'en puissent dire les dĂ©tracteurs de la France, tant qu'elle conservera assez de puissance vitale pour produire de tels hommes, il sera glorieux, mes chers compatriotes, de porter le titre de citoyen de la RĂ©[ubhque Française." Une triple salve d'applaudissements salua ce dis- cours. L'adresse suivante fut envoyĂ©e, par l'assemblĂ©e, aux deux chambres, le soir mĂȘme, par le tĂ©lĂ©graphe, au nom des Français de San Francisco et de ceux de Los Angeles qui, par dĂ©pĂȘche, s'Ă©taient associĂ©s Ă  la manifestation " InĂ©branlablement attachĂ©s Ă  la mĂšre-patrie, souf- frant de ses douleurs et nous rĂ©jouissant de ses joies, "Ăź^ous envoyons respectueusement nos fĂ©licitations au SĂ©nat et Ă  la cliambre des dĂ©putĂ©s pour le rĂ©sultat des Ă©lections. "Puisse la RĂ©pubhque, fondĂ©e sur les fortes convic- tions des uns, sur l'esprit de conciliation des autres et sur le patriotisme de tous, dissiper bientĂŽt toutes traces de nos malheurs et de nos discordes passĂ©es, et faire une France unie et puissante." ' 1876-18TT — A l'occasion du renvoi brutal du minis- tĂšre Jules Simon, le 16 mai 1877, la Ligue provoqua un LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 331 niectinq d'inilir/nation ou de protestation qui eut lieu le 24 mai suivant Ă  Dashaway Hall, sous la prĂ©sidence de M. de Kirwan. Des discours furtMit [rononcĂ©s dans cette rĂ©union par le prĂ©sident, et par MM. Pinet, FiguiĂ©res, A. Goustiaux, E. Marque, Alex. Weill et Daniel LĂ©\'y. Chacun des ora- teurs envisageait la question Ă  un point de vue dittĂ©rent, mais tous Ă©tait d'accord pour flĂ©trir la conduite de Mac Malion et de ses funestes conseillers, et pwur dĂ©plorer les terribles consĂ©quences qui pouvaient en rĂ©sulter pour la France. Une adresse au jjeuple français,^^'' adoptĂ©e Ă  Funa- nlmitĂ© par l'assemblĂ©e, fut envoyĂ©e au prĂ©sident exĂ©- cutif Ă  Paris avec priĂšre de lui donner la plus grande publicitĂ©. Voici le texte de l'adresse "Convaincus que tout ce qui est de nature Ă  entraver le libre dĂ©veloppement des institutions rĂ©publicaines en France, ne ]ieut ĂȘtre que fatal Ă  la rĂ©gĂ©nĂ©ration morale, politique et sociale du pays, "Convaincus, en outre, que tout ce qui, dans les cir- constances actuelles tend Ă  compromettre se; bonnes rela- tions avec l'Ă©tranger, peut amener les complications les plus dangereuses pour sa sĂ©curitĂ© dans le prĂ©sent et ses destinĂ©es dans l'avenir, "Les Français de San Frai\cisco, rĂ©unis en assemblĂ©e pubrupie, et animĂ©s du plus [irofond amour pour leur pays natal. Ă«che. il faut se rappeler que la uation Ăźle la France se trouvait compromise au dehors aussi bien [u'au dedans par les airissementsde la faction clĂ©rico-uionarchique. L'Italie, en parliouler, Ă©tait vivement inquiĂšte et irritĂ©e des tendances de ce parti qui, en favorisant la papautĂ©, menaçaient /'unitĂ© nationale de la pĂ©ninsule. 332 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. "DĂ©plorent les circonstĂźnices extraordinaires qui ont amenĂ© au pouvoir les reprĂ©sentants des partis condamnĂ©s par le suttrage universel. "Et expriment la ferme espĂ©rance que le peuple fran- çais, loin de se dĂ©courager, persĂ©vĂ©rera Ă©nergiqnenient dans sa volontĂ©, tant de fois manifestĂ©e, de maintenir la RĂ©- publique, et saura la dĂ©fendre contre tous les dangers dont elle serait menacĂ©e. " La Lio-ue avait raison de compter sur la fermetĂ© et la persĂ©vĂ©rance des rĂ©publicains. On se rai»pelle que le duc de Broglie, appelĂ© Ă  remplacer Jules Simon au pouvoir, ob- tint le 22 juin du SĂ©nat la dissolution de la Chambre, et que les nouvelles Ă©lections furent fixĂ©es au 1-i octobre. C'Ă©tait encore une lutte Ă  soutenir, lutte dont l'issue de- vait avoir une trĂšs grande influence sur le sort de la RĂ©pu- blique. La Ligue le comprit si bien qu'elle vota la somme de 8,000 francs pour frais de propagande Ă©lectorale. Elle fit distribuer eu France plus de trois cent mille exemplaires d'une brochure intitulĂ©e V Almanach des Electeurs. La vic- toire des candidats rĂ©publicains fut complĂšte; elle rĂ©ahsa la prophĂ©tie de Gambetta disant en pleiue Chambre "En 1830, on est parti 221, et Ion est ]-evenu 270. J'affirme que, partant 3G3, nous reviendrons 400."" En France on apprĂ©ciait hautement les efforts de la Ligue. Voici, Ă  ce sujet, l'extrait d'un rapport du comitĂ© des gauches du SĂ©nat " Qui ne se sentirait gagnĂ© par les sentiments dont les tĂ©moignages nous sont venus de la France entiĂšre et mĂȘme des Français rĂ©sidant hors de la patrie, qui nous ont adressĂ© les plus touchants encouragements et des ofirandes d'autant plus prĂ©cieuses qu'elles aceusaient souvent la pau- LIGUE NATIONALE FRANÇAISE, 333 vretĂ© des soiiscrijteiirs ? Des souscriptions et des adresses nous ont Ă©tĂ© envoyĂ©es, non-seulement de Suisse, de Belgi- que, d'Angleterre, d'Italie, des divers pays d'Eurojie; mais du fond mĂȘme de l'Orient. Cesi aux Français de San Francisco que nous lierons la large diffusion d'une des bro- chures les plus utiles, I'Almanach des Electeurs, plus de 300,000 et nos chers concitoyens d'Alsace et de Lorraine, airĂšs d'importantes souscritions, nous en- voj'aient, au lendemain du scrutin, d'ardentes fĂ©licitations. Vous savez avec quelle Ă©motion elles ont Ă©tĂ© reçues." MalgrĂ© cette nouvelle et Ă©clatante victoire, la RĂ©pu- blique se trouvait encore, Ă  la merci de ses mortels adver- saires qui continuaient Ă  tenir en main le pouvoir exĂ©cutif et Ă  dominer dans le SĂ©nat. Mais les Ă©lections sĂ©natoriales, fixĂ©es au ĂŽ janvier 1879, pouvaient dĂ©nouer la situation et assurer dĂ©finitivement le triomphe du parti rĂ©publicain. Pour en arriver lĂ , un effort suprĂȘme s'imposait Ă  tous les patriotes. La Ligue s'y associa en votant une somme de 5,000 francs. Mais en France l'Ă©lan fut si iniissant et si universel, les souscriptions afHuĂšrent avec tant de profu- sion, que le comitĂ© exĂ©cutif de la Ligue Ă  Paris, ne crut devoir dĂ©[>enser que la moitiĂ© de la somme mise Ă  sa dis- position. Ces Ă©lections donnĂšrent, en effet, la majoritĂ© aux rĂ©- publicains dans le SĂ©nat. ]Mac-Mahon, rĂ©duit dĂ©sormais Ă  rimiuissance dans son hostilitĂ© contre la RĂ©publique, se dĂ©mit de ses fonctions, et M. JuJes GrĂ©vy fut Ă©lu Ă  sa place 30 janvier 1879. La RĂ©publique Ă©tait enfin solidement fondĂ©e et ses destinĂ©es confiĂ©es A des mains amies. En raison de circonstances iturement locales, — ou 334 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Ă©tait au lendemain du dĂ©sastre de la Caisse d'Epargnes française — la Ligue s'abstint de prendre l'initiative de toute dĂ©monstration publique de rĂ©jouissance. Mais elle envoya par le cable au nouveau prĂ©sident de la RĂ©publi- que l'adresse suivante 1er fĂ©vrier 1879. " La Ligue nationale des Français de Californie s'as- socie Ă  la joie causĂ©e en France par le rĂ©sultat des Ă©lec- tions sĂ©natoriales, et envoie ses chaleureuses fĂ©licitations au patriote Ă©mineut, appelĂ© par le CongrĂšs, Ă  la prĂ©sidence de la RĂ©publique. "Daniel LĂ©vy." Nous venons de raconter la part active prise par la Ligue Ă  la longue et ardente lutte engagĂ©e en France en- tre les diiĂŻĂ©rents partis politiques, et les services que, dans sa modeste sphĂšre d'action, elle a pu rendre Ă  la cause rĂ©publicaine. Depuis l'Ă©crasement des factions mo- narchistes, elle a changĂ© d'objectif. Elle dirige maintenant son activitĂ© sur d'autres points, mais qui tous se relient au mĂȘme but le relĂšvement de la patrie par l'Ă©ducation. LĂ  encore, elle apporte son appoint aux eftbrts tentĂ©s par les amis les plus Ă©clairĂ©s des institutions nouvelles. Une SociĂ©tĂ© devenue puissante, d'origine alsacienne, la Ligue française de l'enseignement — se dĂ©voue, sous la direction de M. Jean MacĂ©, prĂ©sident, et de M. Em. Vau- chez, secrĂ©taire-gĂ©nĂ©ral, Ă  cette grande Ɠuvre de rĂ©gĂ©nĂ©- ration populaire. La Ligue californienne ne pouvait, sans trahir son mandat, se dĂ©sintĂ©resser de cette glorieuse en- treprise. DĂšs le mois d'aoĂ»t 1876, elle a envoyĂ© mille LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 335 francs an prĂ©sident de lu SociĂ©tĂ© en France. Depuis lors, elle n'a jamais manquĂ© de lui adresser, cluKjue annĂ©e, son oftrande. ]N^on contente de puiser dans sa projire caisse, elle fait encore appel Ă  la bourse de ses compatriotes cali- forniens, quand il s'agit d'une Ɠuvre vraiment nationale, comme V Education civique ci militaire, ou comme l'Ă©rection des monuments Ă  Gambetta. Pour l'une, elle a allouĂ©, sur son fonds de propagande, la somme de deux mille francs et obtenu 3,500 francs de souscriptions. Pour l'autre, elle a recueilli prĂšs de 5,000 francs dans notre colonie. La Ligue n'oublie pas non plus les obligations qu'elle s'est imposĂ©es envers nos frĂšres d'Alsace et de Lorraine. Depuis des annĂ©es, elle envoie, pour la fĂȘte de l'arbre de NoĂ«l, cĂ©lĂ©brĂ©e annuellement Ă  Paris avec de tant de so- lennitĂ©, cinq cents francs destinĂ©s Ă  ĂȘtre distribuĂ©s en prix aux enfants Ă©migrĂ©s de nos deux provinces mutilĂ©es. Elle fait plus. Toutes les fois qu'on lui signale le cas d'un de nos frĂšres sĂ©parĂ©s qui souffre pour la cause commune, elle s'empresse de lui adresser un tĂ©moignage de sa vive solli- citude, heureuse de pouvoir sĂ©cher les larmes d'un de ces pauvres martyrs du patriotisme. Enfin, par ses attaches avec mi journal spĂ©cial et dĂ©vouĂ©, elle concourt Ă  perpĂ©- tuer les sentiments d'affection filiale qui unissent les popu- tions annexĂ©es Ă  la patrie fran^çaise, sentiments qui se sont affirmĂ©s de nouveau, avec un incomparable Ă©clat, le 28 octobre dernier, lors des Ă©lections des dĂ©putĂ©s au lieichs- tag de Berlin. En relations actives avec toutes les grandes sociĂ©tĂ©s patriotiques fondĂ©es dans le but de travailler Ă  la rĂ©alisa- 336 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. tiou de nos plus cliores espĂ©rances, la Ligue s'efforce Ă©ga- lement d'entretenir, au sein mĂŽme de notre colonie, un ar- dent amour pour la France. Elle continuera sa sainte tĂąche, elle continuera Ă  y consacrer tous ses efforts et tou- tes ses ressources, jusqu'au jour passionnĂ©ment dĂ©sirĂ©, oĂč lĂ -bas le Droit triomphera de la Force brutale. En un mot, pĂ©nĂ©trĂ©e de l'esprit de sacrifice et de dĂ©vouement qui ani- mait ses fondateurs, elle ne cessera de saisir toutes les oc- casions pour montrer son inĂ©branlable fidĂ©litĂ© Ă  la devise qu'elle a adoptĂ©e comme guide et comme drapeau Tout pour la patrie ! Bureau d'Aide et de Placement. Nous avons dit que dans son assemblĂ©e mensuelle du 2 septembre 1872, la Ligue, sur la proposition de M. Stoupe, s'Ă©tait occupĂ©e des mesures Ă  prendre en vue de l'arrivĂ©e probable en GaUfornie, d'Ă©migrants alsaciens et lorrains. ^n efiet, une commission fut nommĂ©e aussitĂŽt, Ă  cet effet, composĂ©e de MM. LĂ©opold Cahn, J. Aron, Stoupe, Griinwald, Pinet et Marque. Elle prĂ©senta son rapport au conseil, le 7 octobre, avec un projet de constitution d"un Bureau d' Aide et de Placement. Le conseil dĂ©cida de con- voquer les ligueurs en assemblĂ©e extraordinaire, le 14 du rA — La Ligue fut incorporĂ©e le 23 juillet 1ST6. M. Jarboe, avocat amĂ©ricain distinguĂ©, voulut bien se cliarger, s ins accepter d'Iionoi-aires, de guider le conseil d'administra- tion dans les dĂ©marches Ă  faire pour remplir les formalitĂ©s d'usage. Afin de se conformer Ă  la loi, le nombre des membres formant le conseil fut rĂ©duit de quinze Ă  onze. LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 337 mOme mois, afin de statuer dĂ©finitivement sur l'organisa- tion du Bureau. Le projet iroposĂ© par la commission fut adoptĂ© le 17 octobre. L'idĂ©e premiĂšre avait Ă©tĂ© de crĂ©er le Bureau seulement au profit des immigrants des dĂ©partements annexĂ©s; mais pour ne pas Ă©tablir de catĂ©gories entre Français d'origines di- vei'ses, on rĂ©solut d'Ă©largir les bases de cette crĂ©ation et d'Ă©- tendre le patronage de la Ligue Ă  tous nos compatriotes en quĂȘte d'un emploi. Cependant on ne voulait pas faire une Ɠu- vre de charitĂ©, puisqu'il en existait une, mais constituer une sorte de sociĂ©tĂ© de secours mutuels se suffisant, jusqu'Ă  un certain point, Ă  elle-mĂȘme. Kn un mot, on voulait, tout en tendant la main aux travailleurs des deux sexes, sauvegarder leur dignitĂ© et leur faciliter par un certain systĂšme de rem- boursements, les moyens d'aider personnellement Ă  ali- menter les ressources de l'institution. On confia l'adminis- tration du Bureau Ă  cinq directeurs, auxquels M. Rodouan fut adjoint, eu qualitĂ© de secrĂ©taire chargĂ© du travail cou- rant. La persoinie placĂ©e par le Bureau, devait acquitter un droit de commission ou bien promettre par Ă©crit de le payer aprĂšs l'expiration du premier mois. Le Bureau accordait des avances pour frais de route aux personnes qui avaient trouvĂ© un emploi dans une lo- calitĂ© de l'intĂ©rieur. Autant que possible, il devait s'abste- nir de faire des avances en argent; mais il accordait des bons de repas et de logement. Les sommes rembourtsĂ©es devaient servir Ă  d'autres im- miirranis. 338 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Telle Ă©tait l'Ă©conomie de cette organisation inspirĂ©e par une pensĂ©e de prĂ©voyance et de patriotisme, et fondĂ©e sur des bases absolument dĂ©mocratiques. InstallĂ© au siĂšge de la Ligue, rue Montgomery, au coin de la rue Jackson, le Bureau commença Ă  fonction- ner le 14 novembre 1872. Le premier comitĂ© de directeurs Ă©tait composĂ© de M. Raas, prĂ©sident, et de MM. LĂ©opold Calm, E. Piquet, A. Dolet et P. Fleurj. Voici maintenant avec quelles ressources, le Bureau commença ses opĂ©rations Souscription au profit de l'Ɠuvre S 874 50 Reliquat de la souscription pour la libĂ©ration du territoire . . . 592 00 Produit d'un bal donnĂ© par les Gardes Lafayette 430 00 Total S1,89G50 Depuis le 14 novembre 1872, jour de l'ouverture du Bureau, jusqu'au 30 avril 1874, c'est-Ă -dire pendant les 18 premiers mois de son existence, le Bureau a trouvĂ© de l'emploi pour 204 personnes, lesquelles devaient payer comme commission une somme de $ Sur cette somme, il a Ă©tĂ© recouvrĂ© de 106 personnes placĂ©es, $ Pendant la mĂȘme pĂ©riode on a dĂ©pensĂ©, Ă  titre d'avances, soit en espĂšces, soit en bons de restaurant et de logement $ sur lesquels $ ont Ă©tĂ© rem- boursĂ©s. Les recettes se sont Ă©levĂ©es Ă  $2, provenant des souscriptions dĂ©jĂ  mentionnĂ©es, d'intĂ©rĂȘt des sommes LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 339 placĂ©es et de remboursements. Les dĂ©penses ont Ă©tĂ© de $1, Restait en caisse une somme de $1, * Pour l'exercice 1874-75, le rapport de M. David Cahn, prĂ©sident du comitĂ© des directeurs, Ă©tablit les chif- fres suivants PlacĂ© 85 personnes. DĂ©penses $ Avoir au l''' mai 1875— $1, Au l*'*' mai de l'annĂ©e 1876, le rapport du prĂ©sident, M. Moise Cerf, n'indique plus que douze personnes pla- cĂ©es. L'immigration avait complĂštement cessĂ©, ainsi que les remboursements. Les dĂ©penses en avances de fonds, bons de restaurant et de logement, s'Ă©taient Ă©levĂ©es Ă  $ il ne restait plus en caisse que $ L'annĂ©e suivante — prĂ©sident, M. VĂ©nard — les dĂ©- penses ont Ă©tĂ© de $ et l'encaisse se trouvait rĂ©duite Ă  $ Ce fonds fut Ă©puisĂ© dans le courant de l'exercice 1S77_78 et le Bureau cessa d'exister, n'ayant d'ailleurs, plus de raison d'ĂȘtre. BibliothĂšque de la Lioue Nationale. DĂ©s la seconde annĂ©e de l'existence de la Ligue, on a pu remaniucr un certain attiĂ©dissement t-liez quelques-uns de ses membres. Etait-ce un effet de la rĂ©action qui ne man- que jamais de succĂ©der aux grandes effervescences populai- res ? Une sorte de fatigue et d'attaissement moral aprĂšs l'exaltation extraordinaire des esprits ? Toujours est-il quOn jie pouvait mettre en question le patriotisme de la colonie. 340 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. C'est sa foi qui allait s'affaiblissant. Ali! ils sont rares ceux qni, Ă©pris d'un grand et gĂ©nĂ©reux idĂ©al, ont le caractĂšre assez fortement trempĂ© pour le poursuivre avec persĂ©vĂ©- rance, en dĂ©pit des obstacles, des mĂ©comptes et des dĂ©boi- res. La plupart des hommes ne s'attachent guĂšre Ă  des idĂ©es abstraites, si belles, si nobles qu'elles soient. Il leur faut comme attrait, comme mobile d'action, un intĂ©rĂȘt im- mĂ©diat et tangible qui frappe vivement les yeux, les cƓurs ou les imaginations. Il leur faut aussi les excitations sans cesse renaissantes de la lutte pour rester suj' la brĂšche. L'arme leur tombe souvent des mains devant Taiv parence mĂȘme de la paix. La Ligue Ă©tait sortie toute frĂ©missante de cette fiĂšvre de revanche ou de revendication qui transportait les Ăąmes au lendemain de la mutilation de la patrie. Elle Ă©tait, en Californie, la premiĂšre manifestation, le premier effort collectif organisĂ© pour hĂąter l'heure de la rĂ©paration. Mais bientĂŽt le but vers lequel elle tendait, ce but qui na- guĂšre, au milieu des hallucinations des esprits surexcitĂ©s par la lutte, ajDparaissait nettement aux yeux de tous, sem- bla s'Ă©loigner dans les brumes d'un avenir incertain. On s'Ă©tait flattĂ© que la France, au bout de quelques annĂ©es, serait suffisamment armĂ©e et forte pour rentrer en lice et reconquĂ©rir les provinces perdues. On oubliait que la vie des peuples ne se mesure pas comme celle des individus, et que l'existence d'un homme n'est qu'une seconde dana celle d'une nation. Certains de nos compatriotes niaient TutilitĂ© de la Ligue, parce que ses effets ne se faisaient sentir qu'Ă  trois- LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 341 mille lieues de distance. D'autres, tout en reconnaissant les services qu'elle rendait, se plaignaient qu'elle ne fĂźt rien dans l'intĂ©rĂȘt de la colonie elle-mĂȘme. Vivement prĂ©occupĂ©e de cet Ă©tat de choses, l'admi- uistration rechercha les moyens d'y remĂ©dier. Dans sa sĂ©ance du 31 aoĂ»t 1872, l'auteur de ce Hvre, proposa l'Ă©ta- blissement d'une bibliothĂšque française. Il lui semblait qu'une pareille institution ralherait Ă  la Ligue les sympa- thies de tous nos compatriotes Ă©clairĂ©s, rendrait un vĂ©rita- ble service Ă  la colonie, et constituerait mĂȘme une Ɠuvre patriotique et nationale dans le sens le plus large et le plus Ă©levĂ© du mot. Quel est, en eflet, l'Ă©lĂ©ment le plus puissant d'une nationalitĂ©? c'est la langue. Quelle est la source la plus pure oĂč se retrempe l'amour de la patrie ? c'est la connaissance de son histoire, c'est l'Ă©tude des chefs-d'Ɠu- vre littĂ©raires et scientifiques par lesquels ses hommes de gĂ©nie l'ont illustrĂ©e dans le monde. Rien n'est donc plus propre Ă  entretenir, chez les Français Ă  l'Ă©tranger, l'atta- chement Ă  la mĂ©re-patrie que la conservation de leur idio- me maternel. A ces divers points de vue, la crĂ©ation d'une bibliothĂšque française paraissait aux yeux de l'auteur de la proposition, se rattacher intimement Ă  la mission patrio- tique que la Ligue s'Ă©tait imposĂ©e. Tout en apprĂ©ciant la grande utilitĂ© d'une bibliothĂš- que, le conseil voyait, pour le moment, trop de difficultĂ©s Ă  l'exĂ©cution d'une pareille entreprise ; mais il y revint dix-huit mois plus tard et, cette fois, il adopta la proposi- tion. On nomma une commission chargĂ©e de solliciter des 342 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. dons de livres. M. PignĂ©-Dniiuvtren, prĂ©sident, se mit Ă  la tĂȘte dn mouvement avec une ardeur et un dĂ©vouement qu'on ne saurait trop louer. Au mois d'octobre 1874, le nombre des volumes ainsi rĂ©unis Ă©tait assez considĂ©rable pour qu'on songeĂąt Ă  orga- niser dĂ©finitivement la bibliothĂšque projetĂ©e. Une com- mission, chargĂ©e d'aviser aux moyens d'exĂ©cution, fut composĂ©e de MM. Daniel LĂ©vy, David Cahn et Emile Marque. A l'assemblĂ©e mensuelle de la SociĂ©tĂ© du l^''' fĂ©vrier 1875, on dĂ©cida, Ă  titre d'essai, d'admettre gratuitement pendant les six premiers mois, tous les membres de la Ligue aux avantages ofĂŻerts par la BibliothĂšque, et de faire payer 50 cents par mois aux personnes qui ne seraient pas sociĂ©taires. Cet arrangement provisoire subsista jusqu'au mois de mai 1882. A cette date, l'assemblĂ©e annuelle, sur la demande de l'administration, rĂ©solut que dorĂ©navant la Ligue paierait pour chaque ligueur abonnĂ© Ă  la Bibho- thĂšque. Afin de prĂ©venir toute espĂšce de malentendu, le con- seil avait eu soin de faire une dĂ©claration publique, cons- tatant que la BibhothĂšque Ă©tait la propriĂ©tĂ© exclusive de la Ligue, et que celle-ci s'en rĂ©servait seule la direction. Le 22 septembre 1875, M. Daniel LĂ©vy fut nommĂ© bibliothĂ©caire, Ă  titre honorifique. On lui adjoignit un secrĂ©taire appointĂ©, remplissant en mĂȘme temps les fonc- tions de secrĂ©taire du Bureau d'Aide et de Placement. Le 28 octobre, le conseil adopta le projet de rĂšgle- LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 343 ment de la BibliothĂšque, rĂ©digĂ© par M. E. Marque, au nom de la commission. A la date du 16 janvier 18TG, in avait en main r,041 volumes. Une foule de persounes, mĂȘme Ă©trangĂšres Ă  notre nationalitĂ©, dĂ©pouillaient leur proire bibliothĂšque au pro- fit de la nĂŽtre, et envoyaient des livres par centaines. D'autres Ă©liraient des Ă©ditions de luxe achetĂ©es Ă  grands frais. Un bal donnĂ© au bĂ©nĂ©fice de l'institution, sous le patronage des dames françaises, produisit net ^ Une souscription volontaire fournit aux recettes un appoint de par mois pendant une annĂ©e. Une souscrii>tion spĂ©ciale pour la reliure des volumes brochĂ©s rapporta $202. En outre, on reçut $ dont $150 de M. John B. Felton. La BibliothĂšque fut installĂ©e dans le local qu'elle occupe encore aujourd'hui, 120, rue Sutter. L'inaugura- tion eut heu le lundi soir, 24 janvier 1876, en prĂ©sence d'un nombreux auditoire. ^^ Les ressources provenant des abonnements Ă©taient loin de sufifire aux frais d'entretien. Aussi, eut-on recours, pour Ă©quilibrer le budget, Ă  de nouvelles souscriptions volontaires, Ă  des bals, Ă  des pique-niques et Ă  des reprĂ©- sentations théùtrales. Des artistes, des amateurs et des SociĂ©tĂ©s, entre autres, l'OrphĂ©on, la SociĂ©tĂ© artistique des amateurs, ont prĂȘtĂ© gĂ©nĂ©reusement leur concours. 1 — Vlnlernet, navire de guerre français, Ă©tant arrivĂ© le jour mCme n San Francisco, des cartes .l'invitation furent envoyĂ©es aux ofliciers. Le navire Ă©tait commande par un homme devenu cĂ©lĂšbre, comme commandant de l'expĂ©dition de Madagascar, et mort rĂ©cemment ‱ l'amiral Pierre. Un autre ollicier. mort d'une façon hĂšroi.ue presque en mĂȘme temps, se trouvait Ă©galement, ce jour-lĂ , de passage Ici le capitaine Uenrl RiviĂšre. 344 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Au 30 avril 1877, fin du premier exercice qui se com- posait de quinze mois, l'institution Ă©tait en possession de 8,204 volumes ou brochures, qu'elle avait reçus en dons, et de 2,559 volumes qu'elle avait achetĂ©s de ses deniers. To- tal 10,763 — volumes ou brochures. Dans ce nombre figuraient 445 publications envoyĂ©es par le gouvernement de Washington ou par des administrations de l'Etat de Californie. La quantitĂ© des volumes rehĂ©s Ă©tait de 8,483. Un assez grand nombre d'ouvrages offerts se trouvaient dĂ©pareillĂ©s ou hors d'usage. Ils ont Ă©tĂ© depuis Ă©liminĂ©s. Les recettes gĂ©nĂ©rales s'Ă©taient Ă©levĂ©es Ă  $5, Les abonnements n'avaient produit que $592. Les dĂ©penses de toutes natures, y compris les frais d'installation, se montaient Ă  $5, Le nombre des volumes prĂȘtĂ©s, durant les quinze mois, Ă©tait de 8,055. Dans le courant du second exercice, le nombre des livres prĂȘtĂ©s fut de plus du double. Il s'Ă©leva Ă  16,374. Arrivons Ă  la situation actuelle. D'aprĂšs le dernier rapport de la Commission — 20 avril 1884 — la BibliothĂšque contenait Ă  cette date 12,239 volumes, presque tous reliĂ©s, et dont 1,500 de littĂ©- rature anglaise ; plus 1,822 brochures. Pendant l'exercice 20,503 volumes ont Ă©tĂ© prĂȘtĂ©s, 511 ont Ă©tĂ© reçus en dons et 342 achetĂ©s Ă  Paris. La Commission a fait imprimer, Ă  mille exemplaires, le catalogue des livres eu langue française, Ă  l'usage des abonnĂ©s. LIGUE NATIONALE FRANÇAISE. 345 Les recettes de raiiiiĂ©e se sont Ă©levĂ©es Ă $l,U10, et les dĂ©penses rĂ©elles Ă  $2, L'administration a fait quelques tentatives pour orga- niser des confĂ©rences. A'^oici les noms des personnes qui ont bien voulu se faire entendre dans la salle de la Biblio- thĂšque Le Dr, DĂ©pierris, "contre le tabac;" le Dr. Du- puy, "sur les fonctions du cerveau ;" M. Francoz, "sur le Mexique et les Mexicains;" et le Dr. DĂ©clat, de Paris, " sur les ĂȘtres invisibles Ă  l'Ɠil nu." An point de vue financier, la BibliotliĂšque se trouve dans la mĂȘme situation que les autres BibliothĂšques de la ville, non subventionnĂ©es par l'Etat. Comme institution, elle est, croyons-nous, la seule de ce genre, que les Français ait fondĂ©e hors de la France. Voici la liste des PrĂ©sidents de la Ligue Nationale depuis sa fondation MM. Alexandre Weill - - - 1871-73 J. Pinet - - - - 1873-74 PignĂ©-Dupuytren - - - 1874-75 Marc de Kirwan - - - 1875-78 Daniel LĂ©vy . - - - 1878-85 Le conseil d'administration actuel est compose de la maniĂšre suivante Daniel LĂ©vy, prĂ©sident; Em. Raas et IL Weill, vice- prĂ©sidents ; Eni. Meyer, trĂ©sorier; A. Goustiaux et L. Saclier, secrĂ©taires. — Membres du conseil A. Loiseau, E. Thomas, J. Deler, F. Lacua et A. Schmitt. SecrĂ©taire de la BibliothĂšque française M. AimĂ© Masson. 346 LES FRANÇAIG EN CALIFORNIE. FAITS DIVERS 1874. H. RocHEFORT — AprĂšs son Ă©vasion de Xou- mĂ©a Nlle CalĂ©donie, Henri Rocliefort arrive Ă  San Fran- cisco dans le courant du mois de mai, avec ses corapar gnons de captivitĂ©, Paschal Grousset et Francis Jourde. Rocliefort garde le plus strict incognito. Ses amis, au con- traire, acceptent un banquet qui leur est offert par un certain nombre de rĂ©sidents français, partisans de la Com- mune. , 1875 Le Dr. PignĂ©-Dupuytren, prĂ©sident de la Ligue Nationale, quitte San Francisco le 28 aoĂ»t 1875, pour s'Ă©tablir, avec sa famille, Ă  Los Angeles. Ses collĂš- gues du conseil d'administration lui donnent, Ă  la veille de son dĂ©part, un dĂźner d'adieux au restaurant Hunt. Au des- sert, ils lui prĂ©sentent une adresse exprimant leurs sympa- thies pour sa personne et la reconnaissance de la Ligue pour les services qu'il lui a rendus, et tout particuliĂšrement pour le zĂšle infatigable qu'il a mis Ă  fonder la BibliothĂš- que. En souvenir de ses grands services, ils lui offrent, au nom de la SociĂ©tĂ©, une bibhothĂšque en beau chĂȘne poli. 1876. Centenaire AmĂ©ricain. — Ăź^os compatriotes prennent une part trĂšs chaleureuse Ă  cette fĂȘte de la hbertĂ© et de la rĂ©pubhque. A San Francisco, ils Ă©lĂšvent rue Kearny, prĂšs de la rue Post, un Ă©lĂ©gant arc de triom- phe, dĂ©diĂ© Ă  la mĂ©moire de ces deux illustres reprĂ©sen- FAITS DIVERS. 347 tauts des nationalitĂ©s amĂ©ricaine et fran; Washing- ton et Lafayette. Mars 1878 — M. Tlenri Barroilhet, prĂ©sident de la SociĂ©tĂ© Française de Bienfaisance Mutuelle, reçoit la dĂ©co- ration de Chevalier de la lĂ©gion d'honneur. 1878 — M. ^hirc de Kirwan, qui a prĂ©sidĂ© la Ligue pendant trois ans et qui s'est consacrĂ© avec le plus entier dĂ©vouement Ă  l'organisation de la BibUothĂšque, se dispose Ă  quitter San Francisco, avec l'intention de rentrer en France. Le 23 mai, Ă  la sĂ©ance d'installation du nouveau con- seil, celui-ci prĂ©sente Ă  son ancien prĂ©sident, au nom de la Ligue, une adresse et une montre en or. L'adresse expri- me les vifs regrets causĂ©s aux sociĂ©taires par son dĂ©part, leur profonde reconnaissance pour ses Ă©minents services, et leurs vƓux sincĂšres pour son bonheur. La montre est un chronomĂštre en or, Ă  cuvette guillochĂ©e, portant Ă  l'in- tĂ©rieur, l'inscription suivante A M. Marc de Kincan La Ligue Nationale Française de Californie 1878. A la veille de son dĂ©part, le 3 aoĂ»t, un grand nombre de ses amis, parmi lesquels les membres du conseil de la Lio-ue, lui donnent Ă  la Maison DorĂ©e un banquet d"adioux. 1880. ^L F. DE Lesseps — ArrivĂ©e Ăź\ San Francisco de M. Ferdinand de Lesseps, accompagnĂ© de MM. X. Appleton, H. Bionne, A. Couvreux, Marcel Gallay, A. 348 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Dauprat, son secrĂ©taire, et, lasi but not least, sa char- mante fille, la petite Toiotc. M. de Lesseps s'arrĂȘte trois jours Ă  San Francisco. La ville est en Ă©moi. Le Palace HĂŽtel, oĂč il est descendu, arbore le drapeau tricolore ; il en est de mĂȘme d'un grand nombre de maisons françaises et du consulat. La Chambre de Commerce et le Board of JVade font une rĂ©ception Ă  la fois solennelle et cordiale au " grand Français," et notre colonie lui tĂ©moigne, avec enthousias- me, le plaisir que lui cause sa prĂ©sence. Un grand banquet lui est offert par nos compatriotes et par les AmĂ©ricains de la ville. 1880. M. Alex. Weill — Le 11 avril de la mĂȘme annĂ©e, grand banquet offert par la colonie française Ă  M. A. Weill, Ă  l'occasion de son dĂ©part de la Californie aprĂšs 25 annĂ©es de rĂ©sidence. Plus de deux cents de nos com- patriotes prennent part Ă  cette manifestation de sympathie pour un des leurs qui a rendu de si grands et nombreux services Ă  la colonie. Au dessert, MM. Letroadec et Car- rĂšre lui offrent, au nom de la SociĂ©tĂ© de Bienfaisance Mu- tuelle, une trĂšs belle mĂ©daille en or d'un large module, et M. E. Raas, au nom de la Ligue Nationale, lui prĂ©sente un magnifique album contenant les vues les plus remarqua- bles de la Californie. On se rappelle que M. Alex, Weill a Ă©tĂ© prĂ©sident des deux SociĂ©tĂ©s. De leur cĂŽtĂ©, les Dames de la SociĂ©tĂ© de Bienfaisance offrent, comme hommage, Ă  Madame Alex. Weill, leur ancienne prĂ©sidente, un charmant coffret en ivoire sculptĂ©, FAITS DIVERS. 349 avec une iuseriptiou exprimaut les sentiments des dona- trices. Le 14 juillet 1381, au cours de la cĂ©lĂ©bration de la FĂȘte nationale au Pavillon du Mechanics' Institute, la po- pulation française rĂ©unie apprend, par une dĂ©pOche lue par le prĂ©sident du jour, que M. Alex. Weill a Ă©tĂ© nommĂ© Che- valier de la lĂ©gion d'honneur. 1880. DÉPART DE M. FoREST — Le 21 novemlre, grand banquet, oiiert cette fois par la colonie de San Francisco Ă  M. le consul A. Forest, nommĂ© consul-gĂ©nĂ©ral et chargĂ© d'attaires Ă  Bogota Etats-Unis de Colombie. Parmi les assistants on remarque M. A. Vauvertde MĂ©an, le nouveau consul, et ses collĂšgues d'Angleterre et de Belgique. 1881. M. A. Vauvert de MĂ©an — La Ligue Xatio- nale donne, le 7 fĂ©vrier, un grand bal d'invitation en l'honneur du nouveau consul de France et de Madame de MĂ©an. Parmi les Ă©trangers de distinction qui assistent Ă  cette fĂȘte, signalons Sa MajestĂ© Kalakaua, roi des Ăźles Sandwich. 1881 — M. Emile Marque, rĂ©dacteur et administra- teur du Courrier de San Francisco, et membre du con- .seil de la Ligue depuis la fondation, reçoit, Ă  l'occasion de son dĂ©part de San Francisco, un tĂ©moignage d'attec- tueuse estime de ses nombreux amis. Dans une adresse d'adieux, ils lui expriment leurs vifs regrets de le voir partir, leur respect pour son caractĂšre plein de loyautĂ©, €t leur reconnaissance pour ses nombreux services Ă  la population, comme publieiste et comme patriote. Ils lui 350 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. offrent, en mĂȘme temps, une montre en or, portant l'inscription suivante A M. Marque, Pak ses Amis de San Feancisco. 1883. Mort de Gambetta — La nouvelle de la mort de Gambetta a eu dans notre colonie le plus douloureux retentissement. Nulle part ce grand citoyen n'avait Ă©tĂ© aussi universellement populaire et admirĂ©. La population française, rĂ©unie en assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale, dĂ©cide de cĂ©lĂ©- brer une cĂ©rĂ©monie funĂšbre, le dimanche, 7 janvier, Ă  1 heure et demie de l'aprĂšs-midi. Cette cĂ©rĂ©monie a lieu au Grand OpĂ©ra House, avec beaucoup de solennitĂ©. Weill prĂ©sidait. L'auteur de ce livre avait Ă©tĂ© chargĂ© de prendre la parole au nom de la colonie fran- çaise. M. Calegaris a prononcĂ© un discours au nom de la colonie italienne, et M. Van der Naillen, au nom des rĂ©si- dents belges. Notons un incident qui a causĂ© un certain Ă©moi eu ville, et qui a mĂȘme eu de l'Ă©cho dans la presse pari- sienne. A l'arrivĂ©e de la dĂ©pĂȘche annonçant la mort de Gam- betta, le consul de France Ă©tait absent de San Francisco. En apprenant cette triste nouvelle, il y revint aussitĂŽt, mais, ne se croyant pas le droit de mettre sou iiavillou eu berne sans ordre, il tĂ©lĂ©graphia Ă  son chef hiĂ©rarchique pour lui demander des instructions. La rĂ©ponse arriva tar- divement ; mais elle l'autorisait Ă  s'associer officiellement au deuil de la colonie. Aussi le pavillon, couvert d'un crĂš- FAITS DIVERS. 351 pe, lut-il maintenu en berne sur le eonsulut pendant les journĂ©es de samedi et de dimanche, G et 7 janvier. Mal- heureusement, beaucoup de nos compatriotes crurent voir dans ce dĂ©lai, un manque de sympathie pour Gambetta, et quelques-uns manifestĂšrent vivement leur dĂ©sapproba- tion.!' 1884, 9 Mars — ArrivĂ©e du PĂšre Hyacinthe-Loyson, de ^ladame Loyson et de leur fils. Le cĂ©lĂšbre prĂ©dicateur donne, Ă  Platt's Ilall, une con- fĂ©rence sur "la France et l'AmĂ©rique." IN'otre colonie est heureuse de ]OUvoir applaudir un Français d'une si haute Ă©loquence. Le PĂšre se fait aussi entendre Ă  l'Ă©glise Ă©pisco- pale de la TrinitĂ©. Une foule Ă©norme remplit le vaste temple, et, bien que le sermon soit prononcĂ© en français, langue incomprise par la grande majoritĂ© des auditeurs, il y a tant d'expression, tant de puissance entraĂźnante dans la voix, dans le geste, dans l'accent de l'orateur, que tout le monde semble suspendu Ă  ses lĂšvres. 15 Juin, DĂ©part de M. de MĂ©an — Le consul de France, M. A. Vauvert de MĂ©au, ayant demandĂ© et obte- nu un congĂ© de six mois, fixe son dĂ©part pour la France au 15 juin. Un banquet lui est offert le 12, Ă  la Maison DorĂ©e, par un grand nombre de nos compatriotes. M. Touchard, porte la santĂ© de M. de MĂ©an, et s'ex- prime ainsi "En invitant notre digne consul Ă  s'asseoir Ă  1 — Voir Ă  ce 8ujet le Courrier du 4 et 5 janvier, ainsi que la lettre de M. de MĂ©an Ă  l'auteur, publfĂ©e dans le numĂ©ro du 9. 352 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. notre banquet, nous avons pour but de lui donner un tĂ©- moignage de l'estime et du respect que nous lui portons, et, eu mĂȘme temps, de le remercier cordialement, comme membres de la colonie française des importants services qu'il a rendus avec un dĂ©vouement qui ne s'est jamais ra^ lenti. Toujours Ă  son poste, toujours occupĂ© Ă  remplir les devoirs de sa lal^orieuse mission, toujours disposĂ© Ă  prĂȘter Ă  ses compatriotes l'appui de ses lumiĂšres et de ses con- seils M. de MĂ©an s'est acquis des droits incontestables Ă  la rĂ©putation d'un fonctionnaire habile, consciencieux et zĂ©lĂ©. " Souscription, ouverte par la presse franco-californienne pour les victimes du cholĂ©ra en France. Close le 9 novem- bre 1884, ehe produit $3, Souscription, ouverte par la Ligue pour la publication de ce livre. A la date du l^'' dĂ©cembre elle s'Ă©lĂšve Ă  prĂšs de 1,600 dollars. FÊTES Ăź^ATiONALES — Le 14 .TmlUt se cĂ©lĂšbre en Cali- fornie avec beaucoup d'entrain et d'enthousiasme. C'est pour les membres de la colonie une excellente occasion de se rapprocher, de s'apprĂ©cier et de confondre leurs rangs dans un sentiment profond de fraternitĂ© nationale. A San Francisco, Ă  Los Angeles et Ă  San JosĂ©, notamment, cette fĂȘte est observĂ©e par toute la population française. On y a pris jusqu'Ă  prĂ©sent pour modĂšle le programme adoptĂ© par les AmĂ©ricains pour le 4 juiUet, tout en lui conservant le cachet particuher Ă  la race gauloise. A San Francisco, a Heu, l'aprĂšs-midi, dans une grande salle, d'ordinaire au FAITS DIVERS. 353 Grand OpĂ©ra House, la cĂŽrĂ©moiiie appelĂ©e Exercices IJttĂ©- raires et qui comprend des discours, des cliauts, des rĂ©cita- tions poĂ©tiques, le tout ayant un caractĂšre appropriĂ© ;\ la circonstance. Des Compagnies militaires et des SociĂ©tĂ©s Ă©trangĂšres, amĂ©ricaines, suisses, italiennes, mexicaines etc., s'associent fraternellement Ă  la manifestation. Ces Compagnies, avec les Gardes Lafayette et les Frencli Zouaves, suivies de la population française, se rendent sou- vent en une longue file, musique en tĂȘte, et drapeaux dĂ©- ployĂ©s, Ă  la salle oĂč les exercices doivent avoir lieu. Le soir, il y a grande fĂȘte, illuminations, feux d'arti- fices, concert, bal, dans un jardin public. Woodward's Garden a jusqu'ici servi de théùtre Ă  ce festival de nuit qui attire toujours des milliers de curieux appartenant Ă  toutes les nationalitĂ©s. A Los Angeles et Ă  San JosĂ©, le programme esta peu prĂšs le mĂȘme. Dans les petites localitĂ©s, nos compatriotes cĂ©lĂšbrent gĂ©nĂ©ralement, par des banquets, l'anniversaire de la chute de la Bastille. DispersĂ©s au loin, Ă  plusieurs lieues Ă  la ronde, ils quittent leurs travaux et se rĂ©unissent au centre le plus important pour fraterniser et donner un liln-e cours Ă  leurs sentiments. Partout, dans ces occasions, on voit flotter le drapeau tricolore, symbole de la patrie absente, partout aussi retentissent les accents inspirĂ©s de la Mar- scUlaisc. Ce jour-lĂ , par la pensĂ©e, par le cƓur, par l'imagina- tion, la colonie se sent vivre dans la France bien-aimĂ©e. 354 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. Voici, auiiĂ©e par annĂ©e, les noms des prĂ©sidents et des orateurs du jour, nommĂ©s Ă  San Francisco, Ă  l'occasion de la FĂȘte nationale 1880 MM. Rapli. Weill, prĂ©sident; A. Goustiaux, orateur 1881 A. Goustiaux, " Daniel LĂ©vj, " 1882 E. Eaas, " A. Goustiaux, " 1883 Daniel LĂ©vy, " A. Goustiaux, " 1884 De Jouffroj d'Abbans, L. L. Deunerj, " M. Vauvert de MĂ©au a Ă©tĂ© prĂ©sident honoraire de la fĂȘte en 1881, 1882 et 1883. Tableau des Consuls qui ont successivement occupĂ© LE POSTE DE SaN FRANCISCO. NOMS DES AGENTS. DiLLON, Patrice, - - Consul Gautier, Ferdinand, - Consul FoEEST, A, - Chancelier GĂ©rant Gaptieb, Ferdinand, - Consul De Cazotte, Ch., Consul GĂ©nĂ©ral Belcour, J., Chancelier GĂ©rant De Cazotte. Ch., Consul GĂ©nĂ©ral Belcocr J. - - - - GĂ©rant Bbeuil, Ed, - Consul GĂ©nĂ©ral Beloouk, j. - - - . GĂ©rant Fobest, Antoine, Consul GĂ©rant banquiers, mĂ©- decins, ingĂ©nieurs, propriĂ©taires, spĂ©culateurs en terrains, architectes, pharmaciens, artistes, professeurs, avocats, fleuristes, ouvriers et artisans habiles en tous genres. Quel- 1 —Les importations françaises ont considĂ©rablemeut diminuĂ© depuis 1851. On se rap- pelle qu'Ă  cette Ă©poque, elles s'Ă©levaient Ă  plus de deux millions de dollars. En 1S81, malgrĂ© l'immense accroissement de la population, elles Ă©taient rĂ©duites Ă  $S39,4S3 ; en 1882, Ă  $1, et l'annĂ©e derniĂšre Ă  Ă  $803,713. Il convient, toutefois, d'augmenter d'un tiers ces chiffres pour les marchandises dont les droits ont Ă©tĂ© perçus Ă  la douane de New-York, et qui de cette ville ont Ă©tĂ© transportĂ©es Ă  San Francisco par chemin de fer. L'Ă©lĂ©vation du tarif et le prodifçieux dĂ©veloppement de l'industrie amĂ©ricaine, ont amenĂ© cette forte rĂ©duction dans l'importation des articles français. Mais le commerce français en Californie, en d'autres termes le chiffre des transactions commerciales fai- tes par nos nĂ©gociants est certainement bien supĂ©rieur Ă  ce qu'il Ă©tait il y a trente ans. CONCLUSION. 301 ques-uiis ont Ă©tĂ© Ă  la tOte d" luaiml'actnrcs de laina2;e ; d'autres ont essayĂ© avec pins ou moins de succĂšs d'acclimater des industries françaises, telles que fabriques de soieries, de gants, etc. Les restaurants français figurent partout au premier rang, et certains magasins français ri- valisent sans dĂ©savantage avec les plus beaux du pays. Dans les campagnes, nos compatriotes se livrent aux diverses brandies de l'agriculture. A Los Angeles, ils ont Ă©tĂ© des premiers, sinon les premiers Ă  planter la vigne. De mĂȘme Ă  San JosĂ©, oĂč, eu outre, ils ont, importĂ© des plants divers de France, et principalement le mĂ»rier, des- tinĂ© Ă  l'Ă©lĂšve des vers Ă  soie. Dans les comtĂ©s de Napa, de Sonomn, de Sauta Barbara, de San Bernardino, de Los Angeles et de San Diego, etc., ils possĂšdent des fermes considĂ©rables et figurent parmi les principaux viticulteurs. Dans la rĂ©gion du sud, notamment dans les comtĂ©s de Los Angeles et de Kern, des centaines de nos compatrio- tes, originaires, pour la plupart, des dĂ©partements limitro- phes de l'Espagne et de l'Italie, BĂ©arnais, Basques et Dauphinois, se livrent Ă  l'Ă©levage des moutons et au com- merce des laines, industries dans lesquelles beaucoup d'entre eux ont trouvĂ© Ă  s'enricliir. En un mot, la situation matĂ©rielle de notre colonie peut se rĂ©sumer ainsi pour quelques-uns, une grande si- tuation; pour la masse, une honnĂȘte aisance. Il n'y a pas en Californie de population plus stable, plus rangĂ©e, plus adonnĂ©e au travail et Ă  l'Ă©conomie, plus respectueuse des lois, que la population française. Il n'y en a pas non plus qui, toutes proportions gardĂ©es, ait moins 362 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. d'indigents, et qui montre plus de sollicitude pour les mal- heureux de sa nationalitĂ©. ITotre colonie est moins nombreuse qu'il y a vingt- cinq ou trente ans. Le recensement dĂ©cennal de 1880 cons- tate que les Français, placĂ©s dans le ressort consulaire de San Francisco, comprenant la Califoi-nie, l'OrĂ©gon, le Ne- vada, et les territoires de Washington, d'Idaho, d'Utah et d'Arizona, sont an nombre de 11,416. 'Nons avons tout lieu de croire ce chittre au-dessous de la vĂ©ritĂ©. Mais en ad- mettant cette Ă©valuation comme exacte, plus de dix mille de nos compatriotes, c'est-Ă -dire les neuf-dixiĂšmes, rĂ©side- raient en Californie.^' Le gros de cette po[tulation se divise en trois groupes principaux. San Francisco compte au moins 6,000 Fran- çais, femmes et enfants compris. Le comtĂ© de Los Angeles, d'aprĂšs divers renseignements trĂšs sĂ©rieux qui nous sont parvenus, en contient de 1,500 Ă  2,000. Et le comtĂ© de Santa Clara, 600, dont 500 environ Ă  San -FosĂ©. Autrefois, Ă  San Francisco, nos compatriotes hali- taient un quartier particulier, celui de North Beach. LĂ , notre langue dominait on eĂ»t dit un faubourg de ville française. Aujourd'hui ils sont dissĂ©minĂ©s sur tous les 1 — Le document officiel que nous citons, fixe Ă  106,971 le nombre des Français Ă©tablis dans l'Uriinn amĂ©ricaine; mais ce chiffre ne comprend ni les femmes mariĂ©es en AmĂ©ri- que Ă  des Français, ni les enfants nĂ©s aux Etats-Unis de parents français. Voici com- ment nos nationaux sont dissĂ©minĂ©s, d'aprĂšs le recensement dĂ©cennal District de Co- lumbia WasbinKlo" et les environsi 293; consulat gĂ©nĂ©ral de New-York 4G,870 ; consu- lat de la Nouvelle OrlĂ©ans 14,134; consulat de San Francisco 11,416; consulat de Chicago 31,109 ; consulat de Charleslon 3,086. Les Français Ă  San Francisco, toujours suivant les statistiques en iiuestion, Ă©taient en 1880 au nombre de 4,160 -les Allemanays. Xotre colonie, telle qu'elle existe aujourd'hui, a subi 1 — Cependant si l'on veut se procurer l'illusion d'un coin de quartier populaire paiisieD, il suffit de visiter le marchĂ© de la rue Clay occupĂ© par des bouchers, charcutiers et tri- piers français qui, tout en faisant leurs affaires, se livrent franchement Ă  la verve et Ă  l'entrain du vieil esprit gaulois. A Los Angeles, la rue Aliso est le quartier par excellence de nos compatriotes. 3 — DĂ©tail futile mais caractĂ©ristique On se rappelle l'espĂšce de grief formulĂ© Ă  ce sujet p&T Us of S m Friiricisco. oontre les Français. Pour comprendre rallusion, il faut savoir qu'Ă  cette Ă©poque nos compatriotes portaient la moustache militaire ou la barbe des rĂ©publicains montagnards, tandis que les .\mĂ©ricAinĂą et les Irlandais qui, de- puis, ont adoptĂ© la mĂȘme mode, la pjruient, pour la plupart, taillĂ©e en favoris, en collier ou en barbe de bouc, dite goaUA, 364 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. l'influence des annĂ©es et du milieu oĂč elle vit. DispersĂ©e, parmi les autres Ă©lĂ©ments de la po}tulation, elle ne forme plus un clan rigoureusement sĂ©parĂ©. Elle a changĂ© morale- ment aussi bien que socialement, tout en conservant son type originel, sa physionomie particuliĂšre. Elle a em- pruntĂ© aux AmĂ©ricains bon nombre de leurs qualitĂ©s; l'es- prit d'association a surtout exercĂ© sur elle un grand em- pire; les nombreuses SociĂ©tĂ©s de prĂ©voyance et d'assurance sur la vie qu'elle a fondĂ©es ou dont elle fait partie, sont une dĂ©monstration Ă©clatante de cette vĂ©ritĂ©. Il y a, ce nous semble, bien peu de Français en Californie [Ui n'aient eu le soin de se garantir ou de garantir leurs familles contre les Ă©ventualitĂ©s fĂącheuses de l'avenir, en cas de maladie, de dĂ©cĂšs ou de revers de fortune. Devenus, en grand nombre, citoyens amĂ©ricains, ils preiment Ă  la politique courante, aux Ă©vĂ©nements qui con- cernent leur pays d'adoption, la part la plus active. C'est une famille nouvelle dans laquelle ils sont entrĂ©s et dont ils Ă©pousent les idĂ©es, les passions et les intĂ©rĂȘts. Mais si, dans la vie publique, ils s'identifient avec la masse de la population amĂ©ricaine, dans la vie privĂ©e, il n'en est pas ainsi. PĂ©nĂ©trez dans l'intĂ©rieur de leurs maisons, vous vous croirez en France mĂȘme. L"idiome maternel y fait entendre ses doux accents. Bien des objets familiers y rappellent la patrie absente les dĂ©tails de l'ameublement, les livres, les journaux et ces tableaux po- pulaires qui reprĂ©sentent des personnages illustres ou des Ă©j^isodes glorieux de notre histoire nationale. La conver- sation roule sur des sujets d'intĂ©rĂȘt français. On parle de CONCLUSION. 365 Paris, des Ă©vĂ©nements qui s'y succĂšdent ; on parle aussi, avec une Ă©motion toujours renaissante, de la ville ou du village oĂč vivent ceux qui nous sont chers, oĂč ti'0[» sou- vent, hĂ©las! dorment du dernier sommeil ceux qui ont veillĂ© sur notre enfance. Mais aux paroles et aux sentiments des parents vien- nent se mĂȘler ceux de la gĂ©nĂ©ration nouvelle, nĂ©e et Ă©levĂ©e dans ce pays. Cette gĂ©nĂ©ration est franco-atiiĂ©ricaine, c'est- Ă -dire qu'elle est dominĂ©e par deux influences morales [ui cherchent Ă  se confondre et qui produisent chez l'enfant un esprit nouveau. L'influence amĂ©ricaine dominera Ă  la troisiĂšme gĂ©nĂ©ration. Mais, il y a dans la race française une telle vitalitĂ©, les liens qui la rattachent Ă  la }atrie ont une telle puissance, que la personnalitĂ© de notre colo- nie, grĂące Ă  l'adjonction de nouveaux Ă©lĂ©ments venus de France, rĂ©sistera pendant bien des annĂ©es, pendant des siĂšcles peut-ĂȘtre, Ă  une absorption complĂšte.*" Tout en subissant l'influence irrĂ©sistible des idĂ©es ambiantes, tout en sattachant cordialement au pays qui lui accorde une gĂ©nĂ©reuse hospitalitĂ©, tout en se faisant gloire de contribuer, par son travail, par son intelligent-e, par ses capitaux, Ă  la prospĂ©ritĂ© gĂ©nĂ©rale ; notre colonie est encore aujourd'hui fonciĂšrement française. Elle l'est restĂ©e par les mille liens créés par la communautĂ© d'origi- ne, de langage, de souvenirs et d'espĂ©rances. Ses ijistitu- tiens particuliĂšres, ses amusements mĂȘmes, ses pique- 1 — On a souvent ciiĂŽ Ă  l'appui J'opinions semblables, l'exemple ilu Canada, Je la Loui- siane, de l'ile Maurice, etc ; mais un exemple, selon nous, plus remarquable, c 'est celui de ces petits villafĂźes il' Allemagne, ou malgrĂ© toutes les liitluences du milieu oĂč Ils ae trouvent placĂ©*, les habitants, descendants des Huguenots expulsĂ©s de France il y a deux 3iĂšcles par la rĂ©vocation de l'Ă©dit de Nantes, continuent a, parler notre langue. 366 LES FRANÇAIS EN CALIFORNIE. niques, ses bals, ses soirĂ©es, ses reprĂ©sentations dramatiques, sa bibliothĂšque, ses fĂȘtes nationales, ses manifestations patriotiques, sont autant de forces prĂ©servati-ices de son individualitĂ© morale. Citoyens dĂ©vouĂ©s et reconnaissants des Etats-Unis, nos compatriotes conservent pour la j^atrie lointaine, le senti- ment indestructible, le culte attendri et profond d'un fils pour sa mĂšre absente. FIN. APPENDICE LocalitĂ©s de l'intĂ©rieur de la Californie, qui ont contribuĂ© Ă  la souscription en 1872 Almaden Angel's Camp Bakersfield Bush Creek Brown's \'alley Benicia Camptonville Cerio Gordo Coulterville Camanche Colusa , Crescent City Callahan's Ranch Clarksville Downieville Eldorado French Corial , Frenchtown Fiddletown Grass Valley Green Springs Goodvear's ĂŻiar Havilah.. Hornitos Hill's Ferry Jamestown Jackson La Grange. .A Long Bar Los Angeles 3 Mosquito Gulch Mayheld Marysville Mokelumne Hill Mission San JosĂ© jMichigan Bluff. Millbraie iMonterey Merced Falls Murphy Mountain \'iew Napa et St Helena.... 49 00 59 50 90 00 48 50 67 li 25 00 52 50 28 00 47 50 89 00 26 50 71 50 7' 50 38 00 289 50 81 00 192 00 Il -^o 54 00 645 50 81 50 35 00 82 00 115 50 76 65 3' 00 96 50 139 00 34 00 >7i5 IS 69 co 45 00 202 75 154 00 78 00 48 50 1 18 00 45 00 18 00 52 50 14 25 1 17 00 Report $7 New Idria N e vada City Novato North Bloomfield Natividad Oakland Oak Valley Old Gulch Oro ville Fetaluma Pike City Portwine Reed Ranch Rich Gulch Rich Bar Sacramento Sais Ranch Snelling ,.. Saucelito Santa Clara San Juan Santa Barbara Sonora San Bernardino Sononia Stockton Saltspring Valley Shasta San Luis Obispo San Bernardo Ranch San AndrĂ©as San RafaĂ«l Truckee Vallecito Vallejo Visalia. Volcano Woodland Watsonville West Point White Bar Yreka ,468 84 196 70 38 -5 263 63 4 58 17 23 174 10 46 43 937 50 30 83 256 685 212 68 83 25 38 149 207 133 39 75 35 12> 30 27 10 5' 7ĂŻ 329 8 15 00 00 00 50 00 10 00 00 25 00 50 50 00 50 00 35 00 25 00 50 50 55 70 50 90 40 50 co 20 00 50 00 5- 00 00 A reporter ^7,468 15 Total des sommes encaissĂ©es, provenant de l'intĂ©rieur 512,403 60 ERRATA. Xous ne rectilierous pas toutes les erreurs typogra- phiques. ĂźTous nous boruous Ă  signaler les suivantes PAGES 8 59 vni 2>1 69 69 98 III 125 239 278 278 282 319 345 360 361 14 I 10 8 13 16 22 12 22 18 26 27 30 14 15 10 Erreur de fait le Nev sinairement partie du de la Californie. supprimez avec. Au lieu de telles bas-Ă©tages Clay et Sacramento Pescau Landry rentrer Desforges auteur Cardinett Hippolite 8 mai forme du ait leur rĂŽle si efĂźacĂ© ils ont, importĂ© ada et l'Utah faisaient ori- Nouveau ^Mexique et non Lisez tels bas-Ă©tage. Sacramento et Kearny Sescau Landrau entrer Desfarges auteur de la proposition Cardinet ‱ Hippolyte 9 mai forme de gouvernement aient leur rĂŽle est si effacĂ© ils ont importĂ© TABLE DES MATIERES DĂ©dicace Avant-propos ^ PREMIÈRE PARTIE APERÇU HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE. I DĂ©couverte de la Californie — RĂ©gime espagnol et mexicain — Mis- sions — Fondation de Yerba Buena ou San Francisco — FrĂ©mont — EchauflburĂ©e du Bear Flag — Annexion aux Etats-Unis— Emi- grants par les plaines — Population en 1847 et en 1848 page i II Sutter — DĂ©couverte de l'or — Tout le monde court aux placers — DĂ©tails officiels sur les mines et les mineurs — Premiers camps mi- niers — Premiers immigrants — ChertĂ© en toutes choses — Riches- ses et privations — Le juge Lynch page n III Importance naissante de San Francisco — Principaux Ă©vĂ©nements de 1849 — Premier incendie — Lieux de dĂ©barquement — /.t'/ZiT U 'larf — Premier bateau Ă  vapeur— Vote de la Constitution — Les Hounds — Etat des rues de San Francisco, aspect de la ville page 17 IV' De 1850 A 1855. Incendies du 4 mai et du 14 juin 1850, Ă  San Francisco —Premier Directory — Charte d'incorporation — La Californie est admise au 370 TABLE DES MATIERES. nombre des Etats — Travaux de Titans — CholĂ©ra — Incendies du 4 mai et du 22 juin 185 1 — Richesse des mines — Les théùtres — Les premiers Chinois — Les nĂšgres — La rue Jackson — Les steam- er-days — Le colonel Walker — Population en 1852 — HĂŽtel des Monnaies — La Main d'Ɠuvre Ă  San Francisco en 1853 — ProgrĂšs de la ville — Le chemin de de fer l'isthme de Panama page 23 V Etat social Ă  San Francisco. De 1848 A 1852. Logements — Restaurants — Buvettes et salles de danse — HĂŽtels — Premier cirque et premier concert — Théùtres — Combats d'ours et de taureaux — Le dimanche Ă  San Francisco — Les rats — SpĂ©cu- lation d'un barbier nĂšgre — Les maisons de jeu page 31 VI Le ComitĂ© de Vigilance. 1856. page 38 VII Depuis 1857. La riviĂšre Frazer — ProgrĂšs de l'agriculture — Washoe — Pony Ex- press — Jardins publics Ă  San Francisco — Service de diligences par le Lac SalĂ© — Le tĂ©lĂ©graphe interocĂ©anique — Situation politi- que en 1861 — Inondations — Le chemin de fer de San JosĂ© — As- sassinat de Lincoln — Tremblements de terre — La rue Kearny — Le chemin de fer transcontinental — Le Comstock — Un conte des Mille et une Nuit — DĂ©bĂącle — Emeutes Ă  San Francisco — Denis Kearney et le parti ouvrier — ComitĂ© de sĂ©curitĂ© publique — Le Sand Lot — Élargissement de la rue Dupont — Le nouvel HĂŽtel de Ville — Coup d'Ɠil gĂ©nĂ©ral sur les derniĂšres annĂ©es page 42 VIII Villes de V IntĂ©rieur. Sacramento — Stockton — Marysville — Nevada — Grass Valley — Placerville — San JosĂ© — Los Angeles — San Diego, etc. — Les Missions page 54 TABLE DES MATIÈRES. 371 DEUXIEME TARTIE I LES PREMIERS FRANÇAIS EX CALIFORNIE. Le consul Dillon — Le NoĂ© de la Californie — Un Français, auteur du premier plan de Yerba Buena ou San Francisco — Un camp de mineurs français en 1848 — Les pionniers français — Les Incen- dies de 1851 — Les Gardes moljiles et les Lingots d'Or — Les premiĂšres Françaises — Statistiques — Souvenirs d'un Lingot LacomĂ©die Ă  la française se porte plutĂŽt bien en 2014, aprĂšs un rĂ©jouissant « Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu », voici « La famille BĂ©lier » dont on sent qu’elle va dĂ©foncer les portes du box office ! 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